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Présidents


Nicolas, un ancien Président de la République, supporte mal l’arrêt de sa vie politique. Les circonstances lui permettent d’espérer un retour sur le devant de la scène. Mais il lui faut un allié. Nicolas va donc partir en Corrèze, pour convaincre François, un autre ancien Président (qui, lui, coule une retraite heureuse à la campagne) de faire équipe avec lui. François se pique au jeu, tandis que Nicolas découvre que le bonheur n’est peut-être pas là où il croyait… Et leurs compagnes respectives, elles, vont bientôt se mettre de la partie.

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Entretien avec la réalisatrice, Anne Fontaine

PRÉSIDENTS est clairement une comédie… C’est un genre que vous avez déjà abordé dans vos films mais jamais aussi franchement…
Je voulais clairement faire une comédie, à partir de deux personnages qu’on ne rencontre pas souvent, puisque les anciens Présidents de la République sont assez rares ! Ce qui m’intéressait le plus, c’était l’idée de l’après, ce moment où l’on n’est plus au pouvoir… François et Nicolas dans le film sont en « vacance », au sens propre comme au figuré! J’avais pensé à ce sujet il y a quelques années déjà, avec le sentiment que cela pourrait donner une comédie « franche » comme vous dîtes, complètement assumée. Je l’ai fait par le passé, dans MON PIRE CAUCHEMAR par exemple, mais sur un ton plus grinçant sans doute… Il y a de nombreuses manières d’aborder ce genre, à partir de questions comme: est-ce que l’on rit « de » ou « avec »? Où se place la drôlerie? Le rire est un savant mélange, à la fois stimulant et complexe car beaucoup plus difficile à incarner qu’un drame psychologique dont on connaît généralement les tenants et les aboutissants… Ici, la confrontation de ces deux ex-Présidents, également ex-ennemis qui vont devenir partenaires, s’appuie en plus sur la performance de deux formidables comédiens, Jean Dujardin et Grégory Gadebois: ils ont tous deux le décalage, l’ironie nécessaires pour emmener l’histoire vers quelque chose de joyeux, sans jamais tomber dans l’imitation ou la parodie. Je dirais que leur interprétation tient plutôt de l’évocation…

Avez-vous une fascination, un intérêt de base pour les personnalités politiques et ces moments de sommets puis de chute qu’ils ou elles connaissent forcément ? 
Oui et d’ailleurs, j’ai souvent fait le parallèle entre leurs parcours et ceux de ces comédiens très connus qui, du jour au lendemain, passent de la gloire à l’oubli. C’est une fragilité passionnante à explorer et qui, dans les deux cas, renvoie à l’écrin du pouvoir mais aussi à une forme de représentation, de jeu… Au début du récit, Nicolas est dans un moment de faille dépressive à laquelle on adhère car il révèle son humanité en montrant qui il est vraiment, privé de la comédie du pouvoir… Ses retrouvailles avec François donnent naissance à une sorte de duo qui va jouer l’un avec l’autre ou l’un contre l’autre… Cela me permet également d’aborder le débat masculin / féminin sous une forme prospective car, jusqu’à ce jour, nous n’avons pas connu de présidente ou d’ex-présidente en France…

Cela donne au film un ton très intéressant: ces deux ex-Présidents nous sont familiers, donc nous les reconnaissons, mais dans le même temps, vous les emmenez vers une sorte de réalité parallèle, une fantaisie à la fois burlesque, poétique et touchante…
Je tenais beaucoup à cette liberté envers les modèles originaux ! Cela me permettait d’imaginer que le Nicolas incarné par Jean Dujardin est un homme esseulé, qui s’accroche à son aspirateur, à son petit chien, bref à des choses très prosaïques pour garder un sens à son existence. Et d’un coup, les aléas de la politique lui donnent l’occasion et l’envie d’aller rencontrer son ennemi d’hier, François, qui a lui-même complètement abandonné toute idée de reconquête et vit paisiblement en apparence au fin fond de la Corrèze… J’aime l’idée du « est-ce que ça pourrait être vrai? ». Ça nous ramène au concept de la comédie: il faut qu’il y ait de la vérité, même avec le décalage de la drôlerie. Dans PRÉSIDENTS, on ne s’attend pas à la rencontre de ces deux hommes, au fait que peu à peu ils vont s’adopter tout en se défiant… Dans mes films, j’aime que les personnages possèdent une part aveugle qui les conduit dans un endroit inconnu d’eux-mêmes, comme une expérience initiatique… Je trouve que l’on peut croire à cet aigle à deux têtes, à cette alliance au départ improbable mais qui s’avère possible petit à petit.

Pour ce qui concerne la partie réelle du film, êtes-vous allée piocher dans ce que les vrais Présidents ont écrit, dans leurs livres de souvenirs par exemple ? 
Ça n’était pas une obsession… J’ai relu certains de leurs discours car on y trouve des éléments que tous deux ont vécu et partagé, j’ai pioché des informations dans des articles de presse mais non, je n’ai pas lu leurs livres. En revanche, le scénario contient des points de repère amusants et véridiques comme ce qualificatif de « petit calomniateur » qui a vraiment été employé! Nous avons aussi repris dans la scène initiale du débat ce moment où François dit à son adversaire que « la France ne l’écoute plus » ou encore créé une sorte de langage parfois un peu approximatif pour Nicolas, comme ce mot « tectonique » qui revient sans cesse… C’est d’ailleurs là où le travail de Jean Dujardin est vraiment singulier car il parvient à endosser les symptômes du personnage tout en inventant quelque chose d’autre…

PRÉSIDENTS n’est pas un film politique mais un film qui évoque la politique: vous montrez l’alliance de deux anciens chefs d’État pour contrer la victoire possible de Marine Le Pen… Est-ce une manière pour la citoyenne que vous êtes de prendre position ?
Le film n’est pas didactique ou militant, c’est vrai, mais je crois qu’il touche quand même à l’objet de la politique, au-delà de la comédie du pouvoir avec laquelle il s’amuse. Quand le personnage de Nicolas vient rencontrer François, il parle de « péril fasciste » en utilisant des mots très violents pour essayer de réveiller son instinct politique… Reste à savoir s’il utilise ce terme pour bâtir une véritable alliance démocratique ou juste revenir au pouvoir… un peu des deux, sans doute. Mais on voit alors dans l’œil de François qu’il n’a pas tout à fait réussi à se sevrer de ce qu’il a connu au sommet de l’État. C’est le face-à-face entre deux grands drogués, ils ont au moins ça en commun… Sans rien révéler de la dernière partie du film, la voie que je montre n’est pas innocente: même si mon film aborde la politique par l’humour, les sondages nous affirment que ce fameux « péril » est bien une hypothèse réaliste…

Cette dernière partie du film permet aussi de retrouver deux merveilleux personnages féminins, (Natalie une chanteuse lyrique et Isabelle une vétérinaire), épouse ou compagne de Nicolas et François, qui vont jouer un rôle plus important que prévu… 
C’est vrai qu’elles vont former avec Nicolas et François une sorte de quatuor, attisant ou réveillant leurs envies de repartir à l’assaut de l’Élysée, quitte à jouer sur leurs atouts pour installer une sorte de rivalité… Mais ce sont deux fortes personnalités. Là aussi je me suis à la fois inspirée et éloignée de la réalité. Isabelle est donc vétérinaire et pas actrice… D’ailleurs, quand je l’ai rencontré le vrai François et qu’il m’a demandé quelle serait la profession de sa compagne de cinéma, il en a été à la fois étonné et amusé! Ce sont deux femmes que l’on ne voit pas venir, elles semblent a priori un peu en marge puis elles finissent par rentrer de plain-pied dans cette histoire, en y prenant toute leur place… À partir de ce moment, l’attitude de Nicolas et François va changer: ils sont plus immatures, presque enfantins. C’est aussi ce qui les rend sympathiques.

Comédie française de Anne Fontaine. 3,6 étoiles sur AlloCiné.

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