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Sanction du manque de respect d’un employeur vis-à-vis d’un salarié


Un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat au motif  que son employeur s’était, à plusieurs reprises, adressé à lui dans des conditions bafouant son droit au respect. La Cour d’appel et la Cour de cassation donnent raison au salarié estimant que le manquement de l’employeur était d’une gravité telle qu’il faisait obstacle à la poursuite du contrat de travail...

Extrait de l’arrêt de la cour de cassation, chambre sociale, du 18 mars 2020.
Pourvoi n° : 18-25.168.

La société Sajaloc, société par actions simplifiée, dont le siège est […] , a formé le pourvoi n° D 18-25.168 contre l’arrêt rendu le 23 octobre 2018 par la cour d’appel de Paris (pôle 6, chambre 11), dans le litige l’opposant à M. P… J…, domicilié […] , défendeur à la cassation.

[…]

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l’arrêt attaqué ( Paris, 23 octobre 2018), que M. J… a été engagé par la société Sajaloc le 1er septembre 2007 en qualité de chef de service/directeur commercial/directeur marketing et communication ; que par avenant du 3 mai 2011, il a été promu directeur opérationnel Sajaloc ; que le 11 mai 2015, il a saisi la juridiction prud’homale d’une demande de résiliation du contrat de travail ; que le 28 février 2018, il a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement ;

Attendu que l’employeur fait grief à l’arrêt de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail et de le condamner au paiement d’une indemnité compensatrice de préavis outre congés payés afférents et des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :

1°/ que la mention d’une convention de forfait dans le contrat de travail du salarié est exclusive de la qualité de cadre dirigeant, les juges n’ayant dès lors pas à rechercher si les fonctions réellement exercées par le salarié pourraient lui conférer la qualité de cadre dirigeant ; qu’en retenant, pour considérer que la clause de l’avenant contractuel relative à une convention de forfait assis sur un salaire mensuel ne suffisait pas, à elle seule, à contredire la qualité de cadre dirigeant de M. J…, qu’elle était isolée et que cette qualité était opérante au vu du cumul des trois critères, tels que la présence de responsabilités importantes dans l’exercice de sa fonction impliquant une grande indépendance dans l’organisation de son emploi du temps, cette indépendance pouvant s’exercer même en présence d’une convention de forfait, un pouvoir de décision largement autonome et un niveau élevé de rémunération, tout en relevant que cette stipulation n’était pas conforme à la qualité de cadre dirigeant, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations desquelles il résultait que la convention de forfait mensuel à laquelle était soumis le salarié, était exclusive de sa qualité de cadre dirigeant et a violé l’article L. 3111-2 du code du travail ;

2°/ que subsidiairement, nonobstant les stipulations du contrat de travail, le juge est tenu, pour se prononcer sur la qualité de cadre dirigeant d’un salarié, d’examiner sa situation au regard des trois critères légaux cumulatifs de l’article L. 3111-2 du code du travail selon lequel sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant, les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l’importance implique une grande indépendance dans l’organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement ; qu’en énonçant, pour retenir la qualité de cadre dirigeant de M. J…, que l’avenant à son contrat de travail prévoyait des attributions et des délégations de pouvoirs conformes à la qualité de cadre dirigeant, tout en constatant que le salarié, en sus d’être soumis à une convention de forfait, devait rendre compte mensuellement à M. X…, dirigeant légal de la société Sajaloc de son activité et sans délai pour les événements déterminants pour la poursuite de l’activité de cette dernière, ce dont il résultait que M. J… qui était soumis à une convention de forfait, ne bénéficiait ni d’une indépendance dans l’organisation de son emploi du temps, ni d’une autonomie de décision, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l’article L. 3111-2 du code du travail ;

3°/ qu’en tout état de cause, en se bornant à déduire la qualité de cadre dirigeant de M. J… des attributions et délégations de pouvoirs que l’avenant de son contrat de travail lui confiait et de son niveau élevé de rémunération, sans même relever que la rémunération du salarié se situait parmi les plus élevées des systèmes de rémunération pratiqués dans son entreprise ou établissement, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 3111-2 du code du travail ;

4°/ que subsidiairement, seul un manquement suffisamment grave de l’employeur, qui empêche la poursuite du contrat de travail, peut justifier une prise d’acte de la rupture du contrat de travail par le salarié ; qu’en affirmant, pour prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. J… aux torts de la société Sajaloc, que les manquements de cette dernière relatifs aux violation du statut de cadre dirigeant du salarié et aux propos inadaptés qu’il avait subis, était d’une gravité telle qu’ils faisaient obstacle à la poursuite du contrat de travail, sans spécifier en quoi ce comportement était de nature à faire obstacle à la poursuite du travail, la cour d’appel a violé les articles L. 1231-1, L. 1235-1 du code du travail ;

Mais attendu que la cour d’appel, qui a retenu que l’employeur s’était, à plusieurs reprises, adressé au salarié dans des conditions bafouant son droit au respect, ce dont elle a déduit que le manquement était d’une gravité telle qu’il faisait obstacle à la poursuite du contrat de travail a, par ces seuls motifs et sans encourir la critique de la quatrième branche, justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Sajaloc aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Sajaloc et la condamne à payer à M. J… la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit mars deux mille vingt. […]

Extrait des moyens :

« que la cour constate en effet M. X… s’adressait à M. J… dans des conditions bafouant son droit au respect quand il lui écrit le 9 décembre 2014 « qu’est-ce que vous attendez pour aller récupérer le camion ? » (pièce n° 32 salarié), le 22 janvier 2015 « Je ne peux qu’être atterré par la mauvaise foi dont vous faites preuve en tentant de déplacer votre incompétence sur le terrain des risques psychosociaux » (pièce n° 15 salarié) ; qu’il en est de même quand M. X… écrit à M. J… les courriers électroniques suivants avec copie à d’autres salariés de la société Sajaloc : ainsi le 29 octobre 2012 « Je ne me sens pas l’âme du commandant du Titanic. Je sais d’où nous venons et où nous sommes. Bougez-vous le cul, fort et vite » avant d’ajouter quelques minutes plus tard « Si j’oubliais, n’oubliez pas celui de vos collaborateurs avec le vôtre » (pièce n° 20 salarié), le 15 novembre 2014 « ça, c’est une belle action marketing. Pour vous dépoussiérer la mémoire, je vous réclame la même depuis combien d’années ? » (pièce n° 25 salarié), le 28 novembre 2014, « quand je vois comment vous animez les équipes commerciales de nos concessions au travers des coaching au rapport, de la news letter, du challenge Noël etc. . . je me dis que c’est grave » (pièce n° 28 salarié), le 18 décembre 2014, « C’est au patron de prendre la décision finale, c’est pour cela qu’il est payé. Les autres s’appellent des chefs de service. Ils dirigent mais ne valident pas. Ils sont rémunérés cadre niveau III » (pièce n° 33 salarié) et quand M. X… a dit à M. J… sans que cela soit contesté « vous ne travaillez pas assez, vous devrez travailler plus, je vous le répète encore. Décidément, vous n’êtes pas câblé comme un chef d’entreprise… juste comme un chef de service. Peut-être y arriverez-vous un jour ? » (pièce n° 14 salarié) ; »

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