Monsieur « je-sais-tout »

Vincent Barteau, 35 ans, entraîneur de foot d'1,92 m, voit débouler dans son quotidien de célibataire invétéré, son neveu, Léo, 13 ans, 1,53 m autiste Asperger et joueur d'échecs émérite. Cette rencontre aussi singulière qu'explosive va bouleverser l'existence de Vincent et offrir à Léonard la chance de sa vie...

Entretien avec les réalisateurs Stéphan Archinard et François Prévôt-Leygonie 

Comment êtes-vous arrivés sur ce projet ?
Stéphan : Un peu par ce hasard qui fait parfois bien les choses. Un jour, notre agent nous donne à lire un roman qui s’intitule La Surface de réparation. A cause de son titre, on s’attend à un livre sur le foot. Nous sommes circonspects. Nous aimons beaucoup ce sport, mais de là à lui consacrer un film… Surprise ! Non seulement le foot n’est que le « décor » du roman, mais ce dernier a tout pour nous plaire. Premièrement, il est bâti autour d’une thématique qui est, depuis toujours, au centre de tout ce qu’on fait au théâtre comme au cinéma : la filiation et la transmission.

Deuxièmement, il fait le portrait d’un duo qu’on trouve irrésistible, parce qu’aussi mal assorti qu’inattendu : un enfant atteint du syndrome Asperger et un adulte comme on les aime, un peu fort en gueule, mais avec pleins d’arrière-plans psychologiques et sentimentaux. Et troisièmement, il aborde à travers le personnage de l’enfant, un sujet rarement évoqué sur les écrans français, celui de l’autisme Asperger. Pas besoin d’une relecture !

Cette histoire est de la graine de celles des comédies américaines des années 80 qu’on adore, de celle d’Intouchables aussi. On est emballé. Ne connaissant pas l’auteur du livre, Alain Gillot, on décide d’aller le voir sans perdre une seconde. Il se trouve qu’il habite La Rochelle, une ville que nous affectionnons beaucoup, au point d’y avoir tourné Amitiés Sincères. Retourner sur les lieux d’un film qu’on avait pris beaucoup de plaisir à tourner… Pour nous, qui croyons aux petits clins d’œil du destin, c’était un signe supplémentaire que les planètes s’alignaient pour que ce projet débouche sur du concret !   

Le film raconte la naissance d’une amitié, pour ne pas dire d’amour presque filial, entre un adulte et un ado atteint du syndrome d’Asperger. Il avait tout pour sombrer dans le pathos. Or non seulement il n’est, à aucun  moment, ni larmoyant, ni mélo, ni sinistre, mais il dégage, au contraire, une grande gaité et un bel optimisme. On rit parfois beaucoup.…
Stéphan : Pour une comédie, car c’en est une, cela vaut mieux ! (rires). Plus sérieusement… dès le départ, il a été hors de question qu’on mette les pleins feux sur le sujet de l’autisme Asperger. Parce que Monsieur Je-sais-tout, pas plus que le livre dont il est tiré, n’est le portrait d’un enfant atteint de ce syndrome. C’est un film sur un tandem mal assorti dont le sujet central est « comment trouver sa place sur la terre », face à n’importe quelle situation de la vie, qu’on soit footballeur, intellectuel ou manuel. Ce sujet a été un point d’appui pour en aborder d’autres, comme la paternité, la transmission, l’amitié, la responsabilité, la peur de s’engager, la réconciliation, la différence… 

François : Dans la première version de notre scénario, par respect pour Alain, nous étions restés très proches de l’environnement de son roman. Il se passe dans l’Est de la France. Les ciels y sont plombés, les paysages boueux, les villes, grises et les familles impécunieuses. A lire c’est magnifique, mais à regarder moins. Alain en a convenu. Avec son accord, nous avons donc changé notre fusil d’épaule et transplanté ses personnages dans une région ensoleillée, où l’on respire et où les horizons sont dégagés. Nous avons finalement choisi La Rochelle puisque c’est là qu’il habitait et qu’en plus, comme nous vous l’avons dit plus haut, on connaissait parfaitement cette ville et ses environs, pour y avoir déjà tourné. 

Pourquoi avez-vous pensé à Arnaud Ducret pour l’interpréter ?
Stéphan : Nous cherchions un comédien costaud, athlétique, sympathique, tonitruant, à mi-chemin entre un Lino Ventura et un Gérard Lanvin. Un acteur capable d’être dans un va et vient de jeu à la fois intériorisé et très extériorisé, très physique, très empathique quand il joue le coach. C’est notre directeur de casting Martin Rougier qui nous a soufflé le nom d’Arnaud. Comme on le connaissait mal, on a fait comme d’habitude dans ces cas-là, on s’est « Arnauducrétisé », en regardant tout ce qu’Arnaud avait fait. Il nous a particulièrement estomaqués dans un film sur de Gaulle où il jouait un Jacques Chirac phénoménal ! On l’a alors rencontré et, comme avec Alain Gillot, on a eu un coup de cœur. Il a tout Arnaud : la gentillesse, la disponibilité, le désir, l’humour, l’instinct, le sens de l’écoute et l’envie. C’est un gros bosseur. En plus, physiquement c’est une masse. Il emporte tout sur son passage. Pour le rôle, il était idéal. 

Votre film fait une part belle à la psychologie. Il n’est ni rectiligne, ni manichéen. Et il réserve de belles surprises au niveau de sa forme…
François : On a pris des risques, scénaristiques et techniques et tant mieux si cela se voit et se ressent. On a essayé de chiader nos cadres. D’autant plus que notre chef op, Pierre-Hugues Galien a un sens du cadre hors du commun. En matière de dialogues, pour laisser un maximum de place à l’émotion, on a beaucoup misé sur les non-dits. Pour éviter que le film n’apparaisse trop simpliste, on a essayé de slalomer dans la construction du scénario et on s’est interdit une fin trop convenue. Et puis, pour être au plus près de leur vérité, qui est beaucoup plus rieuse et joyeuse qu’on ne se l’imagine, on a rencontré beaucoup d’autistes... En résumé on a essayé de faire ce qu’il fallait pour que ce film ne paraisse pas trop petit pour le grand écran.

Comédie dramatique de François Prévôt-Leygonie et Stéphan Archinard. 4,2 étoiles AlloCiné.


Voir toutes les newsletters :
www.haoui.com
Pour les professionnels : HaOui.fr