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The climb


Kyle et Mike sont deux meilleurs amis aux tempéraments très différents mais dont l’amitié a toujours résisté aux épreuves de la vie. Jusqu’au jour où Mike couche avec la fiancée de Kyle… Alors que l’amitié qui les lie aurait dû être irrémédiablement rompue, un événement dramatique va les réunir à nouveau.

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Entretien avec Michael Angelo Covino et Kyle Marvin

Comment vous êtes-vous rencontrés ?
MC : On s'est rencontrés il y a dix ans à New York en tournant des spots publicitaires. J'avais fait des études de cinéma à l'université et je voulais faire des films, mais je voulais aussi gagner ma vie ! Du coup, on a fini par tourner pas mal de publicités. L'aspect positif de cette expérience, c'est qu'on a pu apprendre les ficelles du métier tout en se faisant payer.

À quel moment avez-vous décidé de faire un film ?
MC : Comme on tournait beaucoup de publicités, on s'était constitué un formidable réseau d'amis et de réalisateurs et techniciens avec qui on travaillait. J'ai écrit un long métrage avec un copain à nous, Sam Kretchmar, et on a décidé de tourner une bande-annonce du film. Grâce à cette bande-annonce, on a réuni des financements et tourné notre premier long métrage, KEEP IN TOUCH. Ensuite, on a eu la chance de pouvoir travailler avec le même financeur sur plusieurs autres projets. Avec Kyle, on assurait toujours la production parce qu'on était entourés de réalisateurs talentueux avec qui on souhaitait travailler. Le court métrage THE CLIMB était l'occasion de mettre en œuvre une de nos idées, de A à Z.

Comment est né ce court métrage ?
MC : Il est d'abord né du fait que j'aie totalement confiance dans les qualités d'acteur de Kyle et que je voulais trouver un projet qui s'appuie dans une large mesure sur le jeu d'un comédien. Le défi consistait à savoir si on pouvait réaliser un court métrage captivant et drôle en ne filmant que nous deux en train de parler. Nous sommes allés dans beaucoup de festivals et les courts métrages qui me plaisent le plus sont ceux qui reposent sur une idée et qui sont très bien mis en scène : ils sont concis, simples et ne dépassent jamais dix minutes.

Comment avez-vous eu l'idée de faire intervenir la balade à vélo dans le court et le long métrage ?
MC : Je pratique le cyclisme depuis cinq ou six ans et je fais pas mal de balades. Quand on fait du vélo, on a le temps de réfléchir. Je me suis aussi retrouvé confronté à un de mes plus proches amis qui avait couché avec mon ex-petite copine – et j'ai repensé à ça au cours d'une balade à vélo. C'est comme ça qu'est né le court métrage.

KM : Avant de tourner le court métrage, je n'avais pas refait de vélo depuis l'adolescence. En nous attelant au développement du long, on s'est remis à pratiquer  le vélo sérieusement et on profitait de ces moments-là pour faire une pause dans notre travail d'écriture et évoquer quelques idées entre nous.

Pourquoi avez-vous choisi de situer la première séquence en France ?
MC : Nos personnages sont prisonniers du passé : ils s'y accrochent et l'idéalisent, comme on le fait souvent en amour. On voulait qu'au début du film ils se retrouvent dans un endroit sur lequel ils seraient amenés à fantasmer et qui hanterait leur subconscient tout au long de l'histoire. J'ai de la famille en France et j'y ai passé pas mal de temps – et par ailleurs, mon ex-petite amie est française. J'ai découvert une passion et une fierté chez beaucoup de Français, et dans la culture française en général, que je trouve magnifique. Par ailleurs, je tenais vraiment à avoir un prétexte pour faire du vélo dans le sud de la France.

À quel moment avez-vous décidé de transposer le court en long métrage ?
MC : Après que notre court métrage a été sélectionné à Sundance, tout a changé. On savait que si on mettait en place une solide préparation, on pouvait transformer le court en un film de plus grande ampleur. Nous avions tous les deux déjà écrit quelques longs métrages, et nous avions développé, en tant que producteurs, plusieurs projets qui n'attendaient que d'être financés. Mais nous avons décidé de les mettre tous en suspens et de voir si nous pouvions développer une intrigue à partir du court métrage.

KM : Nous avons sans doute imaginé une dizaine d'intrigues à partir du court, mais quand nous avons fini par retenir celle-ci, on était certains qu'il s'agissait d'un film qu'on n'avait pas déjà vu – au moins dans un contexte contemporain.

Dans quelle mesure le film s'inspire-t-il de votre amitié ?
MC : Il s'en inspire beaucoup ! C'est un élément qu'on pensait pouvoir transposer facilement dans le film : c'était, nous semblait-il, l'enjeu émotionnel majeur qui permettait au spectateur de s'attacher aux personnages et, dans le même temps, de les voir commettre des actes peu reluisants.

Pouvez-vous me parler de votre amitié dans la vraie vie ?
KM : C'est comme un mariage dans la mesure où nos caractères, à certains égards, se complètent.

MC : Dans les deux films, on retrouve certains de nos traits de caractère mais poussés à l'extrême qui, d'ailleurs, ne sont pas forcément nos traits les plus sympathiques… Je ne suis pas un tel connard dans la vie, et Kyle ne se laisse pas autant marcher dessus !

KM : Mais il y a quand même un peu de vrai dans tout ça.  

Il y a plusieurs plans qui, de toute évidence, ont été soigneusement chorégraphiés. Quelles difficultés avez-vous rencontrées en filmant la réunion de famille 
KM : Les enjeux étaient très élevés pour les acteurs, qu'il s'agisse du moment où les personnages se curent le nez ou attrapent un chien…

MC : La séquence de Thanksgiving, où on fait connaissance de la famille, est la clé de voûte de l'ensemble : si elle n'était pas réussie, le film ne pouvait pas fonctionner. Le spectateur doit parfaitement cerner cet univers, les relations entre les membres de la famille, la pression qu'ils ressentent, l'amour qui les unit, leur confort – il fallait tout cerner en une seule scène ou, sinon, tout risquait de tomber à plat. Le plus difficile, c'est que chaque comédien n'avait qu'une ligne ou deux de dialogue, et qu'il fallait donc résoudre ce problème en mettant en avant la facette la plus forte de la personnalité de nos personnages – sa nature profonde. Puis, il s'agissait d'adopter ce parti-pris à chaque plan. Le plus difficile pour les acteurs dans cette séquence, c'était de trouver le rythme car on montait le film pendant le tournage.

Comment avez-vous réussi à diriger autant d'acteurs pour cette scène ?
MC : C'était le meilleur jour pour moi en tant que metteur en scène car je ne suis pas à l'image – c'est d'ailleurs le seul jour où j'ai vraiment pu m'attacher à la direction d'acteur, parce que, sinon, j'étais obligé de me diriger moi-même : il fallait que je me glisse dans la peau du personnage tout en ayant l'esprit suffisamment disponible pour analyser le jeu des acteurs et leur donner quelques consignes. Pour la scène de Thanksgiving, il fallait donner le sentiment du mouvement et se concentrer sur le rythme et la cadence parce qu'on montait les images en même temps.

Avez-vous répété la scène avec les acteurs en amont du tournage ?
MC : Il fallait que cette scène soit fluide et dense pour qu'elle semble réaliste. Pendant qu'on tournait, j'étais présent sur le plateau, en lisant tous les dialogues avec les comédiens. Je désignais tel ou tel acteur et lui indiquais à quel moment prononcer telle ou telle réplique, et je dirigeais les comédiens pour leur dire à quel moment se sauter à la gorge. Du coup, ils pouvaient s'entraîner deux ou trois fois et trouver ainsi le bon tempo.

Quelles sont les sources d'inspiration du film ?
MC : Dès qu'on s'est attelés à ce film, on s'est mis à regarder tout ce qu'on pouvait. On avait déjà vu la plupart des films qu'on est censé connaître – ceux de Truffaut, Godard, Agnès Varda, Éric Rohmer… Mais dès qu'on s'est vraiment mis au travail, toutes ces références ont pris leur sens. Il y a une vraie tradition cinématographique en France et il y a beaucoup de cinéastes dont on peut s'inspirer. Mais on tenait à transposer ces sources d'inspiration dans un contexte contemporain. Des réalisateurs comme Claude Sautet et Bertrand Tavernier ont été des révélations pour nous. Dans notre film, il y a une scène qui se déroule dans une salle de cinéma où nous rendons hommage à Pierre Étaix : c'est LE GRAND AMOUR qui est projeté.

KM : Il y a une sensibilité française dans le film. Il y a un instinct cinéphile chez les réalisateurs français, dans leurs mouvements d'appareil et dans les dialogues de leurs personnages, qui est totalement aux antipodes de ce que je connais de la culture américaine.

MC : Quand on voit ces films, on est bluffé par les choix audacieux de ces cinéastes. 8

KM : Il y a une vérité et une liberté dans ces films qui nous ont vraiment inspirés.

Pourquoi avez-vous choisi de découper le film, qui se déroule sur plusieurs années, en chapitres ?
MC : On voulait découper le film et s'éloigner d'une construction narrative classique. Le spectateur est extrêmement intelligent et il est capable de décrypter les ellipses et de comprendre, par exemple, ce qui se passe d'une année à l'autre et qui reste hors champ. Dans une scène de sept minutes entre deux personnages, on peut en apprendre beaucoup sur ce qui s'est passé sans révéler tout ce qui s'est déroulé dans l'intervalle. Quand je regarde une scène, j'adore essayer de comprendre comment on est arrivé là : tout à coup, on se dit "ah, voilà ce qui s'est passé ! C'est donc dans ce sens que les rapports entre les personnages ont évolué !" La vie, parfois, se passe comme ça.

Comment pourriez-vous décrire les personnages que vous incarnez ?
MC : Au fond, mon personnage est un type bien, mais il est égoïste et égocentré. Il en est conscient et il a tendance à ne pas se faire de cadeaux à cause de ça. Il est aussi grossier et odieux par moments, mais – en tout cas, je l'espère – il a un côté attachant. Il essaie toujours de bien se comporter.

KM : Je crois qu'on connaît tous quelqu'un comme mon personnage, celui qui cherche toujours à apaiser les esprits et à arrondir les angles – et qui préfère avoir la paix autour de lui. Parfois, avec ce genre d'attitude, on peut en venir à ne pas remarquer certaines choses ou qualités chez les autres. Mais je pense qu'il essaie de voir ce qu'il y a de mieux chez les gens – et qu'au bout du compte il y parvient, et que les bonnes choses prennent le pas sur les mauvaises.

MC : Cette attitude lui vaut l'admiration de son entourage, mais les gens en profitent.

Drame, comédie américaine  de Michael Angelo Covino. 3,8 étoiles sur AlloCiné. 1 prix et 5 nominations au Festival du Cinéma Américain de Deauville 2019 (Edition 45). 1 prix et 6 nominations au Festival de Cannes 2019 (Edition 72).

 

 

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