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Becoming Father


Maladroit et naïf, Miyamoto, jeune salaryman d’une entreprise de papeterie, tombe amoureux de l’énigmatique Yasuko. Celle-ci utilise Miyamoto pour se débarrasser d’un petit ami indésirable, mais finit par s’attacher au zèle de son admirateur. Alors que leur relation est mise à rude épreuve, Miyamoto s’enferme dans un cycle d’extrême violence pour sauver son honneur et reconquérir Yasuko… Une histoire d’amour et de vengeance adapté du manga culte de Hideki Arai.

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Entretien avec le réalisateur, Tetsuya Mariko

Comment en êtes-vous arrivé à réaliser vos premiers films ? 
Naturellement, j’ai toujours adoré regarder des films. C’est vers vingt ans que j’ai réalisé mes premiers courts-métrages en 8mm (L’Appartement de l’Extrême-Orient et Les 30 Pirates de Mariko) avant d’entrer en école de cinéma à la Tokyo University of the Arts. C’est à ce moment-là que j’ai réalisé mon premier long-métrage, qui est aussi mon film de fin d’étude, Yellow Kid. J’ai ensuite pu faire mon premier long-métrage “professionnel”, Destruction Babies puis Becoming Father que je considère comme mon troisième long-métrage. Entretemps, j’ai fait quelques films pour la télévision...

Dans Destruction Babies et Becoming Father, les personnages sont enfermés dans des spirales d’ultra-violence, avec une représentation très brutale de celle-ci. Comment est-ce venu ?
 En écrivant Destruction Babies, je me suis rendu à Matsuyama, une ville dans la préfecture de Ehime, assez loin de Tokyo. J’y ai rencontré et interviewé certains de ses habitants. Il y avait un homme, du même âge que moi, qui m’a raconté avoir été très violent lorsqu’il était plus jeune. Même s’il avait de nombreuses règles à respecter, la violence reste de la violence. Pendant qu’il me racontait son histoire, je savais que ce que j’entendais n’était pas acceptable mais je ne pouvais m’empêcher de réagir physiquement à ce qu’il me disait : je ressentais une forme d’excitation. Entendre ou voir des événements violents peut provoquer des sensations physiques très fortes, voire attrayantes. Lorsque je tournais Destruction Babies, je voulais montrer les différents types de violence qui existent. Au début du film, on voit le protagoniste provoquer de nombreuses bagarres, sans jamais qu’aucune explication ne soit donnée, mais au fur et à mesure que l’intrigue progresse on voit d’autres personnages devenir violents, de façons différentes. Notre perception de ses actions et nos réactions peuvent alors évoluer.

Mais ce thème de la masculinité toxique est bien essentiel dans Becoming Father, et elle impacte négativement tous les personnages.
Il y a des similitudes entre les comportements dans le film et ceux au sein de la société japonaise, encore de nos jours. Je voulais qu’il soit parfaitement clair que ces choses-là étaient toujours d’actualité. Il y a bien sûr le viol et les violences sexuelles qui sont le point de départ du film mais on trouve également une scène avec le patron et les salariés qui reflète explicitement une forme d’abus de pouvoir et d’agression sociale. Quant à la scène de l’escalier, Yasuko n’a absolument pas envie que les deux hommes se battent. Personne ne veut que cela arrive. C’est Miyamoto le seul commanditaire de cette action, il le fait pour lui, pour satisfaire son ego. Il est à la fois extrêmement égoïste mais également prêt à tout pour être avec elle. Et peut-être que ces deux sentiments entremêlés font partie de ce qu’on appelle « l’amour ».

Becoming Father a d’abord été adapté en série télévisée, quel est le lien entre la série et le film ?
Il y a très longtemps, on m’a proposé d’adapter un segment en particulier de l’histoire, la relation entre Miyamoto et Yasuko, en film. C’est seulement après que nous nous sommes dit que nous pourrions également créer une série télévisée sur la première partie du manga qui présente une histoire complètement différente de celle qu’on découvre dans le film. Les personnages sont les mêmes mais dans la série télévisée on s’intéresse au fait que le protagoniste est un jeune salaryman : nous voyons avant tout Miyamoto au travail. Le personnage féminin, Yasuko, commence à apparaître mais elle n’est pas encore très présente.

Dans Becoming Father, l’une des scènes les plus difficiles à regarder est celle de l’agression sexuelle. Elle est particulièrement crue : exposant tous les détails sordides de l’agression. Pourquoi était-ce important pour vous de la filmer de cette manière ? 
L’actrice était évidemment au courant lorsqu’elle a rejoint le projet. Toute l’équipe ainsi que son partenaire de jeu étaient très attentionnés durant le tournage de cette scène. Elle était surtout très concentrée sur sa performance donc nous n’avons eu aucune difficulté à filmer cette séquence. Quand je tourne une scène comme celle-là, je dois évidemment faire attention au public, aux personnes qui travaillent sur le plateau et aux acteurs. Mais je voulais montrer cette scène telle quelle car à partir de ce moment, la relation de Miyamoto et Yasuko dépend exclusivement de comment ils vont gérer les répercussions de cet événement spécifique. Il fallait que je puisse montrer la douleur et la tristesse qu’il avait provoquée, pour pouvoir ensuite comprendre comment les personnages pouvaient aller de l’avant. Même si le titre original du film est Miyamoto, Yasuko est un personnage central donc cette scène était essen- tielle pour voir la façon dont elle réagit au rôle que doit jouer Miyamoto, et viceversa.

La notion de « c’est un combat qu’on ne peut pas gagner » fait partie intégrante du récit de Becoming Father. Pouvezvous nous en parler un peu plus ? 
Le but du combat n’est pas de gagner ou de perdre mais de faire ce qu’on peut. Peut-être que ça se rapproche de l’idée de masculinité toxique dont vous parliez : il doit se battre pour pouvoir vivre avec lui-même.

Est-ce que Miyamoto est le héros ou la victime du film ?
Si je dois choisir, je dirais que c’est une victime. Cela dit, il survit et il gagne à la fin. Cela dépend de la façon dont vous voulez le voir. Le fait que ce combat doit arriver en fait la victime mais il le fait, ce qui en fait potentiellement un héros ? Est-ce qu’il est un héros pour Yasuko ? C’est une autre question. En tout cas, c’est un personnage qui continuera d’essayer d’être le héros. Il y a également le fait que, comme on l’apprend dans le film, ils vont avoir un enfant, c’est un thème central : devenir père. Il essaye donc aussi d’être une figure héroïque pour son enfant, et non une victime.

Drame, romance de Tetsuya Mariko. 3,3 étoiles sur AlloCiné.

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