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Un tour chez ma fille


Cette fois-ci, c’est elle qui débarque ! Jacqueline, en pleins travaux dans son appartement, est joyeusement contrainte d’aller vivre « quelques jours » chez sa fille aînée Carole et son gendre, en pleine thérapie de couple. Ces « quelques jours » se transforment en « quelques mois », Jacqueline se sent vite chez elle, prépare les dîners, accapare la télévision, réorganise la cuisine… Elle est là et on ne sait pas pour combien de temps !

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Entretien avec le réalisateur; Eric Lavaine

Comment avez-vous eu l’idée de donner une suite à RETOUR CHEZ MA MÈRE ? 
RETOUR CHEZ MA MÈRE ayant été un beau succès en salles et à la télévision, les « partenaires du film » m’ont vite encouragé à faire une suite. Mais n’ayant pas la bonne idée, je n’ai justement pas donné suite… Jusqu’au jour où j’ai imaginé un titre qui sonnait pas mal par rapport au premier opus : UN TOUR CHEZ MA FILLE ça faisait un beau pendant à RETOUR CHEZ MA MÈRE. C’est donc le titre qui a été la graine de ce scénario alors qu’en général on écrit un script et ensuite on se prend la tête pour trouver un titre efficace !

Après le titre, il fallait bien trouver l’intrigue… 
Dans RETOUR CHEZ MA MÈRE, pour bâtir le personnage joué par Josiane Balasko, je m’étais largement inspiré de ma maman. Une nouvelle fois, c’est elle qui m’a « offert » le pitch du film. Un jour, ma mère a lancé des travaux dans sa salle de bain et, du coup, s’est invitée chez ma sœur aînée. Ça devait prendre trois jours, elle est restée deux mois. Cette situation a beaucoup plu à ma mère, ma sœur a un peu moins partagé son enthousiasme (rires)…

Dans quel état d’esprit avez-vous abordé l’idée d’une suite ?
Sereinement et avec plaisir. L’écriture, le moment le plus angoissant pour moi, s’est fait dans un certain confort : connaissant déjà les personnages, on s’économise une nouvelle caractérisation. Et puis faire une suite c’est retrouver les mêmes comédiens, on sait déjà comment ils fonctionnent sur un plateau. La contrainte, en revanche, c’est qu’au-delà du plaisir que le spectateur va avoir à retrouver les personnages qu’il a aimé, il faut lui servir un nouveau plat. Avec Hector Cabello Reyes, mon co-auteur, nous avons voulu écrire un film qui ne soit pas redondant avec RETOUR CHEZ MA MÈRE. 

Où en sont vos personnages – Jacqueline, Carole, Nicolas, Alain, Jean – au moment où on les retrouve ? 
UN TOUR CHEZ MA FILLE se déroule deux ans après la fin de RETOUR CHEZ MA MÈRE, chacun des personnages a avancé dans sa vie. Le couple Carole (Mathilde Seigner) / Alain (Jérôme Commandeur) qui traversait une grosse crise à la fin du premier opus, s’est remis ensemble. Ils tentent de donner un deuxième souffle à leur relation – d’où leur thérapie de couple. Carole semble plus apaisée et Alain a acquis un peu plus d’autorité. Jacqueline, elle, est officiellement avec Jean (Didier Flamand), ils ont décidé de refaire l’appartement de Jacqueline pour s’installer définitivement ensemble. Le problème, c’est que pour Jacqueline, ce futur « chez nous » a toujours été « chez elle ». Nicolas (Philippe Lefebvre), le fils de Jacqueline, est toujours aussi égoïste et ses prédispositions volages vont mettre son couple en danger. Enfin Stéphanie (Alexandra Lamy), qui était architecte au chômage à la fin de RETOUR CHEZ MA MÈRE est désormais au Brésil pour bâtir un immeuble.

L’avenir du couple Carole-Alain est l’un des véritables enjeux du film.
Je suis fan du couple que forment Jérôme Commandeur et Mathilde Seigner. Pour que leur aventure commune se poursuive - malgré l’aide d’un thérapeute de couple (Sébastien Castro) - il fallait que chacun évolue. En gros Carole est devenue plus douce et Alain plus séduisant. Pour que Carole puisse retomber amoureuse de son mari, il fallait qu’il soit un peu plus moteur du couple et moins « benêt ». C’est pour ça que j’ai coupé au montage certaines séquences très drôles mais où Alain était vraiment trop bas du front. Il faut savoir sacrifier un peu de comédie pour nourrir la réalité des personnages et leurs rapports.

Pourquoi avez-vous choisi de mettre en avant Carole et de laisser Stéphanie hors champ ?
Dans la première version du script, la mère s’installait chez Stéphanie. Alexandra Lamy m’a tout de suite mis en garde sur le fait qu’on risquait de refaire le même film que le précédent  : à savoir la confrontation entre la mère et sa fille préférée. C’est donc Alexandra qui m’a suggéré que ce serait plus intéressant que la mère s’installe chez Carole, son autre fille, avec qui elle a le moins d’affinités. Du coup, cela réduisait considérablement la partition d’Alexandra et on s’est dit que le mieux était de l’envoyer au Brésil. Avec Alexandra, on se retrouvera pour un prochain film. 

On a le sentiment que c’est la génération Balasko-Flamand qui envisage le changement alors que le couple plus jeune, Seigner-Commandeur, est davantage installé dans une routine immuable.
Absolument. C’est un phénomène qu’on remarque fréquemment : les couples plus jeunes semblent assez casaniers et sages alors que les seniors ont envie de réinventer leur vie et sont plus souples. Mais c’est aussi lié à leur confort matériel : les retraités ont souvent plus de moyens que les actifs. Même le fait de s’installer dans deux appartements, comme ils le font à la fin, est un choix de nantis. 

Comment avez-vous eu l’idée d’introduire une troisième génération, celle de la mère de Jacqueline, devant laquelle le personnage de Balasko est terrorisé ? 
Voir Jacqueline (Josiane Balasko) se faire mettre à l’amende par sa mère (Line Renaud) c’est très jubilatoire. Josiane devient la plus vieille adolescente de France quand elle se fait réprimander par Line parce qu’elle fume une clope ! Tant qu’on a encore ses parents, même à 70 ans, on reste un enfant.

L’idée du malentendu sur la vie sexuelle soi-disant débridée de Jacqueline est très drôle. 
Je me méfie toujours des quiproquos au cinéma car dans la vraie vie ils seraient résolus en trois minutes. Mais là, à partir du moment où Jacqueline demande à son gendre de garder le secret, ça tient tout le film. Jérôme Commandeur, prisonnier de ce « trop lourd secret » est irrésistible. 

Carole ne cesse de répéter à sa mère « c’est chez moi », comme si elle avait besoin de s’en convaincre. 
Certaines femmes (et certains hommes) ont un rapport particulier à la sphère domestique, ils doivent se la réapproprier en permanence. Tout comme un lion marque son territoire pour le délimiter, je sais que dans mon couple ma femme peut repasser le coup d’éponge là où j’ai moi-même mis un coup d’éponge ! 

On retrouve en filigrane certains thèmes que vous aviez déjà abordés et notamment la jalousie entre frères et sœurs.
Dans RETOUR CHEZ MA MÈRE, Carole profitait de l’état de faiblesse de sa sœur Stéphanie pour lui reprocher son statut de chouchou. Dans UN TOUR CHEZ MA FILLE, Carole est toujours habitée par une certaine jalousie. Elle va même jusqu’à dire à sa mère « qu’elle sait très bien qu’elle aurait préférée s’installer chez Stéphanie. » C’est un thème qui me touche beaucoup : on aime nos enfants avec le même amour, mais on a plus d’affinités avec certains.

Saviez-vous d’emblée que les acteurs accepteraient de reprendre leur rôle ?
Ils ont accepté très vite et avaient très envie de tourner à nouveau ensemble. Et grâce à la place laissée par l’absence de Stéphanie, ils avaient plus d’espace pour exister. 

On ne voit pas qui d’autre que Josiane Balasko pour camper Jacqueline ! 
Josiane est géniale, comme d’habitude, et elle adore ce rôle de maman qui sait ce qu’elle veut… et qui est assez proche de ce qu’elle est dans la vie. Jacqueline est d’une mauvaise foi très attachante ! Dans la vraie vie, Josiane n’a qu’une fille et, heureusement pour elle, elle n’est pas confrontée à ce problème de préférence entre ses enfants. De manière égoïste pour moi, je reconnais que c’est un bonheur de travailler avec une femme qui a à son actif les plus grandes comédies françaises. Et elle n’est pas lassée par ce qu’elle fait : elle est toujours gourmande de ses personnages et très concernée par l’écriture. Et quand c’est Balasko qui vous remet des virgules en place, on l’écoute !

Comédie française de Eric Lavaine. 3 étoiles sur AlloCiné. 

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