Haoui.com

Harcèlement sexuel : un avertissement ne suffit pas


Une salariée ayant subi des faits de harcèlement sexuel obtient la résiliation judiciaire de son contrat car la Cour de cassation a estimé que l’employeur n’avait pris aucune mesure pour éloigner l’auteur du harcèlement du poste occupé par la salariée, et s’était contenté de le sanctionner d’un avertissement. La Cour en a déduit l’existence d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat de travail.

Extrait de l’arrêt de la Cour de cassation, civile, Chambre sociale du 17 février 2021. Pourvoi n° : 19-18.149.

[…]

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 25 avril 2019), Mme G..., engagée en qualité d'attachée commerciale à compter du 21 janvier 1991 par la société Phocéenne de métallurgie, aux droits de laquelle se trouve la société Presco, a saisi, le 31 mai 2013, la juridiction prud'homale en résiliation de son contrat de travail.

2. La salariée, déclarée inapte à son poste le 22 décembre 2014, a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 18 février 2015.

Examen des moyens. Sur le moyen, pris en sa première branche. Enoncé du moyen.

3. L'employeur fait grief à l'arrêt de prononcer la résiliation du contrat de travail et de le condamner à payer diverses sommes à titre de rappels de salaires et d'indemnités de rupture, alors « que seul un manquement lors de l'exécution du contrat de travail, de nature à en empêcher la poursuite, peut justifier le prononcé de sa résiliation judiciaire aux torts de l'employeur ; que remplit son obligation de protection de la santé et de la sécurité du salarié l'employeur qui, consécutivement à des agissements de harcèlement commis au sein de l'entreprise par l'un de ses salariés, prononce une mesure d'avertissement à l'encontre du fautif et met en oeuvre des mesures afin que le salarié victime n'ait plus à le côtoyer ; qu'en prononçant la résiliation judiciaire du contrat de travail en raison de la méconnaissance par la société Presco de son obligation de sécurité à la suite de la plainte pour harcèlement sexuel de Mme U... à l'encontre de M. M..., cependant qu'il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que la société a averti le salarié auteur des agissements reprochés et a proposé à Mme U... de changer de service afin de ne plus avoir à le côtoyer, mesures de nature à préserver la santé et la sécurité de la salariée, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquence légales de ses constatations et a violé les articles L. 1221-1 et L. 1231-1 du code du travail et 1103, 1104, 1193 et 1224 du code civil. »

Réponse de la Cour

4. La cour d'appel, qui a relevé, par motifs propres et adoptés que la salariée avait été victime entre le 8 août 2012 et le 1er mars 2013 de faits de harcèlement sexuel de la part de son supérieur hiérarchique, sanctionné pénalement pour ces faits, qu'elle avait développé un syndrome dépressif réactionnel pris en charge au titre des accidents du travail, et que l'employeur n'avait pris aucune mesure pour éloigner l'auteur du harcèlement du poste occupé par la salariée, et s'était contenté de le sanctionner d'un avertissement, a pu en déduire l'existence d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat de travail.

5. Le moyen n'est en conséquence pas fondé.

Mais sur le moyen, pris en sa deuxième branche. Enoncé du moyen.

6. L'employeur fait le même grief à l'arrêt, alors « que la date de la résiliation est celle de la décision qui la prononce, sauf si le contrat a été rompu antérieurement, auquel cas c'est cette date de rupture qui constitue la date d'effet de la résiliation judiciaire ; que si au jour du prononcé de la résiliation judiciaire de son contrat de travail le salarié a déjà fait l'objet d'une mesure de licenciement, la date de la rupture du contrat de travail correspond ainsi à la date d'envoi de la lettre de licenciement ; qu'en l'absence de réintégration du salarié, la résiliation judiciaire produisant les effets d'un licenciement nul donne droit au salarié à des dommages-intérêts au moins égaux aux salaires des six derniers mois ; qu'en l'espèce, il ressort des constatations de l'arrêt attaqué que Mme U... a fait l'objet d'une mesure de licenciement pour inaptitude par lettre du 18 février 2015 ; que la cour d'appel a en conséquence prononcé la résiliation du contrat de travail à compter de cette date du 18 février 2015 ; qu'en condamnant néanmoins la société Presco à payer à la salariée - outre les indemnités de rupture et les dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par la résiliation judiciaire du contrat de travail - des rappels de salaire et de congés payés au titre de la période du 20 février 2015 au 21 décembre 2016, cependant que la salariée ne pouvait percevoir des rappels de salaire au titre de cette période postérieure au licenciement et à la date de prise d'effet de la résiliation judiciaire fixée au 18 février 2015, la cour d'appel a violé les articles L. 1221-1 et L. 1231-1 du code du travail et 1103, 1104, 1193 et 1224 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1231-1 du code du travail, 1134 et 1184 du code civil dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

7. Lorsqu'un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail et est licencié ultérieurement, le juge, s'il estime la demande de résiliation judiciaire justifiée, fixe la date de la rupture à la date d'envoi de la lettre de licenciement.

8. Après avoir accueilli la demande de résiliation judiciaire et fixé la date d'effet de cette résiliation au 18 février 2015, l'arrêt accorde à la salariée des rappels de salaires pour une période s'étendant du 20 février 2015 au 21 décembre 2016.

9. En statuant ainsi, alors que la salariée ne pouvait prétendre au paiement des salaires pour une période postérieure à la rupture de son contrat de travail, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquence de la cassation

10. Les trois dernières branches du moyen ne critiquant l'arrêt qu'en ce qu'il condamne la société au paiement d'un rappel de salaires et de congés payés pour la période du 20 février 2015 au 21 décembre 2016, la cassation prononcée n'emporte pas cassation des autres chefs de dispositif visés par le moyen que la critique de la deuxième branche n'est pas susceptible d'atteindre.

PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Presco à payer à Mme G... la somme de 45 496 euros à titre de rappel de salaire concernant la période du 20 février 2015 au 21 décembre 2016 et 4 549 euros au titre des congés payés y afférents, l'arrêt rendu le 25 avril 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;

Condamne Mme G... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept février deux mille vingt et un. 

[…]

Photo : Proxima Studio - stock.adobe.com.

Pour vous accompagner juridiquement, des avocats :

75001 - MAÎTRE DE BOISSIEU OLIVIER https://www.droit-penal-des-affaires-paris.com
75008 - HEBE AVOCATS A LA COUR https://www.avocat-droit-fiscal-paris.com
75116 - MAITRE ALEXIA DECAMPS https://www.alexia-decamps-avocat.fr
75116 - SELARL LHJ AVOCATS http://www.avocat-droit-social-paris.fr
78000 - BVK VERSAILLES 78 AVOCATS ASSOCIES AVOCAT https://www.bvk-avocats-versailles.com