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CDD successifs et délais de carence


Un délai de carence doit être respecté entre la fin d’un CDD et un nouveau CDD sur le même poste. Dans certains cas, ce délai ne s’applique pas. La Cour de cassation vient de préciser que lorsque le contrat à durée déterminée est conclu pour remplacer un salarié absent, les dispositions de l'article L. 1244-1 du code du travail autorisent la conclusion de plusieurs contrats à durée déterminée successifs, sans qu'il y ait lieu à application d'un délai de carence. Peu importe que les contrats successifs souscrits visaient des remplacements de quatre salariés absents distincts…

Extrait de l’arrêt de la Cour de cassation, civile, Chambre sociale du 17 novembre 2021. Pourvoi : 20-18.336.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 3 juin 2020) et les pièces de la procédure, M. [G] [G] a été engagé en qualité d'assistant de vente par la société Proseca aux droits de laquelle vient la société Argedis, suivant quatre contrats à durée déterminée successifs à compter du 5 juillet 2011. Victime, le 26 décembre 2011, d'une agression sur son lieu de travail, il a été mis en arrêt pour accident du travail.

2.Le 4 juillet 2017, il a saisi la juridiction prud'homale à l'effet d'obtenir la requalification de ses contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et le paiement de diverses sommes à titre d'indemnités et de rappel de salaire.

Examen du moyen. Sur le moyen, pris en sa première branche. Enoncé du moyen

3. L'employeur fait grief à l'arrêt de requalifier les contrats à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée, de dire que la rupture de ce contrat requalifié était nulle, d'ordonner la réintégration du salarié et de le condamner au paiement de diverses sommes à titre d'indemnité de requalification et de rappels de salaire, alors « que le code du travail – dans sa version applicable aux faits de l'espèce, antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 et à l'ordonnance n° 2017-647 du 27 avril 2017 – distingue nettement l'hypothèse de contrats de travail à durée déterminée "successifs avec le même salarié", régie par ses articles L. 1244-1 à L. 1244-2, laquelle couvre notamment le cas des contrats successifs conclus avec un même salarié en remplacement de différents salariés absents (article L. 1244-1 du code du travail), de celle des contrats de travail à durée déterminée "successifs sur le même poste ", régie par ses articles L. 1244-3 à L. 1244-4, laquelle couvre notamment le cas des contrats successifs conclus avec un même salarié en remplacement d'un seul et même salarié faisant l'objet d'une nouvelle absence (article L. 1244-4 du code du travail) ; que dès lors qu'il résultait des constatations de la cour d'appel que l'employeur avait conclu avec le salarié, au cours des années 2011 et 2012, successivement quatre contrats de travail à durée déterminée afin de pourvoir au remplacement de quatre salariés absents distincts, ces contrats devaient être regardés comme étant exclusivement régis par l'article L. 1244-1 du code du travail ; qu'en retenant au contraire que s'appliquaient à ces contrats les articles L. 1244-3 à L. 1244-4 du code du travail et que l'employeur aurait dû, en conséquence, respecter entre chacun des contrats conclus le délai de carence prévu à l'article L. 1244-3 du code du travail, la cour d'appel a violé l'article L. 1244-1 du code du travail, par refus d'application. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1244-1, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :

4.Selon ce texte, les dispositions de l'article L. 1243-11 ne font pas obstacle à la conclusion de contrats de travail à durée déterminée successifs avec le même salarié lorsque le contrat est conclu dans le cas du remplacement d'un salarié absent ou d'un salarié dont le contrat de travail est suspendu.

5. Pour requalifier les contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, dire la rupture de la relation de travail nulle et condamner l'employeur à diverses sommes, l'arrêt retient qu'il résulte des dispositions de l'article L. 1244-4 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable, que le délai de carence de l'article L. 1244-3 du même code n'est pas applicable notamment lorsque le contrat à durée déterminée est conclu pour assurer le remplacement d'un salarié temporairement absent ou dont le contrat de travail est suspendu, en cas de nouvelle absence du salarié remplacé. Il relève que les quatre contrats souscrits visent des remplacements de quatre salariés absents distincts, le premier du 5 juillet au 15 août 2011, le second du 16 août au 12 septembre 2011, le troisième du 13 septembre au 2 octobre avec prolongation pour le même salarié jusqu'au 4 novembre, et le dernier du 16 novembre au 30 novembre prolongé pour le même salarié jusqu'au 12 décembre, puis jusqu'au 31 janvier 2012. Il en déduit que le délai de carence devait s'appliquer entre ces contrats pour les différents salariés remplacés de sorte que la requalification en contrat à durée indéterminée est acquise en application des dispositions de l'article L. 1245-1 du même code.

6. En statuant ainsi, alors que lorsque le contrat à durée déterminée est conclu pour remplacer un salarié absent, les dispositions de l'article L. 1244-1 du code du travail autorisent la conclusion de plusieurs contrats à durée déterminée successifs, sans qu'il y ait lieu à application d'un délai de carence, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il dit que les demandes de dommages-intérêts pour violation des obligations de formation et de sécurité rattachées à l'accident du travail doivent être formées devant le tribunal judiciaire, l'arrêt rendu le 3 juin 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne M. [G] [G] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Argedis ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept novembre deux mille vingt et un. 

Photo : Stockvault.

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