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Harcèlement moral : la mauvaise foi du salarié peut être caractérisée par les juges


Un salarié conteste aux prud’hommes son licenciement au motif qu’il serait en lien avec le fait d’avoir dénoncé des faits de harcèlement moral à son encontre. La Cour d’appel puis la Cour de cassation lui donnent tort constatant sa mauvaise foi par des contradictions entre ses paroles et ses actes. Même si la mauvaise foi n’avait pas été explicitement invoquée par l’employeur dans la lettre de licenciement, les juges ont considéré que cette question était dans le débat et qualifié les faits invoqués puisque l’employeur reprochait malgré tout au salarié ses « accusations de harcèlement/dénigrement (…) graves, de surcroît sans fondement ni lien avec la réalité ».

Extrait de l’arrêt de la Cour de cassation, civile, Chambre sociale, du 16 septembre 2020. Pourvoi n° : […]

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 2 novembre 2018), engagé le 6 juin 2011 par la société Alten Sud-Ouest en qualité d'ingénieur d'études, M. D... a été licencié le 6 novembre 2015.

2. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale pour faire juger son licenciement nul en application des dispositions de l'article L. 1152-3 du code du travail, ordonner sa réintégration et condamner l'employeur au paiement de diverses sommes.

Enoncé du moyen

3. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en nullité du licenciement et de sa demande subséquente de réintégration, alors :

« 1°/ que le grief tiré de la relation des agissements de harcèlement moral par le salarié, dont la mauvaise foi n'est pas alléguée, emporte à lui seul la nullité de plein droit du licenciement ; que la lettre de licenciement fixe les limites du litige ; qu'en considérant que M. D... avait dénoncé des faits qu'il savait inexistants de harcèlement moral en persistant à reprocher mensongèrement à l'employeur de ne pas lui avoir donné "pendant plusieurs mois" les motifs de sa sortie de mission, cependant qu'il résultait de la lecture de la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, que l'employeur avait, de son propre aveu, reconnu la bonne foi du salarié en énonçant que "vos accusations de harcèlement/dénigrement (dont vous semblez vous-même dans certains de vos écrits, douter de leur caractère approprié à la situation) sont des accusations graves, de surcroît sans aucun fondement ni lien avec la réalité des faits qu'il convient de ne pas utiliser de manière inconsidérée", ce dont il résultait que la lettre de licenciement n'invoquait pas la mauvaise foi du salarié dans sa relation d'agissements de harcèlement moral mais simplement que ceux-ci ne seraient pas avérés et que le salarié lui-même hésitait quant à la qualification adéquate, ce qui était exclusif de toute mauvaise foi, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail, ensemble l'article L. 1232-6 du même code ;

2°/ qu'en toute hypothèse aucun salarié ne peut être licencié pour avoir témoigné ou pour avoir relaté des faits de harcèlement moral ; que toute rupture intervenue en méconnaissance de ces principes est nulle ; qu'il s'en déduit que le salarié qui relate des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, sauf mauvaise foi, laquelle doit être caractérisée et ne peut résulter que de la connaissance par le salarié de la fausseté des faits qu'il dénonce et d'une intention de nuire ; qu'en énonçant, pour débouter M. D... de ses demandes, que la connaissance qu'il avait de la fausseté de ses allégations se déduisait de la contradiction existant entre son souhait affiché d'obtenir des explications sur les motifs de son retrait de mission et son refus persistant de s'expliquer loyalement avec l'employeur sur lesdits motifs qu'il était en droit d'estimer infondés, en alléguant d'un danger potentiel et inexistant, la cour d'appel qui s'est prononcée par des motifs impropres à caractériser la mauvaise foi du salarié, a violé les articles L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail ;

3°/ qu'en toute hypothèse aucun salarié ne peut être licencié pour avoir témoigné ou pour avoir relaté des faits de harcèlement moral ; que toute rupture intervenue en méconnaissance de ces principes est nulle ; qu'il s'en déduit que le salarié qui relate des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, sauf mauvaise foi, laquelle doit être caractérisée et ne peut résulter que de la connaissance par le salarié de la fausseté des faits qu'il dénonce ; qu'en énonçant, pour débouter M. D... de ses demandes, que le caractère répétitif et incantatoire des remerciements qu'il adressait à l'employeur et l'expression réitérée de sa volonté d'ouverture au dialogue permettaient de se convaincre de sa mauvaise foi, dès lors qu'il mettait en réalité en échec toutes les tentatives de l'employeur de parvenir à une communication constructive, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs impropres à caractériser la mauvaise foi du salarié et a violé les articles L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail. »

Réponse de la Cour

4. Aux termes de l'article L. 1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés. Selon l'article L. 1152-3 du même code, toute rupture de contrat de travail intervenue en méconnaissance des articles L. 1152-1 et L. 1152-2 du code du travail, toute disposition ou tout acte contraire est nul. Il s'en déduit que le salarié qui relate des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter que de la connaissance par le salarié de la fausseté des faits qu'il dénonce.

5. La cour d'appel a constaté que le salarié avait persisté à reprocher mensongèrement à l'employeur de ne pas lui avoir donné « pendant plusieurs mois » les motifs de sa sortie de mission alors qu'ils avaient été portés à sa connaissance par écrit le 1er juin 2015, qu'il était à l'origine du blocage de toute communication sur ce point et qu'en dénonçant des faits qu'il savait inexistants de harcèlement moral, l'intéressé, déniant tout pouvoir d'appréciation de l'employeur sur son comportement et sur son travail, avait adopté une stratégie lui permettant de se soustraire aux différents entretiens qui étaient fixés par l'employeur et à la discussion contradictoire qu'il appelait pourtant de ses voeux. Elle a également retenu que la connaissance que le salarié avait de la fausseté de ses allégations de harcèlement moral se déduisait, d'une part de la contradiction existant entre son souhait affiché d'obtenir des explications sur les motifs de son retrait de mission et son refus persistant de s'expliquer loyalement avec l'employeur sur lesdits motifs, d'autre part du caractère répétitif des remerciements qu'il avait adressés à l'employeur et de l'expression réitérée de sa volonté d'ouverture au dialogue, alors qu'il avait mis en réalité en échec toutes les tentatives de l'employeur de parvenir à une communication constructive en refusant d'honorer tous les rendez-vous qui lui étaient donnés au mépris de ses obligations contractuelles.

6. La cour d'appel a ainsi caractérisé la mauvaise foi du salarié dans la dénonciation des faits de harcèlement moral.

7. Le moyen, inopérant en sa première branche, en ce que l'absence éventuelle dans la lettre de licenciement de mention de la mauvaise foi avec laquelle le salarié a relaté des agissements de harcèlement moral n'est pas exclusive de la mauvaise foi de l'intéressé, laquelle peut être alléguée par l'employeur devant le juge, n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. D... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize septembre deux mille vingt.

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