Les retraites avantageuses de la SNCF

Jean-Paul Delevoye, haut commissaire à la réforme des retraites représentant le gouvernement négocie actuellement avec les syndicats sur les régimes spéciaux. Dans un document de travail interne, il précise : « le système universel permettra de maintenir des dispositifs particuliers dès lors que ces dérogations reposent sur des spécificités objectives qui justifient un droit au départ anticipé ». Le régime très spécial et très avantageux de la SNCF arrivera-t-il à se maintenir ? L’association Sauvegarde Retraites qui milite pour une équité entre les différents régimes nous livre une étude détaillée sur les retraites « première classe » de la SNCF…

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Le régime spécial de la SNCF permet à ses agents, roulants ou sédentaires, de bénéficier d’avantages exorbitants par rapport à la situation des retraités du secteur privé. Pour y être affilié, il faut être agent « admis au cadre permanent », ce qui suppose d’être entré à la SNCF entre 18 et 30 ans, ou fonctionnaire détaché au sein de la SNCF, ou apprenti ou en contrat de professionnalisation à la SNCF. Les personnels recrutés en dehors de ces conditions sont affiliés au régime général et à l’AGIRC-ARRCO. Après réformes, le régime spécial se caractérise par :

Des pensions toujours meilleures, au montant garanti
Comme celle des fonctionnaires, la retraite des agents de la SNCF est calculée sur la base des six derniers mois de salaire, mais en y incluant une plus grande partie des primes, gratifications, majorations et indemnités qu’ils sont susceptibles de percevoir selon le « métier » qu’ils exercent au sein de l’entreprise publique ; à savoir :

- la prime de travail ;

- la prime de fin d’année ;

- la majoration de prime de fin d’année (égale à une valeur théorique de la prime de travail pour les agents de la filière administrative) ;

- les indemnités compensatrices et les suppléments de prime de fin d’année (versés en cas de changement de grade) ;

- la gratification annuelle d’exploitation ;

- la gratification de vacances hors suppléments familiaux ; - les divers suppléments de rémunération et majorations salariales qui sont octroyés dans certains cas ;

- la prime de logement des gardes barrières à service discontinu. Le règlement du régime spécial prévoit que « le pourcentage maximum de la pension est fixé à 75 % » de la rémunération calculée sur la base des six derniers mois, après une carrière complète.

En réalité, il s’agit d’un minimum et ce taux peut être porté à 80 % par les bonifications ou les surcotes instituées par la réforme de 2007-2008 au bénéfice des agents qui choisissent de continuer à travailler au-delà de l’âge du taux plein. Ces 80 % peuvent même être dépassés grâce aux majorations familiales, avec une limite toutefois : au total, la pension de retraite ne peut pas dépasser le montant de la rémunération qui a servi au calcul de la pension (c’est-à-dire, en pratique, celui du dernier salaire perçu par l’agent). Par ailleurs, le régime spécial fixe un montant minimum de pension, égal à 1 215,64 euros le 1er octobre 2014, qui est revalorisé au même rythme que les pensions des fonctionnaires. À l’opposé, il est difficile d’avoir des informations sur le maximum des pensions servies par la caisse de retraite, mais, en tout état de cause, certaines dépassent 10 000 euros. Surtout, comme pour les fonctionnaires qui bénéficient d’un régime de retraite à « prestations définies », le montant de la pension des agents de la SNCF est garanti – ce qui les différencie fondamentalement des salariés du privé, dont les taux de remplacement s’érodent, génération après génération.

Un âge réglementaire de la retraite précoce
Avant la réforme de 2010, l’âge réglementaire à partir duquel les agents de la SNCF18 pouvaient (et devaient) liquider leurs droits à la retraite était fixé à 50 ans pour les agents de conduite, sous réserve que ces derniers aient exercé cette fonction pendant au moins 15 ans, et à 55 ans pour les autres. La loi du 9 novembre 2010 a prévu de reculer cet âge de deux ans. Après la réforme, les agents de conduite ont donc la possibilité de partir à la retraite à 52 ans19 et les autres cheminots à 57 ans.

 Ce recul a commencé à s’appliquer progressivement dans les régimes spéciaux des entreprises publiques à partir du 1er janvier 2017, à raison de quatre mois par an. Il sera complètement réalisé à compter de 2023. Un rapport publié en 2017 au nom de la commission des finances du Sénat confirme que « pour la SNCF, le relèvement des bornes d’âge laissera subsister un écart avec le droit commun (52 ans pour les personnels roulants et 57 ans pour les sédentaires) ». Même avec une décote, les affiliés aux régimes du secteur privé, quant à eux, ne peuvent pas effectuer le même choix avant 62 ans.

Le bénéfice de bonifications d’annuité (trimestres "gratuits" octroyés sans aucune période de travail effectif correspondante)
Dans son rapport de 2012, la Cour des comptes a remarqué que les bonifications d’annuité « contribuaient notablement à améliorer le taux de liquidation des pensions des agents de conduite de la SNCF et des agents de la RATP dits "roulants" ou travaillant en bureau de dépôt ou en ateliers » et « formaient un élément significatif de l’attractivité des statuts concernés, comme il l’est encore dans la plupart des corps et cadres "actifs" de la fonction publique ».  Le règlement de la SNCF prévoit deux types de bonifications :

- Les bonifications « de campagne », attribuées au titre des services militaires validés, sous réserve que l’agent ait effectué quinze années de services au sein de la SNCF. Elles portent le pourcentage de la pension à 80 % du dernier salaire au lieu de 75 %, pour une carrière complète.

- Une bonification dite « de traction » est octroyée aux agents de conduite (conducteurs d’engins de traction comme les locomotives) embauchés au statut de cheminot avant le 1er janvier 2009. Elle leur permet de bénéficier d’un trimestre de bonification par an : autrement dit, d’une année « gratuite » tous les quatre ans, dans la limite de cinq années. Un agent de conduite ayant travaillé effectivement vingt ans dans cet emploi se verra donc crédité de vingt-cinq annuités, ce qui lui permettra de partir plus tôt à la retraite en remplissant les conditions du taux plein et, par conséquent, sans subir de décote. Ces bonifications de traction ont été supprimées pour les agents embauchés après le 31 décembre 2008. Toutefois, cette suppression a été largement compensée par la création d’un régime supplémentaire de retraite et la mise en place d’un avenant au Compte épargne temps.

Des majorations familiales calquées sur celles des retraités du public
+ 10 % pour 3 enfants élevés pendant au moins neuf ans, puis 5 % par enfant supplémentaire. Ces majorations familiales sont beaucoup plus avantageuses que celles des salariés du privé. (Dans le régime de base des salariés du privé (CNAV), les majorations pour enfants ne dépassent pas 10 % pour trois enfants et plus – quel qu’en soit le nombre au-delà du troisième. Dans les régimes de retraite complémentaire du privé, leur montant est en outre plafonné à 85,92 € par mois à l’ARRCO et 85,67 € par mois à l’AGIRC.) En outre, les mères qui ont accouché après leur entrée à la SNCF ont droit à deux trimestres de majoration par enfant. En regard, le régime général du privé prévoit quatre trimestres supplémentaires par enfant au titre de la maternité25. Toutefois, les deux types de majorations ne sont pas de même nature. Le régime de la SNCF est « rétributif » (la pension récompense les services antérieurs). Chaque annuité y représente entre 1,7 et 2 % de la moyenne des six derniers mois de traitement. Par conséquent, l’ajout de deux trimestres a pour effet d’augmenter le niveau de la pension. Au contraire, le régime général des salariés du privé est « contributif ». Dans ce cas, l’ajout de quatre trimestres permet de compléter les trimestres nécessaires pour atteindre le taux plein (et ainsi éviter ou réduire d’éventuelles décotes), mais, à l’inverse de ce qui prévaut dans le régime de la SNCF, il ne produit aucun effet sur le montant de la pension.

Une meilleure réversion
Dans le régime spécial de la SNCF, comme dans les autres régimes spéciaux du secteur public, la réversion n’est soumise à aucune condition d’âge, ni de ressources. En cas de décès de l’agent retraité, le conjoint survivant perçoit 50 % de sa pension, quelle que soit sa situation. Seule condition pour en bénéficier : avoir été marié pendant au moins deux ans lorsque le conjoint était encore en activité, ou, à défaut, avoir été marié depuis au moins quatre ans avec le retraité à la date de son décès (durée ramenée à deux ans si un enfant est issu du mariage).

En comparaison, dans les régimes des salariés du privé, le taux de réversion est de 54 % au régime général (CNAV) et de 60 % à l’AGIRC et à l’ARRCO, ce qui permet aux syndicalistes du secteur public et de la SNCF de prétendre qu’ils sont moins bien traités. Mais en réalité, la réversion des retraités du privé est soumise à des conditions d’âge et de ressources. Pour pouvoir bénéficier d’une pension de réversion, il faut avoir au minimum 55 ans à la CNAV et à l’ARRCO, et 60 ans à l’AGIRC. En outre, à la CNAV, les ressources du conjoint survivant ne doivent pas excéder 2 080 fois le SMIC horaire au 1er janvier de l’année considérée (soit 20 300,80 euros par an en 2017) pour percevoir une pension de réversion complète. Au-delà, la pension est écrêtée à proportion du dépassement et souvent réduite à néant. En fin de compte, les pensions de réversion servies aux veuves ou aux veufs de retraités du privé sont souvent sensiblement inférieures à 50 % de la pension du défunt.

Des avantages sur les voyages en train
Deux rapports, l’un réalisé en 2014 par la cour des comptes et l’autre, en 2018, par Jean-Cyril Spinetta, ancien PDG d’Air France KLM, ont levé le voile sur ces avantages. Octroyés, à l’origine, en « contrepartie de l’exigence de mobilité imposées aux personnels des entreprises de chemin de fer », comme le rappelle la Cour des comptes, ils étaient déjà en usage dans les anciennes compagnies ferroviaires, avant la création de la SNCF en 1938.

Cette dernière les a progressivement accrus, à tel point que le régime des facilités de circulation est devenu « un ensemble touffu, marqué par l’accumulation de concessions successives dans le cadre du dialogue social, et, de ce fait, recelant nombre d’archaïsmes et d’incohérences ». Les agents sous statut, actifs ou retraités, de la société nationale peuvent voyager gratuitement, sans limite (et bien sûr en première classe pour les cadres), sur l’ensemble du réseau ferroviaire, « réserve faite de restrictions d’usage durant quelques périodes de forte affluence ». Ils ne sont tenus d’acquitter que le montant de la réservation sur les TGV et certains trains « Intercités », à un tarif privilégié : 1,50 € en période normale et 13,90 € en période de pointe. À ces facilités « principales » s’en ajoutent d’autres, dites « accessoires », qui procurent aux agents des avantages en matière de transport de marchandises ou de mobilier.

La générosité de l’entreprise publique s’étend aussi aux ayants-droit des agents : non seulement le conjoint, partenaire de PACS ou concubin, mais aussi les enfants, beaux-enfants, parents, grands-parents – et même arrière-grands-parents – de l’agent et de son conjoint, qui profitent eux aussi d’un certain nombre de voyages gratuits et de réductions importantes sur le prix des billets s’ils dépassent le quota prévu, (moyennant le paiement d’une réservation s’il y a lieu). Les magistrats ont épinglé dans leur rapport cette « dérive du champ des bénéficiaires » de ces avantages. En 2011, sur 1,1 million de bénéficiaires, on comptait 347 569 agents de la SNCF (dont 163 005 actifs et 184 564 retraités) et quelque 750 000 « ayants droit » à divers titres (dont 409 007 conjoints ou « partenaires de couple » et enfants de moins de 21 ans).

Ces avantages ont un coût, en termes de charges directes et de manque à gagner commercial. En 2014, la Cour des comptes en évaluait « l’impact total » entre une cinquantaine de millions d’euros et « des sommes dépassant significativement 100 M€ » par an, selon la méthode et les hypothèses retenues.  Ces avantages pourraient se justifier si les comptes de la SNCF étaient à l’équilibre, mais ils ne sont pas acceptables alors que cette entreprise publique perçoit plus de 13,4 milliards d’euros par an de subventions. Dans ces conditions, ce n’est pas la SNCF qui finance les facilités de circulation de ses agents, mais, une fois de plus, l’ensemble des contribuables...

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Photo : Inkflo - Pixabay.

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