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A dark-dark man


Bekzat est un jeune policier qui connaît déjà toutes les ficelles de la corruption des steppes kazakhes. Chargé d’étouffer une nouvelle affaire d’agressions mortelles sur des petits garçons, il est gêné par l’intervention d’une journaliste pugnace et déterminée. Les certitudes du cow-boy des steppes vacillent.

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Entretien avec le réalisateur; Adilkhan Yerzhanov

Le film commence comme un western, mais emprunte les codes du polar. Comment est né A DARK, DARK MAN ? 
Le scénario lui-même était susceptible de relever du genre. Mais la décision finale a été prise après une conversation avec notre coproducteur français – Guillaume de Seille -, qui en a suggéré la possibilité. C’était un défi pour moi, je lui suis reconnaissant de m’avoir proposé une perspective aussi stimulante. La question de « faire justice soi-même », d’être bord-cadre, est un thème récurrent dans les western. Et c’est ce qu’on voit dans A DARK, DARK MAN.

On sent une influence du cinéma français dans vos films. Comment l’expliquez-vous, comment avez-vous eu accès à ces films ?
J’adore le cinéma français. Au départ, il m’était complètement étranger. C’est à l’Académie des Arts du Kazakhstan, grâce à mes professeurs, que je m’y suis intéressé. J’aime particulièrement les films noirs français et les films policiers. Je n’ai pas souhaité suivre complètement le genre polar à la française, mais épouser son esthétique si particulière, celle du héros solitaire et des rebondissements minimalistes. C’est ce qui m’a semblé le plus intéressant dans ce que pourrait être une interprétation kazakhe du « film noir ». Le film noir hollywoodien, avec ses décors nocturnes et sombres ne nous convenait pas. Mais une version française du genre, dans laquelle le pire peut arriver à la lumière d’un jour ordinaire, nous convenait parfaitement.

Et il y a toujours des références à la culture française, Montesquieu en particulier avec L’Esprit des lois, la séparation des 3 pouvoirs dans ce monde corrompu… 
Dans LA TENDRE INDIFFÉRENCE DU MONDE, il était beaucoup question de Camus. Avec A DARK, DARK MAN, de Montesquieu. J’ai en tête des citations de Montesquieu depuis mon enfance. Elles me sont revenues dès que j’ai cherché les mots justes pour accompagner le film… D’un autre côté, ce n’est pas non plus complètement par hasard, car Montesquieu est l’un des premiers philosophes à avoir étudié le pouvoir de l’État sur la base de la morale.

Vous maniez le noir et l’absurde avec des personnages troubles, abîmés. Comment avez-vous construit vos personnages ?
Il suffit d’ajouter une tension interne contradictoire au cœur du personnage pour le rendre plus vivant. Si le personnage est faible, il faut y ajouter une certaine force. Si le personnage est trop masculin, il faut y ajouter de la féminité. Il s’agit de construire des personnages complexes. Tout le reste est secondaire.

Les hommes politiques, policiers, médecins, sont tous corrompus. Et ce sont tous des hommes.
Je ne dirais pas cela. Ils ne font que survivre et accomplir des actions… comme tout le monde. Et comme les hommes, à mon avis, sont à la fois plus égoïstes et en proie à de nombreuses faiblesses que les femmes, ils font plus souvent des erreurs.

Les hommes « gentils » sont simples d’esprit, mais néanmoins espiègles et créatifs. À l’image du bouc émissaire, Pukuar. 
Je ne pense pas qu’il y ait de « bons » ou de « mauvais » personnages. En revanche, il y en a probablement des « désirés » et des « non désirés » dans le système. Comme dans toute société.

Ariana est le personnage féminin, habillée comme une « flic » des films américains des années 50. Elle n’est pas corrompue. Mais privilégiée. 
Bonne remarque. Elle est effectivement habillée comme un détective américain. Avec Yermek Utegenov (production designer), nous avons décidé de l’habiller dans le style de Bogart. Ariana est l’Ariane de la mythologie grecque. Elle aide Bekzat à s’échapper du labyrinthe avec un fil. Ce n’est pas un personnage très réaliste, mais elle est importante. C’est un personnage idéaliste, qui veut réformer le système. 

Dans la plupart de vos films, il existe un personnage naïf, candide. Pourquoi ce choix ? Le rire permet-il d’échapper au désespoir ?
Oui, pour moi, l’humour sauve. Pendant la peste en Europe, les gens croyaient qu’une bonne humeur protègerait contre la maladie. Ainsi, certains villages ont décidé de s’amuser alors que la peste gagnait du terrain… Dans mes films, l’humour aide à neutraliser les terrains minés.

Policier kazakh, français de Adilkhan Yerzhanov. 3,6 étoiles sur AlloCiné.

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