Prise d’acte de rupture injustifiée : le salarié doit le préavis

Un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail car il était en désaccord avec son employeur sur sa rémunération et sa classification. Estimant les griefs non fondés, l’employeur avait argumenté qu’il s’agissait d’une démission et demandé une indemnité compensatrice de préavis. En appel, il obtient gain de cause sauf en ce qui concerne l’indemnité de préavis. Mais la Cour de cassation censure l’arrêt de la Cour d’appel. Celle-ci n’ayant pas constaté que l’employeur avait de façon non équivoque dispensé le salarié de l’accomplissement du préavis prévu à la convention collective, l’indemnité compensatrice de préavis était due... 

Extrait de l’arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du mercredi 23 janvier 2019.
Pourvoi n° 17-22394 . 

« LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : 

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Y... a été engagé en qualité de plombier-chauffagiste par la société A... B... chauffage (la société) suivant contrat à durée déterminée du 29 novembre 2011 ; que le 27 février 2012, il a signé un contrat à durée indéterminée aux termes duquel il bénéficiait d'une rémunération fixée sur une base mensuelle correspondant au classement au niveau I position 1 coefficient 150 de la convention collective nationale du bâtiment applicable aux entreprises de plus de 10 salariés ; qu'ayant pris acte de la rupture, il a saisi la juridiction prud'homale à l'effet d'obtenir la requalification de la prise d'acte en rupture aux torts de son employeur et le paiement de diverses sommes ; 

Sur le deuxième moyen du pourvoi principal du salarié, le deuxième moyen et le troisième moyen pris en ses deux premières branches du pourvoi incident de l'employeur : 

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les moyens annexés qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ; 

Sur le troisième moyen du pourvoi principal du salarié : 

Attendu que le deuxième moyen du pourvoi principal ayant fait l'objet d'un rejet, le moyen tiré d'une cassation par voie de conséquence est sans portée ; 

Sur le quatrième moyen du pourvoi principal du salarié : 

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande tendant à faire juger que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse alors, selon le moyen : 

1°/ que la censure à intervenir des chefs des premier, deuxième et troisième moyens ou de l'un seul d'entre eux emportera, par application des dispositions de l'article 624 du code de procédure civile, la censure de l'arrêt en ce qu'il a dit que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par M. Y... devait produire les effets d'une démission ; 

2°/ que l'employeur a l'obligation de payer le salaire minimum prévu par la convention collective applicable ; qu'en jugeant que la prise d'acte devait produire les effets d'une démission, après avoir pourtant constaté que M. Y... avait été privé de la classification correspondant à son niveau de compétence et du salaire fixé par la convention collective, ce qu'il avait privé d'une partie non négligeable de sa rémunération, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, a violé l'article L. 1121-1 du code du travail, ensemble l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction alors en vigueur ; 

3°/ qu'en affirmant, pour dire que M. Y... n'était pas fondé à prendre acte de la rupture de son contrat de travail, qu'il n'avait jamais soutenu avoir sollicité même oralement son employeur afin que sa situation soit régularisée avant de prendre acte de la rupture de son contrat de travail, cependant que dans ses écritures, M. Y... avait rappelé qu'il avait indiqué à plusieurs reprises oralement à son employeur que sa classification était incorrecte, la cour d'appel, qui a dénaturé les termes du litige, a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ; 

4°/ qu'en retenant, pour se déterminer comme elle l'a fait, que M. Y... n'avait pas formé de réclamation antérieurement à la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail, la cour d'appel, qui a statué par un motif inopérant, a violé l'article L. 1221-1 du code du travail, ensemble l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction alors en vigueur ; 

5°/ qu'en affirmant que le salarié, dont la classification conventionnelle et le salaire correspondant n'avaient pas été respectés par l'employeur, se fondait sur un manquement de l'employeur qui ne figurait pas dans le contrat et qu'il ne pouvait donc pas avoir méconnu, la cour d'appel, qui a statué par un motif inopérant, a derechef violé les dispositions de l'article L. 1221-1 du code du travail, ensemble l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction alors en vigueur ; 

6°/ qu'en retenant, pour dire que les faits invoqués n'étaient pas suffisamment graves, la brièveté de la période en cause, cependant qu'il était constant que la société A... CHAUFFAGE avait méconnu ses obligations à compter de la conclusion du contrat de travail le 27 février 2012 jusqu'au 27 mars 2013, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L. 1221-1 du code du travail, ensemble l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction alors en vigueur ; 

Mais attendu, d'une part, que l'absence de lien de dépendance nécessaire avec les dispositions critiquées par le premier moyen et le rejet des deuxième et troisième moyens rendent sans portée une cassation par voie de conséquence ; 

Que, d'autre part, ayant, sans modifier l'objet du litige et abstraction faite d'un motif surabondant critiqué à la cinquième branche, constaté qu'il ne résultait d'aucun commencement de preuve et en tout cas d'aucun document ou attestation de tiers que le salarié eût revendiqué lors de son embauche initiale, lors de la signature de son contrat à durée indéterminée, ou au cours de l'exécution du contrat, un repositionnement qui lui aurait été refusé, qu'il n'était pas contesté ni même allégué de façon contraire que le coefficient de 150 au regard de la convention collective eût été négocié ou lui eût été imposé malgré son opposition et qu'en tout état de cause le salarié a imposé la rupture du contrat de travail sans même possibilité de négociation ou rectification contractuelle de la qualification litigieuse, la cour d'appel, qui a ainsi fait ressortir que les manquements reprochés n'étaient pas de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail, n'encourt pas les griefs du moyen ; 

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ; 

Mais sur le premier moyen du pourvoi principal du salarié, qui est recevable : 

Vu les articles L. 1242-1, L. 1242-2 2° et L. 1245-1 du code du travail ; 

Attendu que pour rejeter la demande du salarié tendant à faire requalifier le contrat à durée déterminée du 29 novembre 2011 en contrat à durée indéterminée, l'arrêt retient que ce contrat mentionne comme motif de recours à un contrat de travail à durée déterminée une augmentation temporaire du volume d'activité de l'entreprise du fait d'un nouveau chantier, que le jour même de l'expiration du contrat travail à durée déterminée, le 27 février 2011, l'employeur n'a pas renouvelé le contrat comme il pouvait le faire en contrat de travail à durée déterminée mais régularisé un nouveau contrat : un contrat à durée indéterminée, que l'employeur justifie que son entreprise a obtenu le 29 juin 2011 sur son offre un lot dans la réhabilitation de dix logements collectifs et après signature du contrat en juillet a reçu le 25 octobre 2011 du maître d'oeuvre un avis de démarrage de travaux pour le "lundi 31 novembre", qu'il n'est pas sérieusement contesté que ne disposant pas de personnel suffisant pour assumer un tel chantier l'employeur a recherché et embauché le salarié à proximité immédiate du commencement du chantier, qu'il n'est pas pertinent d'énoncer qu'il résulterait de la nature même des entreprises du bâtiment de disposer en permanence de salariés, quel que soit le volume des chantiers à assumer et sans incidence des aléas des candidatures à des marchés ; 

Qu'en se déterminant comme elle l'a fait par des motifs ne suffisant pas à établir que, par comparaison avec l'activité normale et permanente de la société, la conclusion d'un nouveau chantier correspondait à une augmentation inhabituelle de son activité à laquelle celle-ci ne pouvait faire face avec son effectif permanent, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Sur le premier moyen du pourvoi incident de l'employeur : 

Vu l'article L. 1237-1 du code du travail ; 

Attendu que pour débouter l'employeur de sa demande d'indemnité compensatrice de préavis, l'arrêt retient qu'il résulte des circonstances de la rupture telles que rappelées que l'employeur avisé de la décision du salarié de quitter son emploi n'a pas demandé l'exécution d'un préavis et lui a remis sans réserves les documents de fin de contrat ; 

Attendu, cependant, que lorsque la prise d'acte de la rupture du contrat de travail produit les effets d'une démission, le salarié est redevable de l'indemnité compensatrice résultant de l'application de l'article L. 1237-1 du code du travail ; 

Qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel, qui n'a pas constaté que l'employeur avait de façon non équivoque dispensé le salarié de l'accomplissement du préavis prévu à la convention collective, a violé le texte susvisé ; 

Et sur le troisième moyen pris en ses troisième et quatrième branches du pourvoi incident de l'employeur : 

Vu le principe selon lequel le juge ne doit pas dénaturer les éléments de la cause ; 

Attendu que pour condamner l'employeur au paiement d'un rappel de salaire correspondant au coefficient conventionnel 185 applicable, l'arrêt retient que l'employeur produit un document émanant des « Editions législatives » sur le barème des salaires minimaux en 2011 et 2012, que le salarié ne répond pas en ses écritures ni à l'audience sur les chiffres avancés par l'employeur, mais que la cour observe que les chiffres avancés par l'employeur correspondent à des bases « 35 heures de travail », alors que le contrat porte sur une base hebdomadaire conventionnelle de « 39 heures de travail », qu'en l'état, les chiffres avancés par le salarié sont donc justifiés ; 

Qu'en statuant ainsi alors que dans ses écritures, l'employeur avançait des chiffres en référence expresse à la base hebdomadaire de 39 heures de travail, la cour d'appel, qui a dénaturé les termes clairs et précis de ces écritures, a violé le principe susvisé ; 

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il juge que la réalité du motif et son bien fondé justifient la conclusion du contrat à durée déterminée du 29 novembre 2011, déboute M. Y... de ses demandes de requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et de paiement de l'indemnité de requalification, déboute la société A... B... chauffage de sa demande en paiement d'une indemnité compensatrice de préavis et la condamne à payer à M. Y... la somme de 1 301,12 euros au titre de rappel de salaire sur classification et celle de 130,11 euros au titre des congés payés afférents, l'arrêt rendu le 30 mai 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ; 

Laisse à la charge de chacune des parties les dépens par elles exposés ; 

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; 

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; 

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois janvier deux mille dix-neuf.

Photo : Onidji - Fotolia.com.

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