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Le parfum des fleurs la nuit


Comme un écrivain qui pense que « toute audace véritable vient de l’intérieur », Leïla Slimani n’aime pas sortir de chez elle, et préfère la solitude à la distraction. Pourquoi alors accepter cette proposition d’une nuit blanche à la pointe de la Douane, à Venise, dans les collections d’art de la Fondation Pinault, qui ne lui parlent guère ?

Autour de cette « impossibilité » d’un livre, avec un art subtil de digresser dans la nuit vénitienne, Leila Slimani nous parle d’elle, de l’enfermement, du mouvement, du voyage, de l’intimité, de l’identité, de l’entre-deux, entre Orient et Occident, où elle navigue et chaloupe, comme Venise à la pointe de la Douane, comme la cité sur pilotis vouée à la destruction et à la beauté, s’enrichissant et empruntant, silencieuse et raconteuse à la fois.

C’est une confession discrète, où l’auteure parle de son père jadis emprisonné, mais c’est une confession pudique, qui n’appuie jamais, légère, grave, toujours à sa juste place : « Écrire, c’est jouer avec le silence, c’est dire, de manière détournée, des secrets indicibles dans la vie réelle ». 

C’est aussi un livre, intense, éclairé de l’intérieur, sur la disparition du beau, et donc sur l’urgence d’en jouir, la splendeur de l’éphémère. Leila Slimani cite Duras : « Écrire, c’est ça aussi, sans doute, c’est effacer. Remplacer. » Au petit matin, l’auteure, réveillée et consciente, sort de l’édifice comme d’un rêve, et il ne reste plus rien de cette nuit que le parfum des fleurs. Et un livre. 

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L'auteure

Leïla Slimani est une journaliste et écrivaine franco-marocaine née à Rabat le 3 octobre 1981. Connue dès son deuxième roman, Chanson douce, lauréate du prestigieux prix Goncourt en 2016, elle est l’une des auteures francophones les plus en vue du moment.

Élevée dans l’amour de la France

Fille d’une mère aux origines alsacienne et algérienne devenue l’une des premières femmes médecins du Maroc et d’un père banquier et ancien Secrétaire d’État chargé des Affaires économiques, Leïla Slimani voit le jour dans une famille aisée le 3 octobre 1981, dans la capitale marocaine. Amoureux de la langue française ayant lui-même fait ses études en France, son père l’éduque, avec ses deux sœurs, dans la langue de Molière. Leïla Slimani suit d’ailleurs son éducation au lycée français Descartes à Rabat.

Après avoir décroché son bac en 1999, elle part suivre des études littéraires à Paris au lycée Fénelon avant d’obtenir un diplôme en sciences politiques à l’IEP. Passionnée de théâtre, elle s’inscrit parallèlement au Cours Florent pour devenir comédienne. Elle se tourne ensuite vers les médias en poursuivant des études à L’École supérieure de commerce de Paris (ESCP Europe).

Repérée par Christophe Barbier

Le journaliste et éditorialiste Christophe Barbier, alors parrain de sa promotion, la remarque et lui propose une formation au magazine L’Express. Une aubaine pour la jeune femme qui apprend les ficelles du métier.

En 2008, la jeune femme est engagée comme journaliste pour le magazine Jeune Afrique. Mêlant sa passion des voyages et des rencontres, elle couvre principalement les sujets d’Afrique du Nord. C’est également cette année-là qu’elle épouse son mari Antoine, un banquier, avec qui elle a deux enfants.

En 2012, Leïla Slimani quitte Jeune Afrique pour se consacrer pleinement à l’écriture littéraire. Elle écrit son premier ouvrage, La baie de Dakhla : Itinérance enchantée entre mer et désert en 2013 avant de connaître un premier succès avec son premier roman Dans le jardin de l’ogre en 2014. Deux ans plus tard, elle fait l’unanimité des critiques avec son roman Chanson douce, récompensé par le prix Goncourt 2016.

Une auteure engagée pour les femmes

Grande admiratrice de Simone Veil et influencée par des écrivaines féministes telles que Simone de Beauvoir et Virginia Woolf, Leïla Slimani utilise sa plume aiguisée pour défendre la dignité des femmes. Après la publication de Dans le jardin de l’ogre, roman parlant sans tabou de la nymphomanie, la jeune auteure a parcouru le Maroc pour recueillir des témoignages de femmes sur leur sexualité. En sortiront deux ouvrages, l’essai Sexe et mensonges : La vie sexuelle au Maroc et le roman graphique Paroles d’honneur en 2017.

Grâce à sa popularité acquise avec Chanson douce, la jeune auteure a également pu publier d’anciens articles écrits pour l’hebdomadaire Le 1, réunis dans le recueil Le Diable est dans les détails en 2016. Tout aussi percutants et introspectifs que ses romans, ces textes portent déjà la marque de fabrique de Leïla Slimani : un langage délié, un regard tout en finesse, une grande maîtrise des mots et une belle poésie noire.

Simone Veil, mon héroïne, son dernier livre en date, rend quant à lui un hommage à la fois court et bouleversant à cette grande féministe française.

Les derniers livres de Leïla Slimani :

- Paroles d’honneur (2017)

- Simone Veil, mon héroïne (2017)

Un succès immédiat

Le talent de Leïla Slimani a été remarqué par les critiques littéraires dès son premier roman. La jeune femme reçoit une multitude de nominations. Dans le jardin de l’ogre est en effet sélectionné comme finaliste pour le prix de Flore 2014. Devenue l’une des figures de proue de la libération de la parole des femmes dans les pays du Maghreb, elle est aussi très appréciée des associations LGBT qui saluent ses prises de position contre la pénalisation de l’homosexualité au Maroc. Couronnée du prix Goncourt 2016 à seulement 35 ans, la jeune auteure a également reçu d’autres types d’honneur. En 2017, le président Emmanuel Macron la choisit comme conseillère sur les questions de francophonie. Véritable ambassadrice du français, elle met aujourd’hui sa popularité au service de la promotion de la langue de Molière.

Editions Stock. 128 pages. 18€.

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