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Mon cousin


Pierre (Vincent Lindon) est le PDG accompli d’un grand groupe familial. Sur le point de signer l’affaire du siècle, il doit régler une dernière formalité : la signature de son cousin Adrien (François Damiens) qui détient 50 % de sa société. Ce doux rêveur idéaliste qui enchaîne gaffes et maladresses est tellement heureux de retrouver Pierre, qu’il veut passer du temps avec lui et retarder la signature. Pierre n’a donc pas le choix que d’embarquer son cousin avec lui dans un voyage d’affaires plus que mouvementé où sa patience sera mise à rude épreuve.

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Entretien avec le réalisateur; Jan Kounen

Quelle surprise de vous trouver, vous, jan kounen, aux manettes d’une comédie… 
C’est un accident ! (rires) Je travaillais depuis un an avec Richard Grandpierre (le producteur) sur un scénario de film fantastique. Un jour, Richard m’appelle pour me proposer la réalisation d’une comédie avec Vincent Lindon et François Damiens. Une comédie dont le titre, MON COUSIN, est déjà arrêté. Je sursaute un peu : il y a dix ans que je suis absent du grand écran, et je me vois plutôt faire mon retour avec un film de science-fiction, ou un polar ou un film social, ou je ne sais quoi d’autre, mais en tout cas, pas avec une comédie sentimentale, qui est un genre dans lequel, en tant que cinéaste, je ne me projette absolument pas. À l’époque, j’en suis même très loin, puisque je suis plongé dans la réalité virtuelle. Mais la distribution me fascine - Vincent Lindon est l’acteur français qui, en ce moment enflamme le plus ma curiosité et je rêve depuis longtemps de tourner avec François Damiens - je demande à Richard de m’envoyer le scénario. Non seulement il m’amuse, mais je m’aperçois qu’il contient les fondements de ce qu’est, pour moi, une comédie «à la française» : une histoire bâtie autour de deux types qui ne se supportent pas mais qui doivent être ensemble, jouée par deux grands acteurs très différents l’un de l’autre. MON COUSIN est dans le droit fil de LA CHÈVRE et de L’EMMERDEUR. ENTRETIEN JAN KOUNEN «AU CINÉMA, LA CONFUSION NE SE FABRIQUE PAS. POUR QU’ELLE ÉMERGE, IL FAUT LUI CRÉER UN ESPACE. » JAN KOUNEN c’est comme si on me donnait un passe pour accéder à un lieu sacré du cinéma hexagonal! Réaliser le film devient pour moi un défi. Un défi qui est double : même s’il y avait de l’humour dans mes films précédents, j’aborde pour la première fois la comédie, et j’ai très peu de temps pour m’y mettre. Nous sommes en octobre et le tournage est prévu pour avril.

Même si vous n’en aviez pas réalisé, vous aimiez donc les comédies françaises ? 
En tant que spectateur, oui! Une grande partie de celles qui vont des années 60 à 80 ont été et sont encore pour moi des références. En plus de leur drôlerie, il y a, en elles, des choses qui m’intéressent. J’aime la poésie de celles de Broca, l’ironie sympathique, douce, et un peu noire de celles d’Yves Robert, le réalisme tendre de celles de Molinaro, la folie de celles d’Oury, et l’efficacité de celles de Veber. Avant de tourner MON COUSIN, j’en ai revu beaucoup dont certaines avaient enchanté mon enfance et mon adolescence, d’UN ÉLÉPHANT, ÇA TROMPE ÉNORMÉMENT au MAGNIFIQUE. 

Qui est à l’origine du projet ?
Vincent Lindon. Après dix ans de films sociaux et de rôles graves, il avait envie d’un personnage exubérant dans une comédie. Il est allé voir Richard Grandpierre et avec Fabrice Roger-Lacan, ils ont réfléchi à un scénario. Vincent, qui ne fait jamais les choses à moitié, s’est investi à 100 % dans l’histoire. Il a participé à l’écriture du scénario. Son implication dans le film et surtout sa présence au casting ont été pour beaucoup dans ma décision de participer au projet. J’avais très envie de le voir s’énerver dans un personnage de grand bourgeois survolté.

Avez-vous retravaillé le scénario qui vous avait été soumis ? 
Je ne voulais rien changer de fondamental du scénario de Fabrice Roger-Lacan, puisque c’est lui qui m’avait décidé à faire le film. Je l’ai adapté sans le chambouler, juste en tirant des fils à partir des personnages existants. Je voulais que ça « déborde» que l’on sorte du tandem entre un homme à peu près sensé et un simplet à la fois gentil et insupportable. Vincent Lindon, qui avait travaillé sur le texte d’origine a beaucoup affûté son rôle de Pierre et j’ai fignolé celui d’Adrien. Je voulais qu’il ait à la fois plus de force et de fragilité pour que son monde apparaisse plus vaste. Au fond, quand je regarde le film, je m’aperçois que ses vingt premières minutes n’ont rien, ou presque, de personnel. Le scénario de Fabrice marche très bien : il positionne les enjeux et les personnages de manière simple et précise. J’entre vraiment en piste - si j’ose dire - après, à partir du moment où Pierre et Adrien commencent à rêver. 

S’approprier un scénario sans le trahir… comment avez-vous fait ? 
J’ai mis un peu de ma personnalité. J’ai essayé de trouver, à l’intérieur de son histoire, des choses qui me faisaient vibrer, en espérant que si, moi, je vibrais, plus tard, les spectateurs vibreraient aussi. On en revient toujours là : il faut faire les choses avec passion pour qu’elle puisse se transmettre. Pour MON COUSIN, il fallait arriver à traduire l’intériorité des deux héros. J’ai commencé par leur inventer des rêves et des cauchemars, et après, j’ai cherché comment les faire dérailler. Par exemple, pour que Pierre Pastié se lâche et arrive à comprendre dans quelle vision étriquée du monde l’enferme son quotidien de patron, il fallait le faire sortir de ses gonds, et pour que ce soit drôle, il fallait que celui qui le pousse à bout, soit justement celui qu’il ne supporte pas et qui le rend fou. Mais parce qu’il fallait tenir compte de la tonalité finale du film qui est sentimentale et émotionnelle, les déraillements sont doux, homéopathiques et progressifs. 

Comme souvent dans votre cinéma, les séquences oniriques du film sont, visuellement fortes, inventives, presque toujours inattendues, et pratiquement sans dialogue…
Je voulais traduire, essentiellement en images, tout ce qui, dans le récit, concernait les sentiments et les émotions des personnages. Pour ces scènes, j’ai laissé tomber le traditionnel langage verbal de la comédie et j’ai utilisé la totalité de la grammaire cinématographique mise à ma disposition. L ’image et la bande sonore peuvent faire surgir de la poésie ou du surréalisme là où, parfois, il n’y en a pas. C’est ça faire du cinéma.

La réussite d’une comédie dépend beaucoup de son rythme. Ce facteur a-t-il été une préoccupation pour vous ?
Le film n’est pas une comédie pure où chaque ouverture de porte doit être assortie d’un gag. C’est une comédie sentimentale où, tout en restant drôle, on doit surtout «accompagner» ses personnages. Ce sont les scènes les plus lentes qui donnent le plus de fil à retordre. Elles doivent être à la fois incarnées et rythmées. Où mettre la lenteur, et comment ré-accélérer sans provoquer d’à-coup ? Il faut être sûr de soi. Ni trop vite, ni trop lentement. Dans un plan séquence, il ne faut pas se dire qu’on règlera le problème au montage, parce qu’on ne le pourra pas. On a fait pas mal de lectures à la table. Pour vérifier les tempos, éprouver la résonance des mots et voir si ce n’était ni trop écrit ni trop long. Ce travail préparatoire sur le texte est essentiel. Il permet de parler aux acteurs et de «visser» les scènes. Je réserve l’improvisation pour les rôles secondaires. La scène du pilote de l’hélicoptère, par exemple est totalement improvisée. Dans le scénario, il était juste écrit : «il s’énerve». Je ne savais pas comment j’allais la tourner. Je savais juste que je voulais qu’elle génère du boucan. Pour la jouer, j’ai choisi Scott Thurn, un acteur américain avec lequel j’avais déjà travaillé, que J’AI COMMENCÉ PAR LEUR je savais capable de secouer la scène. Même dans les films écrits au cordeau, il faut savoir accepter l’improvisation. Elle laisse de la place pour la confusion. Au cinéma, la confusion ne se fabrique pas. Pour qu’elle émerge, il faut lui créer un espace.

Comédie française, belge de Jan Kounen. 3 étoiles sur AlloCiné.

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