Licencié pour s'être fait saisir sa voiture

Si le contrat de travail impose au salarié d’utiliser sa voiture personnelle pour remplir ses obligations contractuelles et que ce véhicule est saisi pour motifs personnels, l’employeur peut suspendre le versement des salaires et licencier le salarié pour cause réelle et sérieuse... 

Extrait de l’arrêt de la Cour de cassation, civile, Chambre sociale du 28 novembre 2018.
Pourvoi n° 17-15379. 

« LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : 

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Y... a été engagé le 6 février 2006 par la société Adrexo en qualité de distributeur ; qu'à compter du mois de mai 2012, il n'a plus disposé de son véhicule automobile ; que le salarié a été licencié le 12 février 2013 ; 

Sur le moyen unique du pourvoi principal du salarié : 

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen : 

1°/ que la lettre de licenciement fixe les termes et les limites du litige, et qu'aucune clause du contrat ne peut valablement décider qu'une circonstance quelconque constituera en elle-même une cause de licenciement ; qu'en statuant comme elle l'a fait, en relevant qu'aux termes de la lettre de licenciement, le licenciement était motivé exclusivement par l'application d'une stipulation du contrat de travail prévoyant « que la possession d'un véhicule est une condition impérative pour pouvoir effectuer votre travail. Il s'agit d'une obligation contractuelle qui vous lie à la société Adrexo

nous sommes contraints de vous licencier par défaut de véhicule rendant impossible l'exécution de votre contrat de travail », la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les articles L. 1232-1 et L. 1235-1 du code du travail ; 

2°/ qu'il ne peut être procédé à un licenciement pour un fait tiré de la vie privée que si celui-ci a créé un trouble caractérisé au sein de l'entreprise rendant impossible la poursuite du contrat de travail ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé « que M. Y... ne conteste pas qu'à compter du mois de mai 2012, il n'a plus disposé de son véhicule, celui-ci ayant fait l'objet d'une saisie, et qu'il n'a pu en acquérir un autre dans les mois qui ont suivi ; qu'il s'ensuit que ne pouvant plus se déplacer pour effectuer ses tournées, il s'est trouvé dans l'impossibilité de remplir ses fonctions de distributeur ; qu'il en résulte que le grief tiré du défaut du véhicule pendant plus de 8 mois constitue bien un manquement à ses obligations contractuelles et en conséquence, une cause réelle et sérieuse de licenciement » ; qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser le trouble objectif rendant impossible la poursuite du contrat de travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1232-1 du code du travail ; 

Mais attendu que la cour d'appel, s'en tenant aux termes de la lettre de licenciement, a constaté que le salarié avait manqué aux obligations résultant de son contrat de travail, qui lui imposait de disposer d'un véhicule, et que ce manquement rendait impossible la poursuite de ce contrat ; que le moyen, qui manque en fait en sa première branche, est inopérant en sa seconde ; 

Mais sur le moyen unique du pourvoi incident de l'employeur : 

Vu l'article L. 1221-1 du code du travail, ensemble l'article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable en la cause ; 

Attendu que pour condamner l'employeur à payer au salarié un rappel de salaire d'octobre 2012 au 12 février 2013, l'arrêt retient qu'il appartenait à l'employeur soit de fournir du travail au salarié, fût-ce autre chose que de la distribution, soit de le licencier ; 

Attendu, cependant, que lorsqu'un salarié n'est pas en mesure de fournir la prestation inhérente à son contrat de travail, l'employeur ne peut être tenu de lui verser un salaire que si une disposition légale, conventionnelle ou contractuelle lui en fait obligation ; 

Qu'en statuant comme elle a fait, alors qu'il résultait de ses constatations que la possession d'un véhicule était exigée par le contrat de travail, qu'elle était nécessaire à l'activité professionnelle du salarié et que ce dernier, du fait qu'il ne disposait plus d'un véhicule automobile à la suite d'une saisie-attribution, était dans l'impossibilité d'exécuter sa prestation de travail, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés ; 

PAR CES MOTIFS : 

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Adrexo à payer à M. Y... les sommes de 1987,84 euros et 198,78 euros au titre du rappel de salaire d'octobre 2012 au 12 février 2013 et des congés payés afférents, l'arrêt rendu le 7 octobre 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ; 

Condamne M. Y... aux dépens ; 

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; 

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; 

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit novembre deux mille dix-huit.

Photo : Onidji - Fotolia.com.

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