Un salarié est mis à pied oralement à titre conservatoire par son employeur et est convoqué une semaine après à un entretien préalable avant d’être licencié deux semaines plus tard. Le salarié conteste en justice son licenciement au motif que nul ne peut être sanctionné deux fois pour les mêmes faits. Selon le salarié, sa mise à pied était une sanction disciplinaire et il ne pouvait donc, pour les mêmes faits, être sanctionné une deuxième fois par un licenciement. La Cour d’appel lui donne tort mais pas la Cour de cassation…
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1. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 28 novembre 2018), M. [E], engagé par la société [S] à compter du 30 avril 2007 en qualité de métallier soudeur, a été mis à pied le 8 septembre 2015. Il a été convoqué le 15 septembre 2015 à un entretien préalable à un éventuel licenciement et licencié par lettre du 29 septembre 2015 pour faute grave.
2. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale pour contester son licenciement.
3. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de toutes ses demandes, alors « que nul ne peut être sanctionné deux fois pour les mêmes faits ; que la cour d'appel n'a pas constaté que l'employeur avait qualifié la mise à pied du salarié de "conservatoire", au moment où il la lui avait notifiée de façon verbale, le 8 septembre 2015, pour des faits ensuite retenus dans la lettre de licenciement ; que la procédure de licenciement n'a été lancée que sept jours plus tard, le 15 septembre 2015 ; que la Cour d'appel ne pouvait retenir le caractère "conservatoire" et non disciplinaire de la mise à pied, au seul motif que la notification de cette sanction avait été séparée de la lettre de convocation par " seulement quatre jours travaillés", sans préciser le moindre motif justifiant un tel délai ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les articles L. 1332-1 et L. 1332-3 du code du travail. »
Vu l'article L. 1331-1 du code du travail :
4. Il résulte de ce texte qu'aucun fait fautif ne peut donner lieu à double sanction.
5. Pour débouter le salarié de ses demandes, la cour d'appel, après avoir rappelé que le caractère conservatoire de la mise à pied ne devait être retenu que si celle-ci était immédiatement suivie de l'engagement d'une procédure de licenciement, a constaté que tel était le cas, puisque seulement quatre jours travaillés avaient séparé cette mise à pied de la lettre de convocation à l'entretien préalable.
6. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la procédure de licenciement avait été engagée sept jours après la notification de la mise à pied et qu'elle n'avait retenu aucun motif de nature à justifier ce délai, en sorte que cette mesure présentait le caractère d'une sanction disciplinaire et que l'employeur ne pouvait ensuite décider à raison des mêmes faits le licenciement de l'intéressé, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Reims ;
Condamne la société [S] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société [S] ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze avril deux mille vingt et un.
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