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Aline


Québec, fin des années 60, Sylvette et Anglomard accueillent leur 14ème enfant : Aline. Dans la famille Dieu, la musique est reine et quand Aline grandit on lui découvre un don, elle a une voix en or. Lorsqu’il entend cette voix, le producteur de musique Guy-Claude n’a plus qu’une idée en tête... faire d’Aline la plus grande chanteuse au monde. Épaulée par sa famille et guidée par l’expérience puis l’amour naissant de Guy-Claude, ils vont ensemble écrire les pages d’un destin hors du commun.

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Entretien avec la réalisatrice, Valérie Lemercier

Au départ, d’où vient votre fascination pour Céline Dion ? 
Je ne me l’explique toujours pas, j’écoutais souvent ses chansons, principalement celles écrites par Jean-Jacques Goldman. Je ne connaissais pas bien sa vie ni le reste de son répertoire. Et en décembre 2016, quand je l’ai vue, comme des millions de gens, faire ses premiers pas sans René, je me suis beaucoup identifiée. J’ai été touchée par son courage. Sa solitude. J’ai dit à la radio le jour de la sortie de MARIE-FRANCINE que mon prochain sujet serait elle, sans le penser sérieusement. Le soir même, Emmanuelle Duplay (la chef décoratrice du film) qui avait entendu l’émission, m’a dit qu’elle voulait absolument le faire. Je me souviens très précisément que c’est son enthousiasme qui m’a permis de passer à autre chose et d’envisager sérieusement de le faire. Au-delà de son talent, la franchise de Céline me fascine : elle est un livre ouvert, comme elle le dit elle-même, elle se comporte avec le public comme s’il était sa propre famille. En allant la voir en concert à Bercy, j’ai pu mesurer la ferveur autour d’elle, et tant de gentillesse de la part de ses fans. Je me suis sentie chez moi.

En quoi vous sentez-vous proche d’elle ?
Parce que, dans des proportions bien moindres bien sûr, j’ai passé aussi une grande partie de ma vie sur scène, dans des théâtres, des Zéniths, des loges… Je connais les longues tournées, les repas avalés devant un miroir, l’obligation de remplir les salles, d’avoir tous les soirs une voix, un corps qui ne vous lâche pas. Je connais la chaleur du public suivie de la solitude de l’after show. Née dans un milieu agricole, mes deux grands mères ont eu chacune neuf enfants, nous étions cent cinquante à table au déjeuner du jour de l’an chez mes grands-parents, mon père nous faisait réviser tous les prénoms avant de partir. Comme chez les Dion, chacun d’entre nous devait monter sur une chaise pour réciter, chanter ou jouer d’un instrument… Là où j’aimerais lui ressembler, c’est qu’elle twiste tout ce qui ne va pas en chose positive. Elle se livre, elle parle d’elle, de sa vie, donne à son public ses joies et ses peines, ce que je n’ai jamais su faire.

Vous êtes-vous beaucoup documentée ? 
J’ai visionné, lu, écouté des mois, jour et nuit, beaucoup de ce qui la concernait, elle, mais aussi beaucoup sa mère, son mari, et, peu à peu, cette famille, ce trio surtout, sont devenus mes nouveaux amis. Je voulais transmettre la force de cette famille, ce socle qui fait qu’elle a toujours gardé les pieds sur terre. Je suis aussi tombée amoureuse du Québec, des Québécois, de leur amour de la chanson. Bercée dans mon enfance par celle de Félix Leclerc, grâce à Céline j’ai découvert plein d’autres merveilles qu’on entend dans le film. D’ailleurs, à la fin des séances d’enregistrement des chansons familiales, les chanteurs/acteurs Québécois ne quittaient jamais le studio, ils étaient ensemble donc ils chantaient. Pas une, mais cinq, dix chansons… «Tounes» plutôt c’est comme ça que l’on dit. Même si on évite ce mot dans le film, pour qu’il soit compris des Français aussi. J’ai essayé de contourner les clichés, tenté un film qui parle du Québec sans sirop d’érable, câlice ni tabernacle…

Comment s’est déroulée l’écriture du scénario ?
J’ai commencé à écrire après un an de recherches et de lectures. Au début, je l’appelais Céline. Au bout d’une soixantaine de pages, Brigitte Buc, avec qui nous avions déjà écrit PALAIS ROYAL ! Est arrivée sur le projet et m’a convaincue de changer les prénoms. Ça a tout débloqué. Grâce à Aline, on s’est autorisées à composer avec le réel, inventer des détails comme une bague de fiançailles dans une glace, les vieilles chaussures que lui prête sa mère lors de sa toute première audition qui expliquent les milliers de paires qu’elle a plus tard dans son dressing… Mon instinct me guidait et une pochette de 33 tours de Céline pas loin de l’ordinateur, à qui je demandais souvent si elle était d’accord. J’en rêvais la nuit. Thérèse relisait le scénario, m’engueulait parce que l’horaire de spectacle n’était pas exactement le bon ! René, en revanche, était toujours content dans mes rêves.

Aline, votre sixième film, n’est donc pas la comédie que certains attendent de votre part ?  
Je ne sais pas ce que les gens attendent. Mais sans doute pensent-ils que je vais me moquer. Ce qui ne m’a jamais effleurée. C’est un film au premier degré et je suis aussi très premier degré. Je ne me sens jamais obligée de sortir des vannes, à la ville comme dans un film. La comédie qui s’y trouve – car il y en a tout de même – vient des situations, des décalages fous entre la petite fille non désirée dormant dans un tiroir et sa vie de grande star planétaire, mais jamais de la parodie. C’est un grand destin, un conte de fée comme il y en a peu. C’est un film de princesse sans princesse, mais avec de belles robes, des paillettes, des cheveux qui volent dans la lumière et des décibels. Un film sur une athlète royale… Ce qui comblait mon goût du déguisement, du décorum et de la démesure. C’est elle, la «vraie» Céline, qui est un peu un clown, qui est la première à s’auto-parodier et même, paraît-il, à donner ses petits tuyaux de gestuelle à ceux qui cherchent à l’imiter. Le film est peut-être plus sérieux qu’elle-même finalement.

Comment incarner Céline Dion ? 
En ne cherchant pas à l’imiter. D’ailleurs, je n’ai pas cherché à avoir un accent très prononcé. Au tournage, je m’étais parfois laissée un peu trop aller et, ensuite, je me suis postsynchronisée, sous le contrôle de Geneviève Boivin (une sœur d’Aline). Les séquences de concert ont été tournées en France, Palais des Congrès, Palais des Sport ou théâtres de la banlieue parisienne : jamais je n’aurais osé chanter au Québec devant des figurants québécois avec mon accent pourri ! Avec tout le travail de préparation, j’ai eu peu de temps pour répéter le rôle, et j’ai beaucoup improvisé. J’apprenais le labial la veille, un peu à l’arrache. Heureusement, j’ai été très aidée par l’équipe qui comprenait que je devais être complète ment dedans lors des séquences chantées. L’emploi du temps était tellement fou, les week-ends remplis de repérages, d’essayages, heureuse ment je dormais tous les jours pendant l’heure du déjeuner, ces siestes m’ont sauvée. Mais, pour la première fois de ma vie, j’avais hâte que le tournage commence pour pouvoir la jouer.

Mais qui chante, alors ? 
Ce n’est pas Céline… En fait, c’est l’incroyable Victoria Sio qui a fait toutes les covers. Là encore, c’était un choix délibéré de faire un pas de côté, de raconter Aline Dieu et pas Céline Dion. Victoria m’a épatée par l’intelligence de ses interprétations. Comme j’ai pris la liberté de jouer avec la temporalité de certaines chansons, de les faire chanter à Aline plus tôt ou plus tard par rapport à la carrière de Céline, Victoria pouvait, ainsi, coller au plus près des émotions de chaque séquence. Dans le film, Pour que tu m’aimes encore n’est pas à la bonne date, mais le moment où elle est placée résonne bien avec la narration. Et pour TITANIC, nous avons enregistré une cession avec des vraies cordes, alors que, comme beau coup le savent, c’est une maquette qui a servi pour le film.

Comment avez-vous jonglé entre vérité et fiction ? 
Disons que j’ai rendu plus «cinématographiques» des faits réels : par exemple, la grossesse de Céline a réellement été annoncée à René lors d’un repas dans la cuisine, mais j’ai trouvé mignon qu’Aline trace les lettres «BB» dans la purée car ce genre de fantaisies ressemblant à Céline. J’ai également glissé des détails véridiques que seule Céline pourra comprendre. Cependant, j’invente sa fugue dans les rues de Las Vegas. À chaque fois, je me disais : «comment inventer le plus fidèlement possible ?» En revanche, pour tout ce qui concerne le Québec, nous avons collé le plus possible à la réalité, en découvrant certains décors, tels que la sécheuse, le grand four dans la cuisine chez les parents d’Aline les comédiens québécois ont été très émus. Ils retrouvaient l’atmosphère exacte de leur enfance.

Biopic, drame de Valérie Lemercier. 1 nomination au Festival du Film Francophone d'Angoulême 2021 (Edition 14) et 1 nomination au Festival de Cannes 2021 (Edition 74). 4,1 étoiles sur AlloCiné.

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