Histoire extraordinaire : Josef Schovanec, autiste surdoué

Josef Schovanec, né le 2 décembre 1981, de parents tchèques, à Charenton-le-Pont, est un philosophe, écrivain français et voyageur autiste, militant pour la dignité des personnes autistes...

Après une scolarité difficile, il obtient une maîtrise à Sciences Po Paris, puis  un doctorat en philosophie et sciences sociales à l'EHESS. Il est hyperpolyglotte, puisqu'il parle plus de sept langues dont l’arabe, persan, l'hébreu et l'amharique. Il découvre d'autres cultures et partage ses découvertes pendant, entre autres, sa chronique sur Europe 1, « Voyages en Autistan ». Il est l'auteur de quatre ouvrages biographiques et récits de voyages abordant la question de l'autisme, dont son autobiographie Je suis à l’Est !. Il réalise aussi des traductions, et tient des chroniques écrites et orales lors d'émissions de radio. Il joue un rôle récurrent dans la série télévisée française Vestiaires, depuis la 4e saison.

Depuis 2007, Josef Schovanec donne de nombreuses conférences et des formations dans le domaine de l'autisme. Connu pour sa voix particulière, son sens de l'humour, sa politesse, sa franchise et sa logique, il témoigne souvent, lors de ces rencontres, sur ce qu'il vit et observe en tant que « personne avec autisme ». Il est présenté par certains journaux et auteurs comme l'un des porte-paroles de l'autisme en France, mais témoigne lui-même qu'il « ne représente personne » et a endossé ce rôle malgré lui. Il se positionne en faveur d'une société plus inclusive pour les personnes autistes et souligne les bienfaits du voyage. En tant que docteur en sociologie et philosophie, il étudie notamment les phénomènes de croyance. 

Biographie
Avec son retard de langage — il commence à parler vers 6 ans — Josef Schovanec est considéré comme inapte à passer en CP, et évite de justesse le redoublement de la grande section de l'école maternelle. Il apprend à lire et à écrire avant de savoir parler. Son éducation est vécue difficilement. Il est exclu des jeux de groupe, et subit des brutalités physiques exercées par les autres élèves. Il témoigne rentrer après la classe « couvert de boue et les vêtements déchirés ». Durant son enfance, il passe ses vacances en Suisse alémanique et dans les Alpes.

Apprendre des gestes courants tels qu'enfiler un manteau ou descendre un escalier lui est difficile. Il parle avec énormément de politesse à ses camarades de classe, se passionne pour l'Égypte antique, l'observation des moisissures et le processus de fossilisation, et témoigne se cacher dans des coins calmes et sombres (sous des lits ou aux toilettes) jusqu'à une demi-journée. Son absentéisme est particulièrement important en CM1 et en quatrième. Sa situation s'arrange pendant ses années de lycée. Les mathématiques formant sa discipline favorite, il envisage une carrière de mathématicien. Il obtient son bac S (sciences) à 17 ans, avec une mention très bien. Il entre à l'institut d'études politiques de Paris (Sciences Po Paris), dispensé du passage de l'examen d'entrée grâce à sa mention au bac. Il passe l'année scolaire 2000-2001 à Mannheim, en Allemagne.

À son retour d'Allemagne en août 2001, il consulte un cabinet psy, espérant recevoir un coaching pour résoudre ses difficultés de relations sociales. Cela débouche sur une prescription d'amisulpride, puis d'aripiprazole, d'olanzapine et de rispéridone, entraînant de nombreux effets secondaires. En raison d'une erreur de diagnostic, il est considéré comme schizophrène. Il soutient son DEA en 2003 mais termine difficilement son mémoire en pensée politique en raison de ses prescriptions de neuroleptiques, témoignant : « avec certains comprimés, je dormais quasi en permanence », et ajoutant n'avoir aucun souvenir de l'année 2004. Un diagnostic du syndrome d'Asperger étant finalement posé à l'âge de 22 ans (ou vers 2005), il continue néanmoins de prendre les neuroleptiques qui lui sont prescrits pendant deux ans, avant de cesser ces consultations et prises de médicaments inadaptés en 2007.

Docteur et chercheur en philosophie et sciences sociales (à l'école des hautes études en sciences sociales (EHESS) et à l'université de Bucarest notamment), il consacre sa thèse de philosophie allemande (soutenue en 2009 sous la direction de Heinz Wismann) à la pensée et la théologie de Martin Heidegger en France. Il a étudié l'allemand, l'anglais, puis le grec ancien au collège et au lycée. Il entre plus tard à l'institut national des langues et civilisations orientales (Langues O') pour y suivre des cours, entre autres, d'hébreu, d'azéri et d'amharique, puis à Paris III pour un cursus de sanskrit, et à l'institut catholique de Paris pour des cours de vieil éthiopien. Il voyage dans de nombreux pays pour y suivre des cours de langue. Il fréquente des universités ou est invité pour des colloques tenus en Allemagne, au Canada, en Estonie, aux États-Unis, en Roumanie, en Russie, en Suisse, en Tunisie (à Tunis où il fut étudiant) et dans le Proche-Orient , entre autres. Il apprend l'arabe classique au sultanat d'Oman.

Il est hyperpolyglotte, puisqu'il parle le français, le tchèque, l'anglais, l'allemand, le persan et l’hébreu couramment, l’amharique, l’arabe, l’araméen, le chinois, l’azéri et le sanskrit moins couramment, et un peu d’estonien. Il s'intéresse aux cultures et aux langues, notamment orientales. Malgré ce bagage, il rencontre « 100 % d'échecs à ses entretiens d'embauche ».

Fin 2006, il devient par hasard l'assistant de Hamou Bouakkaz, chargé du handicap à la Mairie de Paris, aveugle de naissance, qui le recrute sans entretien d'embauche. Il bénéficie de certains aménagements de poste dus à son handicap, tels que la dispense de réunions. Il perd cet emploi en 2014, à l'arrivée d'Anne Hidalgo.

Le 4 octobre 2018, il est fait docteur honoris causa par l'Université de Namur, pour récompenser ses travaux sur l'intelligence collective. Après un nouvel hiver passé au sultanat d'Oman fin 2018, il donne des cours à l'université Kaust de Jeddah, en Arabie Saoudite, début 2019.

Militantisme et actions dans le domaine de l'autisme
Josef Schovanec est régulièrement impliqué dans des actions de sensibilisation à l'autisme. Il passe pour la première fois sur une radio associative au début de l'année 2007, et est invité sur de nombreux plateaux télévisés entre novembre 2007 et novembre 2009. L'autisme étant déclaré « Grande Cause nationale » en 2012, il donne une conférence au Collège de France en juin et affiche son combat pour l'amélioration de la prise en compte des personnes autistes dans la société française. Il participe au documentaire-fiction Le Cerveau d'Hugo de Sophie Révil cette même année. Le quotidien Le Monde lui consacre un article à cette occasion.

En avril 2014, lors d'un entretien télévisé au Petit Journal de Yann Barthès pour la promotion de son deuxième livre Éloge du voyage à l'usage des autistes et de ceux qui ne le sont pas assez, il invite Ségolène Neuville, la secrétaire d'État chargée des Personnes handicapées, à passer du temps avec des personnes autistes pour mieux se sensibiliser à leur cause.

Lors de la conférence nationale du handicap le 19 mai 2016, il reçoit une mission du ministère de la Santé sous la direction de Ségolène Neuville, concernant l'insertion professionnelle des adultes autistes. Il s'exprime en faveur d'un développement du job coaching, et d'une adaptation des environnements de travail aux besoins particuliers des personnes autistes. Il soutient fin 2018 une expérimentation pilote d'accompagnement à l'emploi dans les Pays de la Loire.

Écriture
Josef Schovanec publie son premier livre Je suis à l’Est ! en 2012, en collaboration avec Caroline Glorion. Cette autobiographie témoigne de son parcours et de réflexions sur les différences entre personnes non autistes et « personnes avec autisme » comme il le dit lui-même. L'ouvrage devient un succès de librairie : il s'agit d'un des très rares témoignages de personne autiste publiés en France.

Son deuxième livre Éloge du voyage à l'usage des autistes et de ceux qui ne le sont pas assez, sort en mars 2014. Il y parle de ses nombreux séjours dans plusieurs pays (Éthiopie, Arménie, Iran, Ouzbékistan, Taïwan, etc.), de ses découvertes mais aussi des bienfaits thérapeutiques du voyage. Fin 2015, il publie son troisième livre, De l'amour en Autistan, qui aborde la vie émotionnelle des personnes autistes, et fin mars 2016, le quatrième : Voyages en Autistan. La seconde saison de Voyages en Autistan, tirée de ses chroniques radio, sort un an plus tard. Il est accueilli dans une résidence d'écrivains en Nouvelle-Zélandependant cinq mois début 2017. En juillet 2017, il tient une chronique écrite dans le quotidien La Libre Belgique. En mars 2018 sort son sixième livre, un essai intitulé Nos intelligences multiples. Il préface Les enfants d'Asperger, paru en mars 2019.

Radio et télévision
Depuis 2014, Josef Schovanec est chroniqueur dans l'émission Carnets du monde, sur la radio Europe 1. La rédaction de cette radio découvre le contenu de ses chroniques au dernier moment précédant leur diffusion. Depuis septembre 2016, il tient également une chronique littéraire hebdomadaire pendant l'émission Entrez sans frapper sur la chaîne de radio belge La Première (RTBF). Il apparaît dans la série Vestiaires, sur France 2 (saison 4, épisode 23), où il interprète le rôle d'un autiste obsédé par la poésie perse. Il reprend ce rôle dans l'épisode Adopte une femme de la saison 5. Il fait des apparitions récurrentes jusque dans la saison 7 (2017).

Il reçoit le 30 mai 2018 le Prix audiovisuel de l'Association Planète Albert-Kahn, au Musée de l'Homme à Paris, pour récompenser le regard qu'il offre sur le monde dans l'émission radio Voyages en Autistan.

Personnalité
Josef Schovanec est reconnu pour sa politesse extrême, sa franchise, sa logique et son sens de l'humour. Il refuse de se définir « par un seul critère », par exemple en tant que diplômé de Sciences Po, ou même en tant que « personne avec autisme » :

« Moi, c'est Josef. Le fait que je sois ou non diplômé de Sciences Po ou d'un autre établissement, c'est comme avoir ou non un mouchoir dans la poche. Il se trouve qu'il est là, mais on ne se définit pas par rapport à lui. »

— Je suis à l'Est !

Il décrit sa forme d'autisme comme étant l'une de ses particularités, auxquelles on peut ajouter le fait de mesurer « environ 1,95 m », ainsi que son surdouement. Il a réussi les tests d'entrée de l'association Mensa pendant l'année 2000-2001, et en a été membre quelque temps, mais précise avoir obtenu des résultats « désastreux » à certains tests de QI. Son ancien employeur, Hamou Bouakkaz, le décrit comme « un garçon d'une intelligence exceptionnelle, jamais dans le calcul ».

D'après le psychiatre Bruno Gepner, il manie volontiers l'ironie, voire un certain cynisme. Ce dernier ajoute que « encore extrêmement stressé par l’environnement social, [il] est doté d’une mémoire impressionnante pour les langues et les cultures et d’une conscience sociétale aiguë ; il parle si lentement d’une voix aiguë et monocorde ». Josef Schovanec a en effet une voix lente, perçue comme ayant un « accent indéfinissable » et un timbre haché : il est fréquent que d'autres personnes croient qu'il a l'accent suisse.

Josef Schovanec témoigne expérimenter souvent de l'anxiété. Il tente d'éviter les situations potentiellement trop stressantes. Il a appris les codes sociaux pour se donner une apparence de normalité, entre autres en lisant des manuels de management, mais a des difficultés pour reconnaître les personnes. Il parle souvent avec des constructions grammaticales complexes. Il collectionne les bouteilles d'eau de 50 cl et déclare avoir appris à ne pas parler de cette passion, qui passe pour étrange lors de ses entretiens d'embauche. Les efforts sociaux qu'il fournit pendant ses interactions avec d'autres personnes ont tendance à l'épuiser. Il passe beaucoup de temps à lire et à naviguer sur le web. Dans Je suis à l'Est !, il témoigne aussi avoir un « certain monde intérieur » qu'il ne partage pas avec les psychiatres.

Texte et photo sous licence CC BY-SA 3.0. Contributeurs, ici. Photo : Phildorisa.


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