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Il n’est pas nécessaire d’avertir ni d’entendre un salarié visé par une enquête pour harcèlement


Un employeur fait appel à un organisme extérieur pour enquêter sur des faits de harcèlement moral. Son compte rendu est utilisé par l’employeur pour licencier la salariée accusée. Elle conteste son licenciement en justice et la Cour d’appel lui donne raison au motif que la salariée n’ayant pas été informée de l’enquête, celle-ci avait été écartée comme moyen de preuve. Mais la Cour de  cassation n’est pas de cet avis. L’enquête interne n’est pas soumise aux dispositions de l’article L. 1222-4 du code du travail et ne constitue pas une preuve déloyale comme issue d’un procédé clandestin de surveillance de l’activité du salarié…

Extrait de l’arrêt de la cour de cassation, chambre sociale du 17 mars 2021. Pourvoi n° : 18-25.597.

[…]

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 26 septembre 2018), Mme X..., engagée par la société M&C Saatchi Gad le 1er septembre 2005, en qualité de responsable trafic, statut cadre, a, par lettre du 22 septembre 2014, été mise à pied à titre conservatoire et convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement. Elle a été licenciée pour faute grave le 13 octobre 2014, au motif qu’un audit confié avec l’accord des délégués du personnel à une entreprise extérieure spécialisée en risques psycho-sociaux avait révélé, à la suite d’entretiens s’étant déroulés les 25 septembre et 1er octobre 2014, qu’elle avait proféré des insultes à caractère racial et discriminatoire et causé des perturbations graves de l’organisation et l’efficacité collective.

2. La salariée a contesté son licenciement devant la juridiction prud’homale.

Examen des moyens. Sur le premier moyen. Enoncé du moyen

3. L’employeur fait grief à l’arrêt d’écarter le compte-rendu de l’enquête confiée à un organisme, tiers à l’entreprise, de dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse, de condamner l’employeur aux versements de sommes à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement, de rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire, de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de dommages-intérêts pour le préjudice résultant des circonstances vexatoires de la rupture, en application de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens et d’ordonner le remboursement des indemnités de chômage, alors « que ne constitue pas un mode de preuve illicite, l’enquête réalisée dans l’entreprise par un tiers en vue de recueillir des témoignages après que des faits de harcèlement ont été dénoncés, peu important que le salarié auquel les faits de harcèlement sont imputés n’en ait pas été préalablement informé, ni n’ait été entendu dans ce cadre ; qu’en l’espèce, l’employeur faisait valoir et offrait de prouver qu’avec l’accord des délégués du personnel, il avait missionné un cabinet d’audit aux fins d’entendre et d’accompagner psychologiquement les salariés après que des agissements de harcèlement imputés à Mme X... avaient été dénoncés ; qu’en déclarant illicite le compte rendu de cette mission faute pour Mme X... d’en avoir été préalablement informée ou, à tout le moins, d’avoir été entendue, la cour d’appel a violé les articles L.1222-1 et s. du code du travail, ensemble le principe de loyauté dans l’administration de la preuve.  »

Réponse de la Cour

Vu l’article L. 1222-4 du code du travail et le principe de loyauté dans l’administration de la preuve :

4. D’abord, selon le texte susvisé, aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n’a pas été porté préalablement à sa connaissance.

5. Ensuite, si l’employeur a le pouvoir de contrôler et de surveiller l’activité de son personnel pendant le temps de travail, il ne peut mettre en oeuvre un dispositif de contrôle clandestin et à ce titre déloyal.

6. Pour écarter le compte-rendu de l’enquête confiée par l’employeur à un organisme extérieur sur les faits reprochés à la salariée, la cour d’appel a retenu que celle-ci n’avait ni été informée de la mise en oeuvre de cette enquête ni entendue dans le cadre de celle-ci, de sorte que le moyen de preuve invoqué se heurtait à l’obligation de loyauté et était illicite.

7. En statuant ainsi, alors qu’une enquête effectuée au sein d’une entreprise à la suite de la dénonciation de faits de harcèlement moral n’est pas soumise aux dispositions de l’article L. 1222-4 du code du travail et ne constitue pas une preuve déloyale comme issue d’un procédé clandestin de surveillance de l’activité du salarié, la cour d’appel a violé par fausse application le texte et le principe susvisés.

[...]

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 26 septembre 2018, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ;

Remet l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Paris autrement composée.

Photo : Edward Lich - Pixabay.

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