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Interaction entre la résiliation judiciaire et le licenciement


Un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail car son employeur ne lui paie pas ses heures supplémentaires. En cours de procédure, l’employeur régularise sa situation.  L’affaire se retrouve devant la Cour de cassation : la régularisation des faits litigieux  postérieurement au licenciement était-elle de nature à rendre injustifiée la demande préalable de résiliation judiciaire du contrat de travail ?

Extrait de l’arrêt de la Cour de cassation, civile, Chambre sociale du 2 mars 2022. Pourvoi n° 20-14.099

[…]

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 29 janvier 2020), M. [Y] a été engagé en qualité d'agent d'entretien par la société Miroiterie d'Armor le 2 septembre 1998 et exerçait en dernier lieu les fonctions de conducteur de travaux.

2. Il a saisi la juridiction prud'homale le 13 avril 2016 d'une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, au motif notamment du non paiement d'heures supplémentaires.

3. Il a été licencié pour faute grave le 18 octobre 2016.

Examen des moyens

[…]

Sur le deuxième moyen. Enoncé du moyen

5. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de l'ensemble de ses demandes au titre de la résiliation judiciaire du contrat de travail et de sa demande en paiement d'heures supplémentaires, alors « que le non-paiement des heures supplémentaires durant quatre années constitue un manquement grave de l'employeur rendant impossible la poursuite du contrat de travail ; que la ''régularisation'' intervenue après le prononcé du licenciement, ''en fin de contrat'' n'a pu rendre possible la poursuite du contrat de travail ; qu'en écartant dès lors le manquement de l'employeur au paiement des heures supplémentaires bien qu'il n'ait été régularisé qu'après la rupture du contrat de travail, la cour d'appel a violé l'article L. 1221-1 du code du travail et l'article 1184 du code civil, dans sa rédaction antérieure au 1er octobre 2016. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1221-1 du code du travail, et 1184 du code civil, ce dernier dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

6. Il résulte de ces textes que lorsqu'un salarié demande la résiliation de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, et qu'il est licencié ultérieurement, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation judiciaire était justifiée. Pour apprécier si les manquements de l'employeur sont de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail, il peut tenir compte de la régularisation survenue jusqu'à la date du licenciement.

7. Pour débouter le salarié de sa demande de résiliation judiciaire et de ses demandes de paiement de diverses sommes au titre de la rupture, l'arrêt retient que le manquement tenant au défaut de paiement d'heures supplémentaires doit être écarté, compte tenu notamment de la démarche de régularisation effectuée par l'employeur avant même que le conseil ne statue, de sorte qu'un éventuel contentieux résiduel sur ce point n'empêchait pas la poursuite du contrat de travail.

8. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que l'employeur avait régularisé le paiement des heures supplémentaires postérieurement à la rupture du contrat de travail, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

9. La cassation prononcée sur le deuxième moyen n'atteint pas le chef de dispositif visé par ce même moyen déboutant le salarié de sa demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute M. [Y] de sa demande en paiement d'un rappel de salaires au titre des heures supplémentaires et de sa demande au titre de l'indemnité de travail dissimulé, l'arrêt rendu le 29 janvier 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;

Condamne la société Miroiterie d'Armor aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Miroiterie d'Armor et la condamne à payer à M. [Y] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux mars deux mille vingt-deux.

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