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Entretien préalable à licenciement par téléconférence : est-ce possible ?


En janvier dernier, la Cour d’appel de Grenoble a refusé de reconnaître la validité de la procédure de licenciement par visioconférence, jugeant que les dispositions du Code du travail ne permettent pas un autre mode que la rencontre physique, tout en pointant que l’employeur ne justifiait pas que le salarié aurait donné son accord. Au mois de juin, la Cour d’appel de Versailles quant à elle, a admis le recours à la téléconférence subordonnée à deux conditions : les droits du salarié doivent être respectés et celui-ci doit avoir été en mesure de se défendre utilement. Ainsi, dans l’attente de la position de la Cour de cassation, la question de la validité ou non de l’entretien préalable à licenciement par téléconférence n’est pas encore définitivement tranchée… 

 

Extrait de l’arrêt de la Cour d'appel de Versailles, 6ème Chambre. Pourvoi nº 17/04940.

Rappel des faits constants

La SAS Delphi France, dont le siège social se trouve à Cergy-Pontoise, a pour activité principale la conception et la fabrication d'équipements pour l'automobile. Elle emploie plus de dix salariés et applique la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie du 13 mars 1972. X…, née le 11 décembre 1984, a été engagée par cette société en qualité de chef de produits, statut cadre, selon contrat de travail à durée indéterminée à temps complet du 1er mars 2011, moyennant une rémunération annuelle brute de 42 000 euros versée sur treize mois. Par avenant d'expatriation à effet au 1er février 2014, X… a été promue aux fonctions de Trade Marketing Specialist for Middle East and North Africa (MENA) en détachement à Dubaï. X… a été en congé-maternité du 27 avril au 17 août 2015 puis en congés et en arrêt maladie. Sur l'année 2015, elle a ainsi travaillé du mois de janvier au mois d'avril 2015, au mois de novembre en télétravail et une partie du mois de décembre. Le 5 janvier 2016, X… a été placée en arrêt-maladie pour une durée de trente jours, cet arrêt ayant été renouvelé pour une nouvelle durée de trente jours le 4 février 2016. Après un entretien préalable fixé au 24 février 2016 réalisé par téléconférence, X… s'est vu notifier son licenciement par courrier en date du 29 février 2016, motifs pris d'une insuffisance professionnelle et d'une absence prolongée perturbant le bon déroulement de l'activité de la société.

[…]

MOTIFS DE LA DÉCISION

[…]

Sur la procédure de licenciement X… rappelle que l'entretien préalable s'est tenu par téléphone, la personne qui l'assistait se trouvant en France avec Z… qui représentait l'employeur. Elle soutient qu'elle n'a pas été en mesure de se défendre utilement lors de l'entretien, compte tenu de cette organisation et du refus de sa demande de report et sollicite une indemnité équivalent à un mois de salaire pour non-respect de la procédure.

La SAS Delphi France s'oppose à cette prétention. Elle fait valoir que la convocation, datée du 10 février 2016, a été reçue le 13 février 2016 pour une date d'entretien fixé au 24 février 2016 et que ce n'est que le 23 février, soit la veille de l'entretien que X… en a sollicité le report sur la base de motifs inopérants. Elle souligne que l'entretien a pu se tenir ainsi qu'en témoigne le compte-rendu rédigé par B…. Sur ce, Il résulte des explications des parties que l'entretien préalable s'est tenu par téléphone, X… se trouvant dans les bureaux de Dubai avec E…, Z… à Cergy-Pontoise et B… qui assistait la salariée sur son lieu de villégiature.

Même s'il est de principe que l'entretien se tienne en présence physique des parties, les circonstances de l'espèce, le statut d'expatriée de la salariée et sa localisation à Dubaï, expliquent la décision de l'employeur de recourir à un entretien à distance via une téléconférence. Ces modalités ne constituent pas une irrégularité de procédure dès lors que les droits de la salariée ont été respectés, que celle-ci a été en mesure de se défendre utilement. Tel a été le cas en l'espèce, ainsi que cela résulte du compte rendu d'entretien rédigé par B… (pièce 27 de la salariée). Celui-ci indique en effet dans ce document que l'entretien a duré une heure, que les prises de parole de E… et de Z…, dont le contenu précis est reproduit, ont fait l'objet d'observations et d'interrogations de sa part, X… ayant indiqué qu'elle ne souhaitait pas intervenir, qu'elle réservait sa réponse pour une date ultérieure. Par ailleurs, le refus de la demande de report, présentée la veille et fondée sur le fait que B… était en congés, n'a pas empêché la salariée de se défendre utilement, B… ayant été en mesure de participer à l'entretien.

X… sera déboutée de sa demande présentée sur ce fondement.

[…]

La Cour , statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

PAR CES MOTIFS , INFIRME partiellement le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Cergy-Pontoise le 7 septembre 2017 en ce qu'il a :

- dit que le licenciement notifié à X… était dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- condamné SAS Delphi France à payer à Y… les sommes nettes suivantes, avec intérêts légaux à compter du jugement et capitalisation :

- 40.000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 4.060 euros à titre de dommages-intérêts pour violation de la période de garantie d'emploi, - condamné X… à payer à la SAS Delphi France les sommes nettes suivantes, avec intérêts légaux à compter du jugement et capitalisation : 

- 1.372,65 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice né de l'impossibilité pour la société de se voir rétrocéder par la caisse primaire d'assurance maladie les indemnités journalières qu'elle aurait dû recevoir au titre de la subrogation pour la période du 27 septembre au 27 octobre 2015,

- 11.000 euros à titre de dommages-intérêts résultant du préjudice né du défaut de remboursement des avances sur loyer versées par la société,

Statuant à nouveau, DIT le licenciement de X… par la SAS Delphi France fondé sur une cause réelle et sérieuse et déboute X… de ses demandes subséquentes ;

DÉBOUTE X… de sa demande pour violation de la période de garantie d'emploi ;

CONDAMNE X… à payer à la SAS Delphi France la somme de 16.000 euros à titre de remboursement de l'avance sur loyer versée par la société en janvier 2016 ;

CONFIRME le jugement pour le surplus ;

Y ajoutant, DONNE acte aux parties que la SAS Delphi France a été remboursée des indemnités journalières qu'elle a avancées à la salariée pour la période du 27 septembre au 27 octobre 2015 ;

DONNE acte aux parties que X… a restitué le matériel réclamé ;

CONDAMNE X… à payer à la SAS Delphi France une somme de 500 euros à titre de dommages-intérêts au titre du retard ;

CONDAMNE X… à payer à la SAS Delphi France une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE X… de sa demande présentée sur le même fondement ;

CONDAMNE X… au paiement des entiers dépens ;

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