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Sundown


Une riche famille anglaise passe de luxueuses vacances à Acapulco quand l’annonce d’un décès les force à rentrer d’urgence à Londres. Au moment d’embarquer, Neil affirme qu’il a oublié son passeport dans sa chambre d’hôtel. En rentrant de l’aéroport, il demande à son taxi de le déposer dans une modeste « pension » d’Acapulco…

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Entretien avec le réalisateur, Michel Franco

Quelle est la genèse de ce film, et qu’est-ce qui vous a poussé à vouloir raconter cette histoire en particulier ? 
Il s’agit d’un ensemble d’éléments. J’ai écrit ce film alors que je traversais une profonde crise existentielle. Je faisais une sorte de bilan de ma vie personnelle, et pour la première fois j’ai réalisé que la vie n’est pas éternelle, que les choses ont une fin. Ceci s’est produit après un voyage à Acapulco avec une amie, et alors que nous avions quitté l’hôtel en voiture pour aller dîner, un peu après 20h, j’ai été arrêté par des policiers fédéraux au comportement très agressif, qui braquaient leurs armes sur moi. Ils se demandaient si mon amie était en danger – si elle était avec moi contre son gré. Ils voulaient me sortir du véhicule, mais je savais que c’était ce qu’il ne fallait surtout pas faire. Mon amie ne comprenait pas ce qu’il se passait, elle me disait d’obtempérer. J’ai réussi à m’en sortir en repartant, et ils nous ont suivis en nous menaçant, mais nous avons réussi à rentrer à l’hôtel sains et saufs. Cela m’a vraiment attristé car Acapulco est un de mes endroits préférés.

Qu’est-ce qui fait d’Acapulco un endroit qui vous attire tant ?
C’est une des villes du Mexique que je connais le mieux car j’y suis beaucoup venu quand j’étais plus jeune, parfois j’y restais jusqu’à un mois autour du nouvel an. Cela me brise le cœur de voir combien elle a changé. Elle est souvent classée parmi les villes les plus dangereuses au monde, ce qui peut toucher les touristes, mais pas si souvent que cela. Le paradis qu’elle a un jour été est aujourd’hui délabré, et je ne parle pas de l’Acapulco de Sinatra ou d’Elvis Presley. Sa déchéance symbolise plus généralement la déchéance de mon pays. Il y a beaucoup de tensions à Acapulco ces temps-ci mais au final, pendant le tournage, elle a été très accueillante. J’imagine que je cherchais à prouver que c’était la même Acapulco que celle de mes souvenirs de jeunesse.

Pourquoi avez-vous souhaité travailler avec Charlotte Gainsbourg ? 
J’ai toujours voulu travailler avec elle, j’ai adoré son jeu dans Antichrist, l’intensité qu’elle dégage. À l’origine, son rôle dans Sundown était moins développé. Mes responsables casting se sont pourtant mis à lancer le nom de Charlotte et cela ne me serait jamais venu à l’idée parce que c’est une des meilleures actrices de notre époque et je ne me voyais pas lui proposer un second rôle. Mais on l’a contactée et elle a tout de suite accepté. Je lui ai laissé beaucoup de liberté ; elle a beaucoup apporté au rôle et mis une grande part d’elle-même dans son personnage.

Pouvez-vous décrire la dynamique tout à fait unique de cette famille ?
Il semblerait qu’un certain type de famille vous fascine – fortunée, guindée, quasi oligarchique... J’imagine en fait qu’au final tous ces moyens qu’ils sont supposés avoir, et qui proviennent de l’argent, de leurs études, d’une vie de privilèges, ne représentent pas grand-chose, parce qu’ils ne cessent de faire les erreurs les plus fondamentales et sont incapables de communiquer les uns avec les autres. J’ai toujours trouvé fascinant de voir combien on peut faire du mal à quelqu’un qu’on aime. Ici encore, on a des individus qui sont censés avoir la capacité d’exprimer leurs idées et leurs sentiments, mais en fait ils passent leur temps à tout gâcher.

Ce film est l’histoire d’une famille bien spécifique mais il évoque aussi des questions plus vastes, telles que les inégalités économiques, les ruptures dans la communication, diverses formes de violence. 
C’est une famille très particulière. J’espère que les spectateurs se retrouveront dans les thèmes plus universels, mais cette famille, elle, existe dans son propre univers, notamment au regard des relations qu’ils entretiennent entre eux.

Cherchez-vous à confronter différents univers à travers cette histoire ? 
Je voulais montrer toutes les facettes d’Acapulco, et donc le personnage de Tim part à la dérive, de puis son hôtel de luxe jusqu’à l’autre côté de la ville, où se trouve un monde diamétralement op posé. Quand je filme, je ne pense pas en termes de riches ou de pauvres – Acapulco, c’est une mosaïque de couleurs, de musiques, de nourritures, je voulais que le spectateur ait l’impression d’être sur place.

Drame, thriller de Michel Franco. 3 nominations au Mostra de Venise 2021 (édition 78). 3,3 étoiles sur AlloCiné.

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