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Belle fille


Découvrant que son mari la trompe, Louise décide de penser enfin à elle et part décompresser en Corse le temps d’un week-end. Elle passe une folle nuit avec un bel inconnu... Une seule puisque, au petit matin, il ne se réveille pas. Andréa, la mère de celui-ci, débarque sur les lieux et prend immédiatement Louise pour la belle-fille dont elle a toujours rêvé ! Prise au piège, Louise va devoir jouer le rôle de la belle-fille idéale pour quelques jours. Problème : sa nouvelle belle-mère ne veut plus la lâcher...

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Entretien avec la réalisatrice, Méliane Marcaggio

D’où vous est venue l’idée de ce scénario ?
Un jour, on m’a raconté l’histoire d’une femme qui s’était attachée plus que de raison à la dernière conquête de son fils décédé. Cet attachement avait paru excessif à son entourage car, avant le drame, elle n’avait jamais rencontré cette « petite amie ». Et pour cause, il ne s'agissait que d'une aventure sans lendemain. Pourtant, lors de l'enterrement elle la présentait comme la compagne officielle de son défunt fils sans que personne, vue les circonstances, n'ose la contredire. Cette histoire, qui disait le bouleversement affectif d’une mère devenue « orpheline » de son enfant m’a beaucoup interpellée. J’ai appris plus tard qu’il était très courant que des parents cherchent à créer le lien avec les dernières personnes qui ont croisé l’enfant qu’ils ont perdu, comme s’ils conservaient en eux une parcelle de sa vie ou qu'ils prolongeaient un peu sa présence. J’ai commencé à réfléchir et je me suis dit qu’il y avait peut-être là un début de scénario. Assez rapidement, j’ai pensé à situer l’histoire en Corse. Je n’y ai jamais vécu et n'y ai plus de famille, mais il y reste mes racines. Je voulais, dans ce film, renouer avec mes origines. Et puis, comme beaucoup, j'ai toujours été émerveillée par cette île. Ses paysages sont magnifiques, et ses coutumes restent fortes, notamment les rituels qui entourent la mort. Il y a aussi cette tradition de l’omerta qui laisse la porte ouverte à tous les mensonges : elle est une mine pour les scénaristes. (Rire)

Dans cette histoire bâtie à partir d’un évènement triste, comment avez-vous trouvé le chemin de la comédie ?
Assez naturellement parce que la comédie est mon langage de prédilection. Même lorsque je pars d’une situation dramatique, c’est souvent à travers elle que je m’exprime. Un peu comme une pirouette face au malheur. Pour moi, c'est le rire qui rend les drames de la vie supportables. Ici, à partir du chagrin d’une mère endeuillée qui déplace son trop plein d’amour et d’affection sur une fille dont elle présume qu’elle aurait dû devenir sa bru, j’ai bâti une histoire qui oscille entre le rire et l'émotion. La construction est celle d'une comédie d'imposture : quelqu’un est là où il ne devrait pas être et on le prend pour un autre, sans qu’il puisse se dépatouiller de la méprise et… la machine s’emballe ! C’est ça qui m'amusait, la mécanique qui s’accélère et génère de plus en plus de quiproquos, de malentendus et de rencontres inopportunes. Dans la comédie, j'adore les mots d'auteurs et les bonnes réparties, mais ce que je trouve le plus jubilatoire, ce sont les situations.

Sur quel fil avez-vous commencé à tirer pour développer votre histoire ? 
Peut-être parce que j’étais en âge de le jouer, j’ai d’abord commencé à cogiter sur le personnage de Louise, la « belle fille ». Je me suis amusée à imaginer une fille qui se retrouve prisonnière d’un mensonge qui la dépasse et dont elle n’arrive pas à se sortir, pour cette seule raison qu’elle n’a pas le courage d’ajouter à la peine de quelqu’un. J’ai longtemps porté cette histoire. Presque dix ans. Quand j’ai commencé à l’ébaucher, instinctivement, j’ai donné à Louise, mon âge d’alors, la trentaine, et j’en ai fait une nana insouciante et joyeuse qui multipliait les aventures, à l’image de bon nombre de mes copines. Mais, au fil des ans et des séances de réécriture, Louise a grandi et mûri avec moi. Elle a hérité des problématiques des « quadras ». À quarante ans, on est à peu près au milieu de son existence, c'est l'heure des bilans. On s’interroge sur notre vie, parce qu’après il sera sans doute trop tard. N’est-ce pas le moment de tout envoyer valdinguer ?

A part l’âge, qu’avez-vous prêté à Louise qui vous appartient ?
Sa maladresse, ses doutes, son empathie maladive, et son incapacité à dire non qui la met souvent dans des situations compliquées. C’est à peu près tout. (Rire) Surtout à travers elle, j’ai essayé de montrer qu’il est difficile aujourd’hui d’être une femme de quarante ans si on veut arriver à tout concilier, sa vie amoureuse, sa vie de famille, sa vie professionnelle et sociale. C'est presque impossible. En tous cas, de mon côté, je trouve ça compliqué... (Rire) Forcément, des frustrations surgissent quelque part. Cela varie selon les individus. « Ma » Louise a sacrifié beaucoup de choses pour préserver sa famille et sa fille, à qui elle tout donné et qui a aujourd'hui l'âge de prendre son envol. Alors, lorsqu’elle découvre que son mari la trompe, elle envoie valdinguer sa sagesse et son sens du devoir. L’élément détonateur de la comédie, c’est elle ! Elle qui, en croyant profiter de sa liberté toute neuve, va se retrouver là où il ne faut pas, avec des gens qu’elle n’aurait jamais dû rencontrer.

Dans votre film, à deux exceptions près, ce sont les femmes qui ont les plus beaux rôles, en tous cas les plus sincères… 
C’est assez logique. BELLE FILLE est mon premier film. Même s’il ne raconte pas quelque chose que j’ai vécu directement, j'ai voulu être au plus proche de moi, au plus intime. Il se trouve que je suis une femme, donc mes personnages principaux sont des femmes. Si j'avais été un homme, j'aurais sans doute écrit BEAU FILS...

Vous aviez déjà écrit, mais essentiellement pour le théâtre. Cette expérience vous a-telle aidé pour BELLE FILLE ?
Certainement, mais ce sont, malgré tout, deux écritures très différentes. Cela dit, bien que n’ayant encore jamais écrit de long métrage, je n’étais pas complètement novice en matière d’écriture de cinéma. J’avais fait mes « griffes » sur le court-métrage avec « ET TOI ? », que j’ai co-réalisé avec Jean-Marc Peyrefitte. Ce film a reçu suffisamment de retours positifs (et de sélections en festivals) pour que je me lance dans l’écriture d’un long-métrage. J'ai alors participé à une formation au CEEA (Conservatoire Européen d'Écriture Audiovisuelle) dédiée à l'écriture de la comédie. Cela a été très instructif... et fécond puisque c'est là-bas qu'est né un premier synopsis de BELLE FILLE. Puis, j'ai repris l'écriture avec Christophe Duthuron. Avant de nous attaquer aux scènes, nous avons commencé par remuscler ce synopsis. Christophe est un constructeur incroyable. Il a aussi un sens aigu du dialogue et une grande exigence d’écriture. Là encore, j'ai été à bonne école ! Après de longs mois de travail, nous avons pu mettre un point final à BELLE FILLE. Lorsqu’on n’a que six semaines et demi de tournage, un scénario « béton » est un atout majeur. En cas de stress ou de pépin technique, il est la meilleure bouée de sauvetage. Chaque mot de celui de BELLE FILLE avait été pesé et chaque virgule réfléchie, cela a permis à la primo-réalisatrice de long métrage que j’étais, d'endosser sans appréhension le rôle de capitaine de ce gros navire. Sur plateau, je me suis sentie solide et à ma place.

En rédigeant votre scénario, avez-vous, en même temps pensé cadrage ?
Cadrage et montage. Par exemple, nous avons écrit pour qu’au début du film, les scènes qui se passent à Paris puissent être montées nerveusement, sur un rythme rapide. Ce sont des scènes d’exposition. Elles sont essentielles, puisqu'elles expliquent les raisons du départ précipité de Louise, et en font son portrait en creux. Mais, je ne voulais pas qu'elles prennent trop de temps. Il fallait leur trouver un traitement particulier. Le film prend un autre tempo ensuite, à l’arrivée de Louise en Corse où, dans un décor de rêve, éclaboussée d’une lumière somptueuse, elle va enfin penser à elle. Le rythme s’apaise, la respiration se fait plus douce. Mais ce n’est qu’un trompe-l’œil : la mécanique du mensonge est en marche. Louise est prise dans un engrenage.

Comédie française de Méliane Marcaggio. 3,3 étoiles sur AlloCiné.

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