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Mi iubita mon amour


Jeanne part fêter son enterrement de vie de jeune fille en Roumanie avec des amies. Elle y rencontre Nino et sa famille. Tout les sépare. C’est le début d’un été passionnel et hors du temps.

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Entretien avec la réalisatrice, Noémie Merlant

Pour un premier film, mi iubita mon amour est très atypique: tournage en Roumanie, acteurs non professionnels, budget hyper serré... Comment est né ce projet ?
Après le tournage de mon court-métrage shakira, je me suis sentie plus légitime pour réaliser des films, et je ressentais le besoin de m’exprimer. Sanda , Alexia et Clara, qui jouent dans mi iubita sont mes amies dans la vie. Elles sont comédiennes, nous nous épaulons mutuellement dans nos projets personnels. Elles étaient présentes sur le tournage de shakira. Nous avons avec Gimi et les filles constitué un bon groupe d’amis, nous parlions beaucoup de cinéma et l’idée de faire un film ensemble nous est apparue comme évidente. Gimi nous a proposé de passer l’été chez lui en Roumanie et en organisant notre voyage on s’est dit: «pourquoi ne pas faire un film là-bas, ensemble ?». J’avais adoré la spontanéité de l’idée, mais n’avais pas réfléchi à un scénario. Peu de temps après Gimi m’a dit: «pourquoi ne pas se raconter, partir de notre amitié à tous, parler de notre histoire d’amour à tous les deux ?». Et d’un élan, nous nous sommes mis tous au travail, dans une urgence créatrice. Il était trop tard pour engager une vraie production, et je sentais que c’était maintenant ou jamais. Cette méthode sauvage était en accord avec l’histoire qui naissait: une histoire de liberté, de fulgurance, d’impulsion. Je me sentais aussi plus à l’aise à l’idée de tourner un premier long métrage sans trop de pression et de gros moyens qui m’auraient paralysés. Il fallait que je sois libre, que je ne sois pas trop facilement influencée, pour garder notre récit au plus proche de ce que nous voulions dire. Nous avons donc constitué une petite équipe et sommes tous partis en voiture. Onze personnes et quatorze jours de tournage plus tard, mi iubita mon amour est né.

Comment s’est passé l’écriture avec Gimi Covaci ? 
Nous avions un mois. Je suis donc partie de notre histoire d’amour et d’amitié comme base scénaristique. Gimi m’aidait à construire les dialogues et nous travaillions en équipe dans un rythme très intense. C’était important pour moi d’écrire une fiction pour aborder des sujets auxquels je suis sensible. Je voulais questionner l’appartenance, les milieux, le destin, l’amitié, le cadre, l’intimité, le mariage, le consentement, la place du silence, le poids des actes… Nous nous sommes éloignés de la réalité pour essayer d’inventer de nouveaux imaginaires où l’on peut déconstruire, et mieux se comprendre, être encore plus libre.

Le film montre une famille Rom qui recueille des Françaises chez elle, en Roumanie. Souhaitiez-vous prendre le contrepied des actualités où l’on voit souvent les Roms mal accueillis en France et en Europe occidentale ?
L’idée était de réunir deux cultures, deux manières de vivre et de penser, et de voir ce qu’il se passe. Dans le film, les filles deviennent celles qui sont étrangères et démunies et la famille de Nino celle qui accueille. La méfiance laisse place à l’observation puis au partage. Les cultures s’infusent, les barrières tombent, les émotions sont communes à tous. Nous sommes toujours l’étranger de quelqu’un, il suffit de très peu pour se sortir d’un schéma de «déshumanisation» sociale. Avec Gimi, nous voulions parler de la communauté Rom, pour bousculer les préjugés et montrer les humains que nous sommes, avant les «clichés».

Nino aussi semble avoir besoin de sortir de son univers familial, communautaire. Tous les deux ont un besoin irrépressible de s’émanciper, non ? 
Exactement. L’amour, c’est parfois aussi sortir de ses zones de confort, c’est chercher une connexion entre les êtres, c’est regarder, écouter l’autre. C’est pour cela que le film est construit en deux parties. Dans la première, Mi iubita, qui signifie en roumain mon amour, nous sommes chez Nino, on parle sa langue. Dans la deuxième partie, Mon amour, Nino rejoint les filles, découvre le bord de mer, et pénètre aussi le monde de ces jeunes femmes.

Comment s’est passé le travail avec votre équipe technique ? 
On a envoyé une base scénaristique à de jeunes techniciennes tout juste sorties d’école, une à l’image et une au son. J’ai eu la chance de tomber sur une merveilleuse cheffe opératrice, Evgenia, et Armance au son. Nous nous sommes très bien entendues sur place, nous avons tourné dès notre arrivée chez Gimi. Le découpage a commencé pendant le trajet. Sur place, une assistante caméra nous a rejoint. Nous avons commencé tout de suite à tourner dans cette configuration absolument minimaliste. On avait peu de préparation, pas de connaissance des décors en amont. Nous avions les personnages principaux sans connaitre nos personnages secondaires. Sur place, on s’est organisé. A tour de rôle on assurait la régie, la mère de Gimi faisait la cuisine, je me levais tôt et j’élaborais le plan de travail de la journée en fonction des décors dont nous disposions. Gimi s’occupait des décors, et avec les filles il cherchait des comédiens, puis on répétait avec les parents de Gimi. Ces contraintes et ce cadre atypique ont généré beaucoup de joie et de liberté, qui j’espère se ressentent tout au long du film.

Drame, romance de Noémie Merlant. 1 prix et 1 nomination au Festival de Cannes 2021 (édition 74). 3,4 étoiles sur AlloCiné.

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