Haoui.com

Un salarié ne doit pas être licencié parce qu’il recherche un autre emploi


Un employeur licencie pour faute lourde un technico-commercial après avoir découvert une carte de visite d’une autre société avec son nom, son numéro de mobile et la qualification de « Commercial France ». Les juges du fond donnent partiellement raison à l’employeur et retiennent la cause réelle et sérieuse. Mais pas la Cour de cassation. Elle estime qu’il n’était pas démontré que la société en question était concurrente de l’employeur ni que le salarié avait commencé à travailler pour elle. Le manquement à l’obligation de loyauté du salarié n’était donc pas caractérisé…

Extrait de l’arrêt de la Cour de cassation, civile, Chambre sociale du 3 mars 2021. Pourvoi 18-20649.

[…]

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 5 avril 2018), engagé le 1er septembre 2008 par la société [...] câbles (ci-après dénommée société SC), en qualité de technico-commercial, M. U... A... a été licencié le 26 février 2013, pour faute lourde, au motif notamment de l'exercice d'une activité pour le compte d'une société concurrente.

2. Contestant ce licenciement, le salarié a saisi la juridiction prud'homale.

[…]

Sur le moyen, pris en ses première, deuxième et troisième branches. Enoncé du moyen.

4. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire que son licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse, de condamner l'employeur à lui payer diverses sommes, d'ordonner la remise des documents de rupture rectifiés, et de le débouter pour le surplus de ses demandes, alors :

« 1°/ que ne constitue pas un manquement par le salarié à son obligation de loyauté le fait pour ce dernier de chercher un nouvel emploi sans en informer son employeur dans un contexte de relations de travail conflictuelles après une proposition de rupture conventionnelle et auprès de sociétés non concurrentes ; qu'en considérant que le licenciement de M. U... A... initialement fondé sur une faute lourde reposait en réalité sur une cause réelle et sérieuse sur la base d'un seul grief, les autres griefs contenus dans la lettre de licenciement étant écartés faute de réalité ou de gravité ou reposant sur des éléments de preuve obtenus irrégulièrement, tiré de l'existence d'une carte de visite d'une société Central Lobao sur laquelle figurait le nom du salarié et sa qualité de commercial France ainsi que le numéro de portable mis à sa disposition par la société SC, et dont l'employeur pouvait considérer qu'il s'agissait d'un manquement à son obligation de loyauté suffisant pour rompre le contrat de travail, cependant qu'elle relevait par motifs et adoptés qu'il ne pouvait être reproché au salarié dans le contexte de relations de travail conflictuelles, après une proposition de rupture conventionnelle, de s'être interrogé sur son avenir professionnel et d'avoir pris des contacts avec des employeurs potentiels, la cour d'appel qui s'est fondée sur la seule recherche d'un autre emploi par M. U... A... sans caractériser aucun manquement matériel à l'obligation de loyauté, ne serait-ce qu'un début d'activité pour le compte d'un autre employeur concurrent, a violé les articles L. 1232-l, L.1235-1 et L. 1222-1 du code du travail ;

2°/ que ne constitue pas un manquement par le salarié à son obligation de loyauté le fait pour ce dernier de chercher un nouvel emploi sans en informer son employeur auprès d'une société non concurrente ; qu'en considérant que le licenciement de M.U... A... reposait en réalité sur une cause réelle et sérieuse sur la base d'un seul grief, tiré de l'existence d'une carte de visite d'une société Central Lobao sur laquelle figurait le nom du salarié et sa qualité de commercial France ainsi que le numéro de portable mis à sa disposition par la société SC, et dont l'employeur pouvait considérer qu'il s'agissait d'un manquement à son obligation de loyauté suffisant pour rompre le contrat de travail, cependant qu'elle relevait, outre le fait qu'il ne pouvait être reproché au salarié dans le contexte de relations de travail conflictuelles, après une proposition de rupture conventionnelle, d'avoir pris des contacts avec des employeurs potentiels, qu'il n'était pas démontré que la société Central Lobao était une société concurrente de la société SC, la cour d'appel n'a pas déduit de ses constatations les conséquences qui s'en évinçaient en violation des articles L. 1232-l, L. 1235-1 et L. 1222-1 du code du travail ;

3°/ qu'il résulte des articles L. 1232-l et L. 1235-1 du code du travail que tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, et que si un doute subsiste, il profit au salarié ; qu'en estimant que le second grief énoncé par la lettre de licenciement tiré de l'exercice d'une activité auprès d'une société concurrente était avéré de par la carte de visite découverte établie au nom de la société Central Lobao et sur laquelle figurait le nom de M. A... avec la qualité de « commercial France » ainsi que le numéro de portable mis à sa disposition par la société SC, quand elle relevait que dans le contexte conflictuel l'opposant à son employeur le salarié était en droit de s'interroger sur son avenir professionnel et surtout qu'il n'était pas démontré que la société Central Lobao était une société concurrente pas plus qu'il n'était établi que M. U... A... avait de quelque manière que soit, commencé à travailler pour cette seule société, la cour d'appel qui a néanmoins estimé que la salarié avait manqué à son obligation de loyauté a violé les articles précités, ensemble l'article L. 1222-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1232-1, L. 1222-1 et L. 1331-1 du code du travail :

5. Pour juger le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient qu'une carte de visite de la société Central Lobao, sur laquelle figure le nom du salarié avec la qualité de "commercial France" ainsi que le numéro de téléphone portable mis à sa disposition par la société SC, a été découverte par l'employeur. Il ajoute que cette carte de visite démontre l'existence, non de simples prises de contacts avec d'éventuels employeurs ainsi que l'affirme le salarié, mais de démarches engagées à un stade très avancé et qu'il en résulte que l'employeur pouvait légitimement considérer qu'il s'agissait d'un manquement du salarié à son obligation de loyauté, suffisant pour justifier la rupture du contrat de travail. Il ajoute que, dans la mesure toutefois où il n'est pas démontré que la société Central Lobao est une société concurrente, pas plus qu'il n'est établi que le salarié avait, de quelque manière que ce soit, commencé à travailler pour cette société, aucune volonté de nuire à l'employeur n'était caractérisée, et que le manquement retenu ne justifiait le licenciement, ni pour faute lourde, ni pour faute grave.

6. En se déterminant ainsi, sans caractériser un manquement à l'obligation de loyauté, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

[…]

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que le licenciement de M. U... A... est fondé sur une cause réelle et sérieuse et le déboute de sa demande en paiement de dommages-intérêts à ce titre ainsi qu'en ce qu'il déboute le salarié de sa demande en paiement de rappel de salaire pour heures supplémentaires, l'arrêt rendu le 5 avril 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux autrement composée ;

Condamne la société [...] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société [...] et la condamne à payer à M. U... A... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois mars deux mille vingt et un.

Photo : BillionPhotos.com - stock.adobe.com.

Pour vous accompagner juridiquement, des avocats :

75001 - MAÎTRE DE BOISSIEU OLIVIER https://www.droit-penal-des-affaires-paris.com
75008 - HEBE AVOCATS A LA COUR https://www.avocat-droit-fiscal-paris.com
75116 - MAITRE ALEXIA DECAMPS https://www.alexia-decamps-avocat.fr
75116 - SELARL LHJ AVOCATS http://www.avocat-droit-social-paris.fr
78000 - BVK VERSAILLES 78 AVOCATS ASSOCIES AVOCAT https://www.bvk-avocats-versailles.com