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Clause de mobilité : attention au délai de prévenance


Un salarié est licencié pour faute grave (insubordination caractérisée) pour avoir refusé l’extension immédiate de son secteur d’activité en dépit d’une clause de mobilité inscrite dans son contrat de travail. Le salarié conteste aux prud’hommes son licenciement et obtient gain de cause en appel puis en cassation. La Cour a en effet estimé que le délai de prévenance conventionnel d’un mois n’avait pas été respecté rendant ainsi le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Extrait de l’arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale du 4 mars 2020. Pourvoi n° : 18-24.329.

[…]

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 septembre 2018), M. C... a été engagé le 22 mai 2006 en qualité de responsable gestion des contrats de prévoyance funéraire, statut cadre, par la société Omnium de gestion et financement.

2. Il a été licencié pour faute grave le 22 octobre 2014 pour refus d'extension de son secteur d'activité en dépit d'une clause de mobilité contenue dans son contrat de travail, ce refus s'analysant en une insubordination caractérisée.

3. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale d'une contestation de son licenciement.

[...]

Sur le premier moyen, énoncé du moyen

5.L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié des sommes au titre de la rupture du contrat de travail, de rappels de salaire et d'heures supplémentaires alors :

« 1°/ qu'il appartient au salarié de rapporter la preuve de ce que la clause de mobilité a été mise en oeuvre dans des conditions exclusives de la bonne foi contractuelle ; qu'en reprochant à l'employeur de ne pas justifier avoir respecté un délai de prévenance dans la mise en oeuvre de la clause de mobilité, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et partant a violé les articles L. 1221-1, L. 1222-1, L. 1232-1, L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9, L. 1235-1 et L. 1235-3 du code du travail, alors applicables, ensemble l'article 1315 devenu l'article 1353 du code civil ;

2°/ que les juges doivent caractériser l'abus commis par l'employeur dans la mise en oeuvre de la clause de mobilité ; que l'employeur faisait valoir avec offres de preuve que le salarié qui exerçait des fonctions itinérantes sans rattachement à un établissement physique, avait été informé lors d'un entretien du 5 mai 2014 puis par courrier du 12 mai suivant de la mise en oeuvre de sa clause de mobilité et de sa nouvelle affectation à la nouvelle direction déléguée Nord-Est, que le nouveau périmètre d'intervention était seulement partiellement modifié, que la mutation ne lui avait pas été subitement et brutalement imposée dès lors que l'employeur n'avait tiré les conséquences de son refus de se présenter sur les secteurs de la région Est que le 19 septembre 2014, soit plus de quatre mois après l'information du salarié sur la mise en oeuvre de sa clause de mobilité ; qu'en se bornant à affirmer que l'employeur ne justifiait pas avoir respecté un délai de prévenance, sans à aucun moment s'expliquer sur le délai de plus de quatre mois qui avait été laissé, dans les faits, au salarié qui effectuait des fonctions itinérantes, pour s'adapter à son nouveau périmètre d'intervention partiellement modifié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1, L. 1222-1, L. 1232-1, L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9, L. 1235-1 et L. 1235-3 du code du travail, alors applicables ;

3°/ que les juges doivent caractériser l'abus commis par l'employeur dans la mise en oeuvre de la clause de mobilité ; qu'en retenant, pour dire que l'employeur avait abusivement mis en oeuvre la clause de mobilité, que le salarié n'avait pas été remplacé et que l'employeur ne justifiait d'aucune injonction à son encontre pour qu'il prenne son poste, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants, et partant a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1, L. 1222-1, L. 1232-1, L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9, L. 1235-1 et L. 1235-3 du code du travail, alors applicables ;

4°/ que les juges sont tenus de répondre aux moyens soulevés par les parties ; qu'en l'espèce, l'employeur faisait valoir et offrait de prouver que le poste refusé par M. C... avait été pourvu par Mme O... qui avait été embauchée au poste de délégué régional prévoyance au sein de la direction déléguée nord, que si en raison d'une optimisation du découpage des secteurs intervenue en 2015 et réalisée en concertation avec les représentants du personnel, le périmètre d'intervention de Mme O... n'était pas strictement identique à celui qui avait été confié à M. C..., il lui était sensiblement similaire, tout comme le nombre d'agences commerciales rattachées à la direction déléguée nord; qu'en se bornant à affirmer que le salarié n'avait pas été remplacé sur le poste qu'il avait refusé, sans à aucun moment prendre le soin de s'expliquer sur l'embauche de Mme O..., la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

5°/ qu'il appartient au salarié de rapporter la preuve de ce que la clause de mobilité a été mise en oeuvre dans des conditions exclusives de la bonne foi contractuelle ; qu'en reprochant à l'employeur de n'avoir produit aucune injonction à l'encontre du salarié pour qu'il prenne son poste, pour dire que la mise en oeuvre de la clause de mobilité était abusive, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et partant a violé les articles L. 1221-1, L. 1222-1, L. 1232-1, L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9, L. 1235-1 et L. 1235-3 du code du travail, alors applicables, ensemble l'article 1315 devenu l'article 1353 du code civil ;

6°/ que les juges ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner et analyser tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en l'espèce, pour établir qu'il avait rappelé à l'ordre le salarié, l'employeur avait produit des échanges de courriels aux termes desquels il avait notamment rappelé le 21 août 2014 au salarié que « conformément à votre courrier et à nos entretiens précédents, vous m'avez de nouveau informé de votre volonté de ne pas vous déplacer sur les secteurs de la direction déléguée Nord-est, exception faite des secteurs de Flandres Artois et Valenciennes. Vous avez bien conscience qu'ainsi vous ne remplissez pas votre mission alors même que la direction déléguée affiche un taux de réalisation de 75 % vs budget à fin juillet » ; qu'en retenant que l'employeur n'avait produit aucune injonction à l'encontre du salarié pour qu'il prenne son poste, sans à aucun moment, ni viser ni analyser serait-ce sommairement les échanges de courriels susvisés, dûment versés aux débats par l'employeur, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

6. La cour d'appel qui, sans inverser la charge de la preuve et sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a relevé, par motifs propres et adoptés, que l'employeur avait mis en oeuvre, le 12 mai 2014, la clause de mobilité contractuelle imposant au salarié une affectation immédiate à la direction Nord Est, sans respecter le délai de prévenance conventionnel d'un mois a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Omnium de gestion et financement aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Omnium de gestion et financement et la condamne à payer à M. C... la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatre mars deux mille vingt.

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