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Une banque peut retirer son concours à une entreprise sans préavis


Un agent d’assurance attaque sa banque pour lui avoir « coupé les vivres » sans préavis alors que l’article L. 313-12 du code monétaire et financier stipule que la banque doit accorder un délai d’au moins 60 jours avant d’interrompre son concours. Mais dans cette affaire, la Cour donne raison à la banque. En effet l’agent d’assurance avait des pratiques plus que douteuses en encaissant sur son compte des chèques dont ses clients étaient les bénéficiaires. La Cour en a déduit que la banque peut dénoncer ses concours sans le moindre préavis lorsque l’emprunteur a eu un comportement gravement répréhensible... 

Extrait de l’arrêt de la Cour de cassation, chambre commerciale, du mercredi 11 septembre 2019.
Pourvoi n° : 17-26594.

 

« LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Banque populaire Alsace Lorraine Champagne (la banque) a consenti plusieurs prêts à M. G..., agent général d'assurances, et à son épouse, ainsi que des ouvertures de crédit ; que par un acte notarié du 7 juin 2010, ces derniers ont apporté à la SCI Defran un immeuble sur lequel ils avaient consenti à la banque une promesse d'hypothèque en garantie du remboursement de certains prêts ; que par une lettre du 24 avril 2012, la banque leur a notifié l'interruption de tous ses concours en invoquant le comportement gravement répréhensible de M. G... puis les a assignés en paiement ; qu'elle a également demandé que l'apport immobilier lui soit déclaré inopposable pour fraude paulienne ; que, reconventionnellement, M. et Mme G... ont recherché la responsabilité de la banque ;

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Attendu que M. et Mme G... font grief à l'arrêt de les condamner à payer à la banque diverses sommes et de rejeter leurs demandes alors, selon le moyen, que tout concours à durée indéterminée autre qu'occasionnel qu'un établissement de crédit consent à une entreprise ne peut être réduit ou interrompu que sur notification écrite à l'expiration d'un délai de préavis qui ne peut sous peine de nullité de la rupture du concours être inférieur à soixante jours ; que si la banque est dispensée de respecter ce délai de préavis en cas de comportement gravement répréhensible imputable au bénéficiaire du crédit, un tel comportement doit s'apprécier au regard du propre comportement de la banque ; que la banque présentatrice chargée d'encaisser un chèque doit s'assurer de l'identité du déposant et vérifier qu'il en est bien le bénéficiaire ; qu'en imputant, en l'espèce, à M. G..., un comportement gravement répréhensible pour avoir encaissé sur ses comptes des chèques dont les bénéficiaires étaient ses clients, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la banque n'avait pas elle-même manqué à ses obligations en s'abstenant de vérifier que le déposant était bien le bénéficiaire des chèques litigieux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 313-12 du code monétaire et financier, dans sa rédaction applicable en la cause ;

Mais attendu que l'éventuel manquement de l'établissement de crédit à son obligation de vérifier que le déposant était le bénéficiaire des chèques ne le prive pas de la faculté, qu'il tient de l'article L. 313-12 du code monétaire et financier, de rompre sans préavis les concours accordés en cas de comportement gravement répréhensible du bénéficiaire du crédit ou au cas où la situation de ce dernier s'avérerait irrémédiablement compromise ; que la cour d'appel n'avait donc pas à effectuer la recherche inopérante invoquée par le moyen ; que celui-ci n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen, pris en sa première branche :

Attendu que M. et Mme G... font grief à l'arrêt de déclarer inopposable à la banque l'acte d'apport alors, selon le moyen, que sont inscrites au livre foncier, à peine d'irrecevabilité, les demandes en justice tendant à obtenir la résolution, la révocation, l'annulation ou la rescision d'une convention ou d'une disposition à cause de mort ; que la demande en déclaration d'inopposabilité d'une convention pour fraude paulienne tend à la révocation de celle-ci, peu important que la remise en cause de l'acte ne bénéficie qu'au créancier exerçant l'action paulienne ; qu'une telle demande doit, dès lors, être inscrite au livre foncier ;qu'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si la demande de la banque, tendant à voir déclarer inopposable à son égard l'apport, à la SCI Defran, de l'immeuble des époux G... situé à [...], n'était pas irrecevable, faute d'avoir été inscrite au livre foncier, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 38-4 de la loi du 1er juin 1924 mettant en vigueur la législation civile française dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle ;

Mais attendu que la demande tendant à faire déclarer inopposable au créancier un acte accompli par le débiteur, n'entrant pas dans les prévisions de l'article 38-4 de la loi du 1er juin 1924 mettant en vigueur la législation civile française dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, n'avait pas à être inscrite au livre foncier ; que la cour d'appel n'avait donc pas à procéder à la recherche, inopérante, invoquée par le moyen ; que celui-ci n'est pas fondé ;

Et sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche, sur le deuxième moyen et sur le troisième moyen, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le premier moyen, pris en sa troisième branche :

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Attendu que pour condamner M. et Mme G... à payer à la banque une certaine somme au titre du solde débiteur du compte chèque n° [...], l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que M. et Mme G... ne soulèvent aucun moyen de nature à remettre en cause les sommes réclamées par la banque à la suite de l'interruption de ses concours ;

Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de M. et Mme G... qui faisaient valoir que la banque ne produisait aucun document contractuel justifiant de l'existence de ce compte, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;

Et sur le quatrième moyen :

Vu l'article 564 du code de procédure civile ;

Attendu que pour déclarer irrecevable comme nouvelle en appel la demande de M. et Mme G... tendant à la déchéance du droit aux intérêts, l'arrêt retient qu'ils n'ont jamais contesté la créance de la banque ;

Qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si cette demande ne tendait pas à faire écarter, en les restreignant, les prétentions adverses, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable la demande de M. et Mme G... tendant à la déchéance de la banque de son droit aux intérêts et en ce que, confirmant le jugement, il les condamne solidairement à payer à la société Banque populaire Alsace Lorraine Champagne, au titre du compte chèque n° [...], la somme de 9 033,58 euros avec intérêts au taux contractuel de 14,81 % l'an à compter du 8 mai 2012 et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu, le 12 juillet 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Besançon ;

Condamne la société Banque populaire Alsace Lorraine Champagne aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; 

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du onze septembre deux mille dix-neuf. »

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