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Report du congé sabbatique par l’employeur


Une salariée demande à son employeur un congé sabbatique à compter d’une certaine date. L’employeur lui répond par écrit que ce congé sabbatique ne pourra commencer que deux mois plus tard. Licenciée pour faute grave suite à un abandon de poste, la salariée a saisi la juridiction prud'homale. La Cour d’appel lui donne raison estimant que l’employeur n’avait pas justifié son report du congé. Mais la Cour de cassation casse cet arrêt car rien n’indique dans les textes que l’employeur est tenu d’expliquer ce report.

Extrait de l’arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale du 29 septembre 2021. Pourvoi n° 20-13.969.

[…]

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 13 décembre 2019), Mme [L] a été engagée le 19 janvier 1993 pour occuper l'emploi de comptable au sein du [1] exploité aujourd'hui par la Société immobilière touristique et hôtelière de La Baule (la société). Elle a été promue à compter du 1er novembre 2009 au poste de contrôleur coûts et recettes, statut cadre.

2. Le 24 juin 2016, elle a adressé à son employeur une demande de congé sabbatique pour la période allant du 26 septembre 2016 au 25 août 2017. Par courrier reçu par la salariée le 27 juillet 2016, l'employeur a informé celle-ci de son opposition à ce que le congé commence le 26 septembre 2016 et lui a indiqué qu'il pourrait commencer le 15 novembre suivant.

3. Licenciée le 10 novembre 2016 pour faute grave tirée d'un abandon de poste, la salariée a, le 22 décembre 2016, saisi la juridiction prud'homale à l'effet de faire juger son licenciement dénué de cause réelle et sérieuse et d'obtenir paiement d'indemnités de rupture outre une indemnité de procédure.

Examen des moyens

[…]

Sur le premier moyen du pourvoi principal. Enoncé du moyen

6. L'employeur fait grief à l'arrêt de déclarer le licenciement de la salariée dépourvu de cause réelle et sérieuse, de le condamner au paiement de diverses sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité compensatrice de préavis, outre congés payés afférents, et d'indemnité de licenciement, d'ordonner le remboursement à l'organisme social concerné des éventuelles indemnités de chômage payées dans la limite de six mois et de le condamner à payer une certaine somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, alors « qu'il résulte de l'article L. 3142-94 du code du travail, dans sa rédaction applicable en la cause, que l'employeur peut, sans motiver sa décision et pour quelque raison que ce soit, différer le départ en congé sabbatique du salarié dans la limite de six mois (neuf dans les entreprises de moins de deux cents salariés) ; que cette faculté est distincte de celle prévue par l'article L. 3142-96 du code du travail, dans sa rédaction applicable en la cause, qui prévoit une possibilité de l'employeur de différer le départ du salarié en congé sabbatique sans limitation de durée, mais pour des motifs limitativement énumérés ; qu'en jugeant pourtant que la décision de l'employeur de différer le départ en congé sabbatique de la salariée de moins de deux mois était irrégulière, faute d'être justifiée par l'un des motifs prévus par l'article L. 3142-96 dans sa rédaction applicable en la cause, la cour d'appel a violé ce dernier texte par fausse application, ensemble l'article L. 3142-94 du code du travail, dans sa rédaction applicable en la cause, par refus d'application. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 3142-94 et L. 3142-96 du code du travail, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, et les articles D. 3142-48, D. 3142-49 et D. 3142-50 du même code, dans leur rédaction antérieure au décret n° 2016-1552 du 18 novembre 2016 :

7. Aux termes du premier de ces textes, l'employeur peut différer le départ en congé sabbatique dans la limite de six mois à compter d'une date déterminée par voie réglementaire. Cette durée est portée à neuf mois dans les entreprises de moins de deux cents salariés.

#2 8. Aux termes du deuxième, sans préjudice des dispositions prévues à la présente sous-section, le départ en congé peut être différé par l'employeur, en fonction du pourcentage de salariés simultanément absents au titre du congé pour la création d'entreprise, pour l'exercice de responsabilités de direction au sein d'une entreprise répondant aux critères de jeune entreprise innovante et au titre du congé sabbatique ou en fonction du pourcentage de jours d'absence prévu au titre de ces congés.

9. Selon le troisième, les délais mentionnés à l'article L. 3142-94, en vue de différer le départ en congé sabbatique d'un salarié, courent à compter de la présentation de la lettre recommandée envoyée par ce dernier.

#3 10. Aux termes du quatrième, dans les entreprises de deux cents salariés et plus, le départ en congé peut être différé par l'employeur, de telle sorte que le pourcentage des salariés simultanément absents de l'entreprise au titre du congé pour la création d'entreprise, pour l'exercice de responsabilités de direction au sein d'une entreprise répondant aux critères de jeune entreprise innovante et au titre du congé sabbatique ne dépasse pas 2 % de l'effectif de cette entreprise, jusqu'à la date à laquelle cette condition de taux est remplie. Ce taux est limité à 1,5 % lorsqu'il s'agit du seul congé sabbatique.

11. Aux termes du dernier, dans les entreprises de moins de deux cents salariés, le départ en congé peut être différé par l'employeur de telle sorte que le nombre de jours d'absence prévu au titre des congés pour la création d'entreprise ne dépasse pas 2 % du nombre total des jours de travail effectués dans les douze mois précédant le départ en congé. Pour permettre le départ en congé d'un salarié, cette période de douze mois est prolongée dans la limite de quarante-huit mois. Ce taux est limité à 1,5 % lorsqu'il s'agit du seul congé sabbatique.

12. Il résulte de ces textes que l'employeur a la faculté de différer, dans la limite de six ou neuf mois, selon l'importance de l'effectif de l'entreprise, à compter de la présentation de la lettre du salarié, le congé sabbatique de celui-ci, sans être tenu d'énoncer un motif, ni de se référer à certains pourcentages de salariés simultanément absents ou de jours d'absence.

#4 13. Pour dire que le report du congé sabbatique imposé à la salariée était irrégulier, l'arrêt énonce que si l'article L. 3142-94 du code du travail pose le principe de la faculté pour l'employeur d'imposer au salarié le report du congé sabbatique qu'il sollicite, sans autre précision, les conditions dans lesquelles il peut le faire sont précisément définies par les dispositions de l'article L. 3142-96 du même code. Il relève que l'employeur qui soutient qu'il n'avait pas à motiver sa décision de report du congé sabbatique, a indiqué ultérieurement à la salariée qu'il ne pouvait la satisfaire à cette période de l'année, correspondant à la période de clôture de l'exercice comptable. Il retient que l'employeur ne pouvait reporter le départ en congé qu'en fonction du pourcentage de salariés simultanément absents au titre du congé pour la création d'entreprise, pour l'exercice de responsabilités de direction au sein d'une entreprise répondant aux critères de jeune entreprise innovante et au titre du congé sabbatique ou en fonction du pourcentage de jours d'absence prévu au titre de ces congés.

14. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que l'employeur avait répondu à la lettre de la salariée qui l'informait de son intention de prendre un congé sabbatique, reçue le 27 juin 2016, que ce congé ne pourrait commencer que le 15 novembre 2016, ce qui différait celui-ci de moins de six mois à compter de la présentation de cette lettre, la cour d'appel, qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne comportait pas, a violé les textes susvisés.

Dispositif

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le deuxième moyen du pourvoi principal ni sur le moyen du pourvoi incident, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute la Société immobilière touristique et hôtelière de La Baule de sa demande de dommages-intérêts au titre des frais engagés pour l'élaboration du budget 2016/2017, l'arrêt rendu le 13 décembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;

Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Annexe

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf septembre deux mille vingt et un. 

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