Défaut de formation : au salarié de prouver son préjudice

Un salarié n’avait pas eu de formation professionnelle pendant 16 ans et avait attaqué son employeur en lui réclamant un dédommagement. Si la défaillance de l’employeur est avérée, elle n’est pas suffisante pour dédommager le salarié. En effet la Cour de cassation a estimé que le salarié n’avait pas apporté la preuve que ce défaut de formation lui avait causé un préjudice...

Extrait de l’arrêt de la Cour de cassation, civile, Chambre sociale du 3 mai 2018.
Pourvoi n° 16-26796. 

« LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : 

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 1er septembre 1995 en qualité de pompiste à temps plein par la société Lumyfar ; que, conformément aux préconisations de la médecine du travail, son temps de travail a été ramené à 19h 30 à compter du 1er août 2008, par avenant du même jour ; que, déclaré inapte à tout poste dans l'entreprise en une seule visite le 2 novembre 2011, le salarié a été licencié pour inaptitude par lettre du 29 novembre 2011 ; que, contestant le bien-fondé de son licenciement, il a saisi la juridiction prud'homale ; 

Sur les premier, troisième, cinquième, septième, huitième et neuvième moyens : 

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les moyens ci-après annexés qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ; 

Sur le dixième moyen : 

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de condamnation de l'employeur au paiement de dommages-intérêts pour défaut de l'obligation de formation alors, selon le moyen, que le fait que le salarié n'a bénéficié d'aucune formation professionnelle continue pendant toute la durée de son emploi dans l'entreprise établit un manquement de l'employeur à son obligation de veiller au maintien de sa capacité à occuper un emploi, entraînant pour l'intéressé un préjudice qu'il appartient au juge d'évaluer ; qu'en rejetant la demande de réparation après avoir pourtant constaté que durant 16 années le salarié n'a reçu aucune formation, aux motifs inopérants que le salarié n'indique pas les postes auxquels il aurait pu prétendre ou les formations demandées qui lui ont été refusées et que ses droits au DIF lui ont été régulièrement notifiés, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 6321-1 du code du travail ; 

Mais attendu que l'existence d'un préjudice et l'évaluation de celui-ci relèvent du pouvoir souverain d'appréciation des juges du fond ; que la cour d'appel a estimé que le salarié ne justifiait d'aucun préjudice résultant du non-respect par l'employeur de son obligation de formation ; que le moyen n'est pas fondé ; 

Mais sur le deuxième moyen : 

Vu l'article L. 1226-2 du code du travail, dans sa rédaction applicable en la cause ; 

Attendu que pour débouter le salarié de sa demande tendant à dire que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse et à condamner l'employeur au paiement des indemnités de rupture et de dommages-intérêts à ce titre, l'arrêt retient que la société Lumyfar est un supermarché franchisé à l'enseigne Intermarché en exploitation directe, or, la franchise est un système de commercialisation de produits et/ou de service et/ou de technologie, basé sur une collaboration étroite et continue entre des entreprises juridiquement et financièrement distinctes et indépendantes, nommées le franchiseur et les franchisés, dans lequel le franchiseur accorde à ses franchisés le droit et impose l'obligation d'exploiter une entreprise à son enseigne en conformité avec le concept du franchiseur de telle sorte que le salarié n'est pas fondé à reprocher à l'employeur l'absence de recherche de reclassement dans un groupe qui n'existe pas, la franchise ne permettant pas d'invoquer la permutation possible du personnel s'agissant d'une entreprise indépendante ; 

Qu'en statuant ainsi, alors que l'activité dans le cadre d'un contrat de franchise ne suffit pas à démontrer l'absence de possibilités de permutation de personnel, la cour d'appel a violé le texte susvisé ; 

Et sur le quatrième moyen : 

Vu l'article 455 du code de procédure civile ; 

Attendu que pour limiter à un montant la somme due au titre du reliquat de l'indemnité de licenciement, l'arrêt retient que l'article 6.1 de la convention collective, en application de l'article 3.13 des dispositions communes dispose qu'une indemnité est accordée au salarié en cas de licenciement, hors faute grave ou lourde, dans les conditions ci-après : 1/5 de mois par année d'ancienneté, auquel s'ajoutent 2/15 de mois par année au-delà de 10 ans d'ancienneté et le salaire à prendre en considération pour le calcul de l'indemnité de licenciement est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié : soit le douzième de la rémunération des 12 derniers mois précédant le licenciement, soit le tiers des trois derniers mois par application de l'article R. 1234-4 du code du travail, que le calcul doit être fait au prorata de temps partiel et du temps complet par application de l'article L. 3123-13, que le salarié a perçu la somme de 2 409,11 euros à ce titre alors qu'il lui est dû sur la base d'une ancienneté de 16 ans et 3 mois du 1er septembre 1995 au 30 novembre 2011 et d'un salaire moyen de 779,93 euros pour 80,48 h/mois la somme de 4 426,84 euros, il lui est dû un reliquat de 2 017,73 euros : 

779,93 : 80,48 X 151,67 = 1 469,83 : 5 = 293,96 euros
(293,96 X 10) + (333,15X2) + (333,15 : 12X11) = 3 911,35 euros
(176,74 X 2) + (176,74 : 12 X 11) = 515,49 euros ; 

Qu'en statuant ainsi, par des motifs inintelligibles, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ; 

Et attendu qu'en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation sur le deuxième moyen du pourvoi entraîne la cassation par voie de conséquence du chef du dispositif visé par le sixième moyen, qui s'y rattache par voie de dépendance nécessaire ; 

PAR CES MOTIFS : 

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute le salarié de ses demandes tendant à juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse et à condamner l'employeur à lui payer les indemnités de rupture et des dommages-intérêts à ce titre et au titre de la perte de ses droits à retraite, et en ce qu'il condamne la société Lumyfar au paiement de la somme de 2 017,73 euros au titre du reliquat de l'indemnité de licenciement, l'arrêt rendu le 30 septembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse, autrement composée ; 

Laisse à chacune des parties la charge de ses dépens ; 

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ; 

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; 

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois mai deux mille dix-huit. »

Photo : yosef19-Fotolia.com.

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