Leto

Leningrad. Un été du début des années 80. En amont de la Perestroïka, les disques de Lou Reed et de David Bowie s'échangent en contrebande, et une scène rock émerge.  Mike et sa femme la belle Natacha rencontrent le jeune Viktor Tsoï. Entourés d’une nouvelle génération de musiciens, ils vont changer le cours du rock’n’roll en Union Soviétique...

Note d’intention de Kirill Serebrennikov, le réalisateur

Cette note d’intention a été rédigée par Kirill Serebrennikov en 2017, avant le tournage du film. Les conditions de son assignation à résidence ne lui permettent pas de formuler de nouvelles déclarations. 

« Leto , est une histoire de rock’n’roll dans le Leningrad soviétique des années 80 dans lequel un triangle amoureux réunit trois individus très différents, avec pour toile de fond une Union soviétique étrange et parfois exotique, dans un climat totalement hostile à la musique rock et aux influences occidentales, mais qui fut malgré tout le creuset de l’émergence d’une nouvelle vague rock en URSS.

Notre histoire traite de la foi nécessaire pour surmonter ce contexte, et de l’insouciance de nos héros face aux restrictions dont ils ont hérité. Par-dessus tout, cette histoire est celle d’un amour ingénu et inaltéré, comme une ode à ceux qui vont devenir des icônes du rock, à la façon dont ils vivaient et à l’air qu’ils respiraient. Nous racontons l’histoire de ce dernier été avant la Perestroïka, avant que ce contexte environnant ne soit totalement transformé pour devenir la Russie actuelle.

C’est cela qui m’a initialement attiré vers cette histoire : son innocence et sa pureté. Ma génération se souvient vraiment de l’énergie de la Perestroïka, cette période qui suit immédiatement les événements dévoilés dans notre film. Mais en réalité, nous ne connaissons rien de la génération qui nous a précédés et de son don naturel pour la rébellion, de son feu intérieur. Cette génération a été totalement effacée par la Perestroïka qui en a fait des balayeurs ou des gardiens d’immeubles, et il ne restera rien d’eux. 

Mais ici, nous sommes au tout début des années 80. Et en noir et blanc, qui est la seule manière de raconter l’histoire de cette génération, puisque la notion de couleur n’est apparue que plus tard dans l’inconscient collectif russe. Une époque brute et alternative dans laquelle tout le monde est bien en vie : Mike Naumenko et Viktor Tsoï (que la presse soviétique proclamera “ Dernier Héros du Rock ” presque immédiatement après sa mort tragique en 1990). Ce que nous connaissons d’eux aujourd’hui ne s’est produit qu’après le contexte de notre film, et donc dans le futur de nos personnages. Ils en sont encore totalement vierges. Nous empruntons une machine à remonter le temps, et celle-ci s’arrête, juste pour un moment. Dans ce moment, nos héros font ce qu’ils aiment le plus : ils créent de la musique. Comme dans un moment de grâce, suspendu dans le temps et l’espace.

Je dois faire abstraction du troisième acte de la vraie vie de nos personnages, de la façon dont elle finit. Mon but est de faire un film sur des gens qui étaient heureux, qui jouissaient d’une liberté de création totale malgré la pression des autorités. Ils faisaient de la musique, ils ne voyaient pas comment ne pas créer ainsi. Il leur aurait été contre-nature de faire autrement.

Je peux facilement m’identifier à nos héros et comprendre leurs motivations, leurs obstacles. Ce qu’ils faisaient n’est pas étranger à ce que nous faisons aujourd’hui au Gogol Center, dont je suis le directeur artistique. Malgré notre environnement lourdement politisé, nous créons un théâtre moderne, anti-officiel, qui peut aussi être perçu comme un mouvement. Et le plus important, c’est que ce mouvement est vivant. Nous donnons vie à une culture qui est inacceptable à un niveau officiel, dans les codes culturels de notre gouvernement exactement de la même manière que le Leningrad du début des années 80 n’était ni le lieu ni le moment pour une culture rock en URSS.

Je fais ce film à la fois pour et à propos d’une génération qui considère la liberté comme un choix personnel, et comme le seul choix possible. Dans le but de capturer et de souligner la valeur de cette liberté. »

Biopic russe de Kirill Serebrennikov. 6 nominations au festival de Cannes 2018. European Film Award 2018 des meilleurs décors. 4,4 étoiles AlloCiné.


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