Funan

Funan retrace le parcours de Chou, une jeune cambodgienne séparée de son fils Sovanh dès les premiers jours de la révolution khmère rouge de 1975. Comme tant d’autres, Chou sera déportée, contrainte aux travaux forcés. Un à un, les siens lui seront arrachés. Elle connaîtra l’injustice, le désarroi et l’impuissance. Elle devra affronter la faim, la peur… la mort...

Femme, mère et épouse, Chou va devoir trouver la force d’exister, de décider et de survivre. Pour résister à l’atroce quotidien imposé par les Khmers rouges, elle devra se faire violence et apprendre à s’imposer. Le couple qu’elle forme avec son époux Khuon prendra alors une toute autre dimension. Dans la souffrance et l’adversité, ils vont se déchirer, se redécouvrir, s’aimer et apprendre à lutter. Ensemble. Pour retrouver ce fils que le régime lui a arraché, Chou va devenir une femme nouvelle. Forte et déterminée, elle va se révéler. Aux autres, mais aussi à elle-même. Malgré le manque, l’impuissance, elle n’abandonnera pas. Parce que là-bas, quelque part, Sovanh a besoin d’elle.  

Contexte historique
L’histoire racontée dans Funan se déroule au Cambodge, directement après la prise de pouvoir des Khmers rouges le 17 avril 1975. Un état autocratique s’érige, dirigé par une entité qui se fait appeler « Angkar » (« l’organisation ») et met en place une révolution marquée par la violence et une « justice » expéditive.

Dans le but de mener la société cambodgienne vers un idéal d’inspiration communiste : le retour au travail de la terre à marche forcée, aussi utilisé en guise de rééducation pour les citadins. La propagande et le lavage de cerveaux pour les plus jeunes. La fermeture du pays aux échanges surtout vis-à-vis de l’occident, considéré comme impérialiste. Enfin, le meurtre des intellectuels et des citoyens les plus éduqués.

Une paranoïa apparaît, comme dans tout état autoritaire, conduisant à l’exécution de « traîtres ». Cette prise de pouvoir et cette révolution réduisent à néant les prémisses d’une époque qui pourtant était marquée par la renaissance de la culture cambodgienne, son économie et son industrie. Une époque dorée qui tourna subitement au cauchemar. Le régime causera entre 1,7 et 2 millions de victimes. Un demi-million supplémentaire réussira à s’exiler.  

Note d'intention de Denis Do, le réalisateur
Funan c’est l’histoire d’une famille. D’une femme… Ma mère. Ce film raconte ses sacrifices, ses déchirures et sa survie sous le régime Khmers rouges. Par ce récit, je souhaite aborder les émotions, les relations. Explorer la complexité des rapports humains dans un contexte extrême d’oppression.

Il ne sera pas question de bien et de mal. Le film nous plonge dans la vie de gens normaux, épuisés par la souffrance. Il ne juge pas, ne blâme pas, mais essaie de comprendre et de faire comprendre. Car c’est bien le premier pas d’un long chemin vers le pardon.

Nous n’avions pas l’intention de parler du contexte politique de l’époque, de faire de ce film un cours d’Histoire. Certes, des éléments sont intégrés, cités et exprimés, participant à la lecture du film. Mais dans l’ensemble, les informations historico-politiques restent succinctes. La documentation sur cette époque existe et ce film pousse à s’y intéresser. Un film, n’est-ce pas aussi une porte entrebâillée qui invite à être poussée? Pour ma part, ce film est complètement ancré dans ma démarche de recherches sur le passé. Il me permet de questionner une mémoire que j’ai fantasmée ou rejetée.

Le fait de savoir qu’on est, d’une certaine façon, le produit de ce genre d’événement, apporte forcément son lot de questionnements et de remises en question. J’évite volontairement le terme « traumatisme » que je trouve dur à porter. Il y a une forme de culpabilité de ne pas avoir vécu cela avec les siens. Funan m’a permis de reconstruire des personnages et leur vie à partir du témoignage de ma mère. Cette démarche créative m’a fait entrer dans les personnages pour vivre un peu avec eux tout ce qu’ils ont traversé.

J’ai choisi l’animation car j’en suis passionné. Je préfère également voir le personnage de ma mère interprétée par le dessin, plutôt que par une véritable comédienne. L’animation signifie également pour moi, plus d’universalité. L’héroïne de Funan est cambodgienne, mais avant tout et surtout, une femme. Une mère. L’animation est un médium idéal pour captiver le public en lui offrant du recul par rapport à la réalité. Le film est réaliste tout en préservant un espace pour l’interprétation. Subtilement, il provoquera, évoquera.

 J’ai voulu un film sobre dans la mise en scène. Avec ses atmosphères calmes et l’immensité des paysages cambodgiens, Funan plonge dans l’intériorité et traduit le paradoxe de ce que vivent les personnages. Leur esprit torturé contraste avec des paysages paisibles et variés. Funan raconte l’histoire d’un pays, d’une culture riche, tombé dans la famine et la barbarie. Pure, magnifique avec de grands espaces ouverts, déchiré par la violence et les tumultes de la révolution.

Dans mon esprit, le Cambodge ressemble à une femme. Belle de par sa nature, son essence et sa sensualité. Funan rend hommage à cela. Et aussi à son peuple, qui a tout perdu et qui est encore là, grâce à sa détermination et à sa volonté de vivre. Je souhaite que Funan ne soit pas « seulement » un film d’animation, mais un film tout court.

Film français d'animation de Denis Do. Cristal du long métrage au festival du film d'animation d'Annecy 2018. 3,9 étoiles AlloCine.


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