Les oiseaux de passage

Dans les années 1970, en Colombie, une famille d'indigènes Wayuu se retrouve au cœur de la vente florissante de marijuana à la jeunesse américaine. Quand l'honneur des familles tente de résister à l'avidité des hommes, la guerre des clans devient inévitable et met en péril leurs vies, leur culture et leurs traditions ancestrales. C'est la naissance des cartels de la drogue...

D’après vous, à quel genre appartient le film ?

Ciro Guerra

Pour moi, c’est un film noir, un film de gangsters. Mais il peut aussi être à la fois un western, une tragédie grecque et un conte de Gabriel García Márquez. D’une certaine façon, les genres sont devenus les archétypes mythiques de notre temps. Depuis la nuit des temps, l’être humain a essayé de se servir du mythe pour donner un ordre et un sens à une existence chaotique et dont le sens nous échappe. C’est la fonction des genres aujourd’hui : ils prédéterminent notre compréhension du monde et nous annoncent dans quel territoire une histoire va se déplier. À ce propos, je me suis toujours identifié aux conteurs des civilisations premières. Nous faisons la même chose que ce qu’ils faisaient dans leurs caves il y a 30.000 ans : se servir d’ombres et de lumières pour raconter une histoire.

Cristina Gallego

La culture que nous décrivons dans le film, les wayuu, a des codes qui ne sont pas très éloignés de ceux des gangsters. Il existe un personnage, le palabrero, avec un rôle similaire de celui du consigliere dans la mafia. C’est un genre qui plait beaucoup autour du monde, mais que notre cinéma s’est souvent interdit. En Colombie, on a du mal à s’en emparer à cause des ravages de notre histoire récente… 

D’où est née cette histoire ? Pourquoi cet épisode en particulier parmi la grande mosaïque de récits qui configure l’histoire du narcotrafic en Colombie ?

Cristina Gallego

Entre 2006 et 2007, nous nous sommes installés sur la côte du nord de la Colombie pour préparer notre film LOS VIAJES DEL VIENTO. L’une des scènes du film se passait pendant la bonanza marimbera [période d’exportation de cannabis aux États-Unis pendant les années 70 et 80, particulièrement dans le désert de la Guajira, où LES OISEAUX DE PASSAGE a été tourné]. Nous avons fait des recherches en interrogeant les populations locales. Nous avons entendu des histoires que nous ignorions. À l’époque, nous nous étions dit : «comment est-ce possible que personne n’ait, jusque-là, jamais raconté cette histoire?».

Ciro Guerra

Il y a eu certes de nombreuses histoires sur le narcotrafic, jusqu’au point qu’il a fini par devenir un cliché. Cela dit, la bonanza marimbera était, à notre avis, la grande histoire qu’on n’avait pas encore racontée. Dans l’art colombien, il y a souvent eu une glorification de la violence, une fascination pour le pouvoir et pour les aspects les plus brutaux de cette histoire, sans que personne ne s’intéresse à créer un espace de réflexion. Cette représentation nous posait problème.   

Le tournage a été particulièrement compliqué, dans des conditions climatiques très dures et de grandes difficultés logistiques…

Cristina Gallego

Nous avons tourné dans un climat de menaces et de préoccupations constantes. Nous avons dû construire des digues de contention pour éviter que le plateau de tournage s’inonde, ce qui arrivait en permanence. Cela a été un travail physique très intense. Face à des difficultés croissantes, nous avons fait preuve d’une force spirituelle et collective considérable…

Ciro Guerra

Cela a été, sans aucun doute, notre tournage le plus complexe. La Guajira est une terre aride, sauvage, un territoire difficile où rien n’est acquis et rien ne vous est dû… Nous avons été confrontés à de vraies intempéries, à une tempête de sable et un orage monumental, le plus important depuis six ans, qui a totalement détruit deux de nos plateaux de tournage. C’est un film où l’on a dû se battre pour chaque plan.

Drame colombien de Ciro Guerra et Cristina Gallego. Prix spécial police au festival international du film policier de Beaune 2019. 4,1 étoiles AlloCiné.


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