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Le réseau Shelburn


Pendant la Seconde Guerre mondiale, plus de 10 000 avions alliés tombent sur le sol français. De 1943 à 1944, le Réseau Shelburn est mis en place par les alliés et la Résistance Française pour évacuer les aviateurs vers l’Angleterre. Dans les Côtes du Nord, à Plouha, Marie-Thérèse Le Calvez, résistante depuis les premiers jours de l’occupation, va mettre son courage au service de la liberté. Baignée entre incertitude et désespoir, quel prix devra-t-elle payer pour que l’opération soit une réussite ?

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Entretien avec Nicolas Guillou

Quelle a été la genèse de ce film ?
J’ai toujours été attaché à l’histoire. Lorsque je suis allé à Paris me former au cours Florent, je lui ai consacré mes premières pièces de théâtre, notamment sur le legs d’après-guerre. C’était tout d’abord une envie de témoigner de cette période de l’histoire de France. Une envie devenue indispensable et évidente lorsque j’ai été papa : rappeler que notre liberté actuelle, nous la devons à ces résistants qui ont lutté contre un régime totalitaire et œuvré pour rendre à la France sa liberté. Je voulais rappeler la mémoire de ces personnes alors en plein désespoir, le courage de ces femmes et de ces hommes, leur héroïsme et leur humanité. L’idée du Réseau Shelburn est née de la rencontre avec les trois résistantes de Plouha : Marie-Gicquel, Anne Ropers et Marguerite Le Saux. Ce sont des personnes d’une gentillesse incroyable et d’une mémoire fabuleuse, avec le sens du détail. En échangeant avec elles, je ressentais leurs vies et j’ai eu envie de leur rendre hommage par un film. D’où mon envie de dresser un portrait de femme dans la Résistance, les histoires de cette période étant souvent portées par des hommes.

Comment avez-vous choisi de traiter du réseau Shelburn ?
En rentrant dans l’histoire du réseau, je me suis aperçu qu’il y avait une femme assez incroyable et plus présente. Il s’agit de Marie-Thérèse Le Calvez, l’une des premières femmes à Plouha à être entrée dans le réseau. Puis, elle a rencontré le chef de la Résistance, François Le Cornec. Dès lors, elle a commencé à héberger et convoyer des aviateurs anglais. Par ailleurs, encore adolescente, elle confectionnait de faux papiers d'identité en ayant accès à la mairie. Elle a participé à toutes les missions, elle y était totalement impliquée. J’ai donc choisi de témoigner au travers de sa propre histoire.

Quelles ont été les contraintes du tournage ?
Il y a eu deux contraintes, la première entraînant la seconde. Nos moyens financiers restreints nous ont contraints à étaler notre production sur plusieurs années de tournage. D’où une conséquence immédiate, la gestion du temps long : notre tournage a dû se dérouler de novembre 2014 à janvier 2018. Mais nous avions le capital cinématographique (matériel, caméras, camions de tournage) et le capital humain, avec une équipe très motivée ! De ces contraintes, nous avons fait une force, on nous a fait de plus en plus confiance et nous avons pu tourner sur des lieux incroyables. Grâce à un partenariat avec le ministère de la Défense, nous avons notamment été autorisés à tourner aux Invalides à Paris. Un lieu emblématique où étaient cachés les aviateurs pris en charge par le réseau Shelburn. Au final, notre projet est devenu plus visible et a fédéré un nombre incroyable d’énergies. Parmi les autres difficultés rencontrées, ce calendrier de tournage particulièrement étiré a joué sur l’identification des saisons dans le film. D’où des scènes de plein été, tournées en plein hiver avec un soleil incroyable, dans un froid incroyable ! Cela a été compliqué de retrouver les mêmes conditions, mais de façon extraordinaire, on a eu un temps favorable. Autre problème, les enfants associés aux premiers mois de tournage ont grandi, ce qui complexifiait les raccords. Enfin, le dernier challenge du tournage du Réseau Shelburn fut de créer des effets spéciaux, notamment pour les combats aériens et le tournage dans le Boeing B-17. Nous avions une petite équipe avec des prises de vues très techniques, demandant beaucoup plus de préparation que dans mes précédents films. Le temps jouait contre nous : nous n’avions que quelques jours pour les réaliser et chaque plan demandait davantage de préparation. Au final, les images sont une belle réussite.

Était-ce important, selon vous, de tourner sur les lieux de l’action ?
Oui, à double titre. C’était important de montrer ces lieux, parce qu’ils sont chargés en émotion et révélateurs de notre histoire. Presque 90 ans plus tard, ce sont les lieux qui restent les témoins les plus nombreux. Lorsqu’on se rend à la plage Bonaparte à Plouha et que l’on observe les falaises, cela permet de comprendre l’héroïsme de l’action des résistants. Ce fut la même chose aux Invalides à Paris, l’un des lieux liés à l’histoire du réseau Shelburn. On s’imprègne de l’histoire de M. Morin, membre du réseau Shelburn. Avec sa famille, il hébergeait des aviateurs au nez et à la barbe des Allemands qui occupaient le bâtiment. Les lieux sont des portes vers l’histoire, qui permettent de mieux la comprendre et de s’en imprégner, avec une dimension émotionnelle qui nous dépasse et nous encourage à en savoir plus.

Quel a été l'accueil lorsque vous vous êtes lancé dans ce projet ?
La plus grande surprise a été de découvrir le nombre de passionnés d’histoire sur le territoire. Lorsqu’on a décidé de mettre le projet en route, énormément de personnes nous ont proposé leur aide sous toutes les formes : lieux, décors naturels, costumes, véhicules, matériel, accessoires… Plus de 500 figurants et 2  000 bénévoles ont participé  ! Les collectionneurs et les musées nous ont soutenus. Les musées de la Résistance en particulier nous ont aidés, les structures officielles également, notamment l’ONAC (Office National des Anciens Combattants). Grâce à eux, l’impossible devenait possible. Au final, ce tournage nous a permis de fédérer et de rassembler autour d’une belle cause.

Quel message souhaitez-vous transmettre à travers ce film ?
Par cette aventure cinématographique, on galvanise les énergies sur des projets très ambitieux, au service d’une cause : la mémoire des personnes qui ont œuvré pour la liberté. Il n’y a pas de petite personne, de petite action. Ce projet, révèle la place de chacun, tous, maillon d’une chaîne. Tout le monde s’est senti investi par le sujet et par le fait d’être ensemble. Cela montre l’importance de notre histoire, de nos racines, pour construire le futur et cela encore une fois, ensemble.

Drame, guerre français de Nicolas Guillou. 4,3 étoiles sur AlloCiné.

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