Fraude fiscale : le verrou de Bercy

La fraude fiscale, qualifiée par l'article 1741 du code général des impôts, est l'action de contribuables qui cherchent volontairement à échapper à l'impôt en violant la loi fiscale. Outre les sanctions fiscales pécuniaires décidées par l'administration, la fraude fiscale est punie d'une amende de 500 000 € et d'un emprisonnement de cinq ans. Cependant, ces poursuites pénales ne peuvent être engagées qu'à l'initiative de l'administration fiscale, qui dépend du ministère du Budget, et uniquement sur avis favorable de la Commission des infractions fiscales (CIF), créée en 1977. Ni un procureur, même en cas de flagrant délit de fraude fiscale, ni une partie civile ne peuvent enclencher le processus de dépôt de plainte et la poursuite judiciaire. C’est ce qu’on appelle le verrou de Bercy...

La CIF est une instance administrative et un organisme consultatif, non un premier degré de juridiction : la procédure devant la CIF n'est donc pas régie par le code de procédure pénale, et le principe du contradictoire en est donc exclu. Saisie par l'administration fiscale, la commission invite le contribuable à lui présenter ses observations dans un délai de trente jours, puis elle rend son avis.

Environ un millier de plaintes pour fraude fiscale sont ainsi déposées devant les tribunaux correctionnels chaque année, à comparer aux 52 000 opérations annuelles de contrôle fiscal, et aux 16 000 infractions les plus graves, qui reçoivent chaque année de l'administration fiscale les pénalités maximales. Ni la Commission, ni le ministère des Finances n'ont à motiver leur décision de poursuivre ou ne pas poursuivre le contribuable.

En revanche, l'administration fiscale comme le parquet peuvent déposer plainte sans solliciter l'avis de la CIF pour les infractions de droit commun : escroquerie ou carrousel à la TVA, blanchiment de fraude fiscale.

L'affaire Cahuzac illustre une difficulté posée par ce principe : Jérôme Cahuzac, ministre du Budget en 2012, aurait ainsi été le seul à pouvoir décider de l'opportunité de poursuites contre lui-même pour fraude fiscale, avant sa démission. C'est bien la procédure judiciaire pour blanchiment de fraude fiscale et non pour fraude fiscale, indépendante du ministère des Finances, qui permet d'affirmer en 2013 que le ministre est bien détenteur d'un compte en Suisse et conduit à une mise en examen.

En 2018, une mission parlementaire est lancée pour évaluer la pertinence de son maintien, en même temps qu'est annoncé pour l'année l'examen d'un projet de loi renforçant les moyens de lutte contre la fraude fiscale. Éliane Houlette, pour le Parquet national financier, et Jean-Claude Marin pour la Cour de cassation sont notamment auditionnés.

En juin 2018, la Commission des finances du Sénat a réclamé son abrogation. L’Assemblée nationale adopte 19 septembre 2018 en première lecture l’article du projet de loi antifraude qui instaure un mécanisme de transmission automatique au parquet des affaires qui donnent lieu à des pénalités administratives importantes. Le seuil retenu est de 100 000 euros.

Le vote définitif de la loi le 10 octobre 2018 introduit la possibilité de recourir à une convention judiciaire d'intérêt public dans le cadre d'une mise en cause pour fraude fiscale.

Texte sous licence CC BY-SA 3.0. Contributeurs, ici. Photo : stevepb - Pixabay.

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