La saveur des Ramen

Masato, jeune chef de Ramen au Japon, a toujours rêvé de partir à Singapour pour retrouver le goût des plats que lui cuisinait sa mère quand il était enfant. Alors qu’il entreprend le voyage culinaire d’une vie, il découvre des secrets familiaux profondément enfouis. Trouvera-t-il la recette pour réconcilier les souvenirs du passé ?...  

Note du réalisateur, Eric Khoo
J’ai toujours été fasciné par la nourriture et par le rôle qu’elle joue dans nos vies. Comme le renommé historien Ben Rogers le dit si bien : « La nourriture est, après la langue, le marqueur le plus fort d’une identité culturelle ». J’ai le sentiment qu’on peut même aller plus loin et dire que l’alimentation définit qui nous sommes et comment nous vivons. En outre, je crois sincèrement que la cuisine permet de rassembler les gens en toute circonstance.

Je commençais à travailler sur ce projet lorsqu’un ami producteur m’a demandé si nous pouvions faire quelque chose pour célébrer les 50 ans de relations diplomatiques entre le Japon et Singapour. Je me suis dit que la cuisine était le moyen le plus évident pour en parler, étant données la passion des deux pays pour la bonne nourriture et toutes les histoires que l’on peut raconter à ce sujet. Nous avons ensuite étudié ce qui se faisait dans chaque pays pour savoir ce que nous pourrions intégrer à l’histoire.

C’est ainsi que nous nous sommes arrêtés sur deux plats extrêmement populaires et appréciés : le bak kut teh du côté de Singapour et les ramen chez les Japonais. Nous avons trouvé des similitudes intéressantes entre ces plats : tous deux ont gagné en popularité assez tardivement, chacun vers la fin du XIXe siècle, parce qu’ils étaient accessibles même aux ouvriers. Ces déjeuners peu chers et remplis de protéines donnaient de la force aux travailleurs. Peu à peu, les ramen ont perdu leur étiquette de « nourriture des milieux ouvriers » pour devenir des plats populaires et appréciés de tous. Le bak kut teh et les ramen sont devenus des emblèmes de leur pays d’origine. Leur succès coïncide avec la montée économique du Japon et de Singapour.

C’est avec toutes ces informations en tête que j’ai imaginé l’histoire de LA SAVEUR DES RAMEN. Le personnage principal, Masato, est né d’un père japonais et d’une mère singapourienne. Il repart au Japon lorsque sa mère meurt, mais son père ne lui parle pas de cette mère qu’il n’a que très peu connue. Malgré l’amour de son père, Masato souffre en silence depuis des années. Il affronte seul le chagrin et l’incompréhension. C’est seulement après la mort de son père qu’il décide de partir en voyage pour connaître la vérité sur le passé de sa mère et pour découvrir tout un pan de l’histoire de sa famille qu’il ignorait. Même si, aujourd’hui, le Japon et Singapour entretiennent de bonnes relations, nombreux sont les Singapouriens âgés qui peinent à oublier la souffrance endurée pendant l’occupation Japonaise à l’époque de la Seconde Guerre mondiale.

C’est à partir de cette douleur que j’ai créé le personnage de Madame Lee. Au départ, nous avions peur que ce personnage fasse écho à des souvenirs trop négatifs pour les spectateurs. Cela fait plus de 70 ans que la guerre est terminée et la culture japonaise est désormais totalement acceptée à Singapour. Cependant, une récente polémique a éclaté quand le gouvernement a utilisé le nom du Singapour occupé de l’époque, « Syonan », pour nommer un musée consacré à la guerre. Il y a eu une véritable levée de boucliers contre cette maladresse, si bien que le musée a changé de nom. Le temps passe, mais la douleur provoquée par l’ancien conflit est toujours présente.

On retrouve cette ambiguïté vis-à-vis de l’Histoire chez les personnages et dans leur cuisine. Masato est une victime collatérale de cette situation, il a souffert toute sa vie des relations difficiles entre son père japonais et sa grand-mère maternelle singapourienne. Ces derniers ne se sont jamais pardonné leurs anciens désaccords : la grand-mère désapprouvait l’union de sa fille avec un Japonais. Mais la cuisine a évolué sans les attendre, elle a réconcilié les deux cultures et s’est adaptée aux changements de la société. Désormais, les ramen sont bien plus qu’un humble plat de nouilles mélangées à une soupe de viande. Ils sont parfois accompagnés de foie gras ou de homard.

Il en est de même pour le bak kut teh, qui n’est plus seulement cuisiné avec des os, mais avec des côtes de porc entières. Les thèmes de l’acceptation, du pardon et de la réconciliation sont très présents dans le film. Je veux célébrer les relations, non seulement entre les êtres humains, mais aussi entre les êtres humains et la nourriture. LA SAVEUR DES RAMEN rappelle à tous que la cuisine, au-delà de notre besoin primaire de nous nourrir, nous réconforte et emplit nos âmes. 

Drame japonais d’Eric Khoo. 4 nominations au festival de cinéma de Valenciennes 2018. 4,1 étoiles AlloCiné.


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