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Une offre acceptée de contrat travail lie les parties


Lors d’échanges d’e-mails avec l’agent d’un entraineur en vue de son embauche, un club de rugby donne des précisions sur l’emploi proposé, la rémunération et la période d’engagement envisagée. L’entraineur, via son agent, accepte l’offre par retour de mail mais le club ne donne pas suite. Considérant avoir été recruté, l’entraineur saisi les prud’hommes pour rupture anticipée abusive. La Cour d’appel puis la Cour de cassation lui donnent raison : depuis l'acceptation de l’offre, les parties étaient liées par un contrat de travail que le club ne pouvait ultérieurement remettre en cause.

Extrait de l’arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 23 septembre 2020. Pourvoi n° : 18-22.188.

[…]

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Agen, 15 mai 2018), M. X..., considérant avoir, en suite d'un échange de courriels du 26 février 2016, été engagé en qualité d'entraîneur principal de l'équipe de rugby de la société Sporting Union Agen Lot-et-Garonne (le SUA), a saisi la juridiction prud'homale afin d'obtenir notamment la condamnation de cette société à lui payer une indemnité forfaitaire de rupture anticipée abusive de son contrat de travail à durée déterminée.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses troisième à septième branches, et sur le second moyen, ci-après annexés

2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en ses première et deuxième branches.
Enoncé du moyen.

3. Le SUA fait grief à l'arrêt de dire que M. X... était lié à lui par un contrat de travail à durée déterminée sur une période de 24 mois, contrat qui a été rompu de manière abusive par le club, et de le condamner à payer à l'intéressé une somme de 169 401,60 euros à titre de dommages-intérêts ainsi qu'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, alors :

« 1°/ que la promesse unilatérale de contrat de travail est le contrat par lequel une partie, le promettant, accorde à l'autre, le bénéficiaire, le droit d'opter pour la conclusion d'un contrat de travail, dont l'emploi, la rémunération et la date d'entrée en fonction sont déterminés, et pour la formation duquel ne manque que le consentement du bénéficiaire ; que l'offre de contrat est l'acte par lequel un employeur propose un engagement précisant l'emploi, la rémunération et la date d'entrée en fonction et exprime la volonté de son auteur d'être lié en cas d'acceptation ; que ne caractérise ni une offre de contrat de travail, ni une promesse unilatérale de contrat de travail, l'acte qui, indépendamment des mentions relatives à l'emploi et à la rémunération, ne précise pas la date d'entrée en fonction ; que la cour d'appel a énoncé que « force est de constater que [la] proposition [du 26 février 2016] précise bien l'emploi, la rémunération et la période d'engagement envisagée - ce dont il peut se déduire la date d'entrée en fonction » ; qu'il résultait des constations de la cour d'appel que la date d'entrée en fonction de M. X... n'était pas déterminée ; qu'en retenant l'existence d'un contrat de travail, la cour d'appel a violé l'article L. 1221-1 du code du travail, ensemble l'article 1134, devenu l'article 1103 du code civil ;

2°/ que la promesse unilatérale de contrat de travail est le contrat par lequel une partie, le promettant, accorde à l'autre, le bénéficiaire, le droit d'opter pour la conclusion d'un contrat de travail, dont l'emploi, la rémunération et la date d'entrée en fonction sont déterminés, et pour la formation duquel ne manque que le consentement du bénéficiaire ; qu'il était constant que le 26 février 2016 à 12h46, M. R... avait adressé un courriel à l'agent de M. X... exposant "cet e-mail n'est qu'une proposition et non pas un contrat d'engagement, celui-ci fera l'objet d'un contrat définitif assigné par le futur entraîneur et le club" et qu'à la même date, à 15h04 était transmis par M. R..., président du conseil de surveillance du club, à M. W..., agent de M. X..., un document rédigé comme suit :

"Contrat d'entraîneur principal de deux ans pour les saisons 2016-2017 et 2017-2018 avec une option pour la troisième année à valider avant le 31 janvier 2018.

En PRO D2

- 6 000 euros brut mensuel ;
- voiture de club ;
- participation de 800 euros brut mensuel pour la maison ;
- remboursement du déménagement sur présentation de trois devis et facture finale

Pour la prime, elle sera de 12 keuros brut et payée de la façon suivante :

-100 % de la prime si 1er du classement à l'issue de la saison régulière 
- 60 % si dans les trois premiers et montée en Top 14
- 30 % si dans les cinq premiers et montée en Top 14

En TOP 14

- 8 800 euros brut mensuel ;
- voiture de club ;
- remboursement du déménagement sur présentation de trois devis et facture finale.

Pour la prime, elle sera de 15 keuros brut payée de façon suivante :

- 100 % de la prime si maintien à l'issue de la saison régulière" ;

qu'il résulte des deux courriels précités qu'aucun droit d'option n'était prévu au titre du contrat principal d'entraîneur de deux ans ; qu'en retenant l'existence d'un contrat de travail, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article L. 1221-1 du code du travail, ensemble l'article 1134, devenu l'article 1103 du code civil. »

Réponse de la Cour

4. L'acte par lequel un employeur propose un engagement précisant l'emploi, la rémunération et la date d'entrée en fonction et exprime la volonté de son auteur d'être lié en cas d'acceptation constitue une offre de contrat de travail, qui peut être librement rétractée tant qu'elle n'est pas parvenue à son destinataire. La rétractation de l'offre avant l'expiration du délai fixé par son auteur ou, à défaut, l'issue d'un délai raisonnable, fait obstacle à la conclusion du contrat de travail et engage la responsabilité extra-contractuelle de son auteur.

5. En revanche, la promesse unilatérale de contrat de travail est le contrat par lequel une partie, le promettant, accorde à l'autre, le bénéficiaire, le droit d'opter pour la conclusion d'un contrat de travail, dont l'emploi, la rémunération et la date d'entrée en fonction sont déterminés, et pour la formation duquel ne manque que le consentement du bénéficiaire. La révocation de la promesse pendant le temps laissé au bénéficiaire pour opter n'empêche pas la formation du contrat de travail promis.

6. La cour d'appel, après avoir relevé que le courriel de M. R... du 26 février 2016 à 15h04 précisait l'emploi, la rémunération et la période d'engagement envisagée, et donc la date d'entrée en fonction de l'intéressé, ce dont il résultait qu'il constituait une offre de contrat de travail, a constaté que cette offre avait été acceptée par un courriel du représentant de M. X... du 26 février à 17h48. Elle en a exactement déduit que depuis l'acceptation de cette offre, les parties étaient liées par un contrat de travail à durée déterminée que le club employeur ne pouvait ultérieurement remettre en cause.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Sporting Union Agen Lot-et-Garonne aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Sporting Union Agen Lot-et-Garonne et la condamne à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois septembre deux mille vingt.

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