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Le salarié qui refuse une rétrogradation s’expose à un licenciement


Un salarié refuse une sanction de rétrogradation et est ensuite licencié pour faute grave. Il conteste en justice son licenciement et la Cour d’appel lui donne raison au motif qu’en proposant une rétrogradation, l’entreprise a admis que  le maintient du salarié dans l’entreprise était possible et donc que la faute grave ne pouvait être invoquée ensuite. Mais la Cour de cassation rappelle l’article L. 1331-1 du code du travail : « [Dans] l’exercice de son pouvoir disciplinaire, [l’employeur peut] prononcer une autre sanction, y compris un licenciement pour faute grave aux lieu et place de la sanction refusée. »

Extrait de l’arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 10 février 2021. Pourvoi n° : 19-20.918.

[…]

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 12 juin 2019), M. N… a été engagé le 25 novembre 2005 par la société Bruneau Pegorier Catering, aux droits de laquelle vient la société Paris Air Catering, en qualité de technicien ravitaillement, et occupait en dernier lieu les fonctions de chauffeur poids lourd, coefficient 195 de la convention collective nationale du personnel au sol des entreprises de transport aérien du 22 mai 1959.

2. Après avoir été convoqué à un entretien préalable et mis à pied à titre conservatoire, par lettre du 2 octobre 2014, il s’est vu proposer, le 22 octobre 2014, une rétrogradation dans un poste d’employé d’exploitation, de qualification et de rémunération inférieure, qu’il a refusée le 29 octobre 2014. L’employeur l’a de nouveau convoqué le 5 novembre 2014 à un entretien préalable fixé au 17 novembre 2014, puis lui a notifié son licenciement pour faute grave le 25 novembre 2014.

3. Le salarié a saisi la juridiction prud’homale pour contester cette rupture et obtenir paiement de diverses sommes à ce titre.

Examen du moyen. Enoncé du moyen.

4. L’employeur fait grief à l’arrêt de dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse, de le condamner au paiement de diverses sommes à ce titre et d’ordonner le remboursement à Pôle emploi des indemnités de chômage versées au salarié du jour de son licenciement au jour du prononcé du jugement dans la limite de deux mois d’indemnités versées, alors « qu’une modification du contrat de travail ne pouvant être imposée au salarié, l’employeur qui se heurte au refus d’une mesure de rétrogradation impliquant une modification du contrat de travail, peut, dans l’exercice de son pouvoir disciplinaire, prononcer une autre sanction, y compris un licenciement pour faute grave aux lieu et place de la sanction refusée ; que le fait d’avoir proposé au salarié une rétrogradation à titre de sanction des faits fautifs qui lui sont reprochés n’implique pas que ces faits ne rendent pas impossible le maintien du salarié dans l’entreprise dans le poste qu’il occupait et n’interdit pas à l’employeur, par conséquent, de prononcer le licenciement pour faute grave du salarié ; qu’en l’espèce, il ressort des constatations de l’arrêt attaqué qu’elle a prononcé le licenciement pour faute grave du salarié, en raison d’un grave manquement de ce dernier aux consignes de sécurité dans son poste de chauffeur poids lourds en zone aéroportuaire, après s’être heurtée au refus, par le salarié, de la rétrogradation qu’elle lui avait proposée dans un poste d’employé d’exploitation qui n’impliquait pas les mêmes responsabilités en matière de sécurité ; qu’en considérant cependant que l’exposante, qui avait dans un premier temps proposé au salarié un changement de poste, avait ce faisant considéré que le maintien du salarié dans l’entreprise n’était pas impossible et qu’elle ne pouvait en conséquence invoquer une faute grave, la cour d’appel a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l’article L. 1331-1 du code du travail :

5. Une modification du contrat de travail ne pouvant être imposée au salarié, l’employeur qui se heurte au refus d’une mesure de rétrogradation impliquant une modification du contrat de travail, peut, dans l’exercice de son pouvoir disciplinaire, prononcer une autre sanction, y compris un licenciement pour faute grave aux lieu et place de la sanction refusée.

6. Pour dire le licenciement du salarié dépourvu de cause réelle et sérieuse, l’arrêt, après avoir rappelé que la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise, retient que dès lors que l’employeur a dans un premier temps, à la suite des faits reprochés, proposé à l’intéressé un changement de poste, il a considéré, ce faisant, que le maintien du salarié dans l’entreprise n’était pas impossible et ne pouvait, en conséquence, invoquer la faute grave au regard de la définition rappelée. Il en conclut que, faute pour la société d’avoir respecté la garantie de fond prévue par la convention collective, qui s’applique en cas de licenciement disciplinaire pour faute à l’exclusion du licenciement pour faute grave ou lourde, le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse.

7. En statuant ainsi, la cour d’appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 12 juin 2019, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ;

Remet l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Paris autrement composée ;

Condamne M. N… aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix février deux mille vingt et un  […].

Photo :  Pixabay - Arek socha.

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