Mon inconnue

Du jour au lendemain, Raphaël se retrouve plongé dans un monde où il n'a jamais rencontré Olivia, la femme de sa vie. Comment va-t-il s’y prendre pour reconquérir sa femme, devenue une parfaite inconnue ?...

Entretien avec Hugo Gélin, le réalisateur

Ce projet est-il né de l’envie de faire une comédie romantique à l’anglo-saxonne ?
Complètement, mais dans une tonalité très française. Ce qui m’intéresse, c’est de conjuguer mon identité française et ma culture cinématographique anglo-saxonne pour atteindre l’universel. Mon personnage principal s’appelle Raphaël Ramisse, qui est le nom du réalisateur d’UN JOUR SANS FIN.

Mais je me suis aussi inspiré d’autres films comme ETERNAL SUNSHINE OF THE SPOTLESS MIND, IL ÉTAIT TEMPS de Richard Curtis, HER de Spike Jonze et LA VIE EST BELLE de Frank Capra. Ces films ont pour dénominateur commun de nous raconter des histoires dont la part fantastique est très réaliste. Ainsi, parler des choses les plus simples et les plus humaines qui soient prend une ampleur et une dimension particulièrement cinématographique. Le challenge était donc de faire adhérer le spectateur à cette part surnaturelle, de le surprendre et de l’entraîner plus loin… 

Le personnage de Raphaël est immédiatement attachant, mais vous le rendez antipathique au bout d’une dizaine de minutes et il nous faudra refaire le trajet en sens inverse pour qu’on le trouve à nouveau sympathique. C’est un gros pari s’agissant du héros d’une comédie romantique…
Oui, mais dans UN JOUR SANS FIN, Bill Murray n’est pas un gars sympathique au début ! Ici, le personnage a de l’humour, il est généreux, et pourtant il se brûle les ailes à une pseudo célébrité et ne prend pas conscience qu’il s’éloigne de sa femme. Il ne la regarde plus, s’aveugle en ne regardant que lui-même et leur couple se perd.

Dans CE QUE VEULENT LES FEMMES, c’est pareil : même s’il se comporte comme un imbécile, Mel Gibson a un charme fou qui le rend attachant. Mon film interroge notre regard : celui posé sur nous-mêmes et celui posé sur ceux qu’on aime. C’est pour cela qu’il me fallait un acteur charismatique, avec un charme fou pour incarner Raphaël. Au-delà de l’acteur exceptionnel qu’il est, François Civil est admirable aussi pour cet aspect du rôle. Il nous embarque dans son histoire : au début, on veut qu’il se fasse taper sur les doigts, c’est toute la comédie du film ; puis il comprend ses erreurs et va tout faire pour redevenir un mec bien, ce qu’il était au fond depuis le début, et c’est la romance du film. 

L’arc du personnage d’Olivia est tout aussi passionnant, passant d’une jeune femme un peu en retrait à une star de la musique classique, puis à une femme qui se lâche…
Le projet était de montrer Olivia comme une jeune femme qui, avec sa folie, son humour et son identité propre, suscite l’amour, et qui ensuite, parce que le regard de Raphaël ne se porte plus sur elle, perd toutes ces qualités qui l’ont rendue attachante, et s’éteint.

C’est donc un choc pour lui de découvrir que, dans son autre vie, elle s’est épanouie dans le domaine musical, en réalisant son rêve, ce qu’elle n’avait pu faire avec lui. Quand Raphaël est plongé dans cette nouvelle vie, elle n’est plus la Olivia de leur adolescence mais une grande pianiste adulée, amoureuse de l’homme qui a su la mettre en valeur. Pourtant, elle n’est pas complètement heureuse car il lui manque ce que seul Raphaël savait lui donner.

Avec des trajectoires différentes, leurs âmes sont restées sœurs, comme au début du film : quelque chose les dépasse et les aimante, les fait s’évanouir au même moment, ils sont uniques. C’est ce qu’exprime le plan du rétroviseur en Camargue dans lequel il retrouve la Olivia de sa jeunesse. Le film est une quête pour retrouver la première étincelle.

Vous n’abusez jamais de l’omniscience de Raphaël concernant Olivia, à la manière d’un jour sans fin…
Il y en a un peu bien sûr car c’est une grande source de comédie mais le plus souvent cela ne fonctionne pas. Dans TOUT LE MONDE DIT I LOVE YOU, Woody Allen séduit Julia Roberts car il parvient à tout connaître d’elle et qu’en retour elle se croit comprise et se sent proche de lui.

Je m’en suis inspiré, mais sur dix ans, j’ai trouvé amusant de faire évoluer les personnages et leurs goûts pour créer des situations drôles et des obstacles. Olivia est devenue une autre Olivia d’autant qu’elle n’a pas grandi avec lui; s’il la connaît encore par certains aspects, elle est une parfaite inconnue par d’autres : par exemple, il est convaincu qu’elle aime les madeleines alors que ça n’est plus le cas. Non seulement, ça permet de le montrer ridicule mais surtout cela va l’obliger à trouver d’autres stratagèmes pour la séduire.

Le fameux et inépuisable «boy meets girl movie» devient ici d’un coup «boy meets MY girl movie» et cela change tout car les cartes sont totalement rebattues. C’est une comédie de reconquête certes, mais Raphaël doit reconquérir la femme qu’il connaît le mieux au monde… qui est devenue pour lui une parfaite inconnue ! C’est cette ironie qui m’amuse.

Comédie romantique française d'Hugo Gélin. Prix d'interprétation masculine au festival international du film de comédie de l'Alpe d'Huez 2019. 4,3 étoiles AlloCiné.


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