Armagnac, un peu d’histoire

L’armagnac est une eau-de-vie de vin produite dans les départements français du Gers, des Landes et de Lot-et-Garonne, avec comme appellations géographiquement plus restreintes le bas-armagnac, l'armagnac-ténarèze (ou ténarèze) et le haut-armagnac. La blanche-armagnac (ou armagnac blanc) partage la même aire de production, mais est une appellation différente. Toutes ces appellations doivent leur nom à l'ancienne province d'Armagnac, qui constitue une partie du vignoble du Sud-Ouest. L'armagnac est produit dès le Moyen Âge, mais sa production massive commence au XVIIe  siècle pour connaître son apogée au XIXe  siècle. Eauze (en Bas-Armagnac) et Condom (en Ténarèze), toutes deux dans le Gers, en sont les centres historiques et économiques...

Moyen-Age
Lors de la conquête musulmane de la péninsule Ibérique, les envahisseurs véhiculent avec eux de nombreux éléments de leur culture. Parmi leurs objets, l'alambic est un élément indispensable de la médecine arabe. La distillation est alors utilisée pour la fabrication de remèdes médicaux, d'huiles essentielles et de parfums. Les premiers distillateurs en France sont d'une part les moines et d'autre part la faculté de médecine de Montpellier dans un but thérapeutique : les premières traces de distillation à destination médicale datent du XIIe siècle.

Vital du Four, qui a fait ses études à Paris puis à Montpellier, écrit en 1310 un traité de médecine (Livre très utile pour garder la santé et rester en bonne forme) dans lequel il cite les 40 vertus de l'eau-de-vie de ses prieurésd'Eauze et de Saint-Mont  : « L'onction fréquente d'un membre paralysé le rend à son état normal. [...] Si on oint la tête, elle supprime les maux de tête, surtout ceux provenant du rhume. Et si on la retient dans la bouche, elle délie la langue, donne l'audace, si quelqu'un de timide en boit de temps en temps. » D'autres ouvrages évoquent l'eau-de-vie comme médicament, notamment De conservanda juventute et retardanda senectute (De l'art de conserver la jeunesse et de retarder la vieillesse)  d'Arnaud de Villeneuve (lui aussi formé à Montpellier, puis médecin du pape Clément V).

La vente d'eau-de-vie est attestée en 1461 sur le marché de Saint-Sever. Le document signale le paiement d'une taxe au-delà de l'équivalent de quatre litres sur le marché, preuve que cette quantité n'était pas rare :

« De même tout homme qui apportera de l'aygue ardente audit marché pour vendre, s'il a deux lots  en sus et avec toutes ses fioles et appareils, qu'il paye et sera tenu de payer un morlan  » - Extrait d'un édit réglementant l'aygue ardente sur le marché de Saint-Sever.

Cette « aygue ardente » (eau ardente) n'était pas vraiment une boisson (les alambics de l'époque en faisaient un produit peu parfumé), mais surtout un remède d'apothicaire. Charles le Mauvais, roi de Navarre, en imbibait sa chemise de nuit sur conseil de ses médecins : le 1  janvier 1387, une chandelle y mit le feu, le brûlant mortellement. Au début du XVI  siècle, en 1515, on voit apparaître en Gascogne la corporation des vinaigriers distillateurs. 

XVIIe  siècle
À partir du début du XVIIe  siècle, la viticulture gasconne est dopée par les achats des marchands hollandais  : la demande de ces derniers encourage la plantation de grandes surfaces de raisin blanc  tout le long de la façade atlantique. Comme à Bordeaux régnait le privilège bordelais (les vins du Bordelais y sont favorisés par rapport à ceux du reste du Sud-Ouest), les Hollandais vont notamment à Bayonne, où les vins des Landes et du Pays basque arrivent par l'Adour en barriques. Pour rentabiliser le transport, les vins produits plus loin à l'est sont distillés, réduisant ainsi le volume : l'eau-de-vie passe du statut de produit médical rare à celui de produit de consommation plus courant. L'armateur offre aux Hollandais à chaque voyage un tonneau de vin brûlé ; si l'eau-de-vie est consommée allongée d'eau ou pure (les Hollandais l'aromatisaient avec du genièvre ), elle sert aussi à augmenter le degré d'alcool du vin par vinage permettant une meilleure conservation du produit durant son transport vers l'Europe du Nord  (les Hollandais, en plus de la consommation à bord et dans les ports, réexportent jusqu'en mer Baltique).

À cette même époque, la recherche de moyens de transports de masse à coût raisonné conduit à créer des ports fluviaux et à rendre navigables les cours d'eau. Ce sera le cas, entre autres, de l'Adour et de son affluent la Midouzepour les bas-armagnacs et de la Baïse pour ceux de la Ténarèze. Un port est même créé de toutes pièces au lieu-dit « vimport » sur l'actuelle commune de Tercis-les-Bains, tout comme à Mont-de-Marsan, à Lavardac puis à Condom. Pour gagner les ports, le transport par char à bœufs est toutefois nécessaire dans une région aux rivières de petite taille.

À la mise en culture de grandes surfaces de vigne, s'ajoutent les progrès de la distillation. De notables évolutions font arriver jusqu'à aujourd'hui le nom de leurs inventeurs : Porta, Nicolas Lefèvre ou Christophe Galzer. En 1600, Olivier de Serres cite l'« enrageat », ou « piquepoult » (à ne pas confondre avec le picpoul), plus connu aujourd'hui sous le nom de folle-blanche, comme cépage utilisé pour la distillation. Cet agronome est huguenot, comme Salluste de Bartas ; lassés des massacres dont ils ont été témoins durant les guerres de religions, ils se retirent sur leur domaine qu'ils font prospérer grâce à leur connaissance et à l'apport de techniques nouvelles.

XIXe  siècle
L'essor du commerce de l'eau-de-vie, qui profite notamment des périodes de conflits tel que la guerre d'indépendance des États-Unis , les guerres de la Révolution française et celles de la période napoléonienne (les eaux-de-vie sont recherchées aux armées et dans la marine pour leur faible volume), entraîne de nouvelles améliorations des alambics. L'alambic armagnacais est progressivement développé par Antoine de Mélet, marquis de Bonas, au tout début du XIX  siècle, ce nouveau modèle produisant en plus grande quantité et surtout avec un bien meilleur goût. Un nouveau progrès est le fait en 1818 (date du dépôt du brevet ) de Jacques Tuillière, poêlier à Auch, avec un modèle d'alambic à colonne. Finalement le modèle est perfectionné en 1872 par Alphée Verdier , un producteur de Monguilhem qui a donné son nom au « système Verdier » encore utilisé actuellement.

L'habitude de faire vieillir volontairement les armagnacs dans des fûts de chêne pour les teinter et leur donner du goût date du XIX  siècle, au cours duquel l'armagnac est considéré comme de qualité inférieure au cognac (se vendant donc moins cher ), mais supérieure aux autres. Jules Seillan fournit même un classement des eaux-de-vie de vin françaises  : « 1° Fine-Champagne, 2° Champagne, 3° Petite-Champagne, 4° 1  Bois, 5° 2  Bois-Borderies, 6° Bas-Armagnac, 7° Saintonge, 8° Saint-Jean d'Angély, 9° Ténarèze-Armagnac, 10° Surgères, 11° Haut-Armagnac, 12° Rochelles-Aigrefeuilles, 13° Rochelles, 14° Marmande, 15° Pays, 16° 3/6 Languedoc. » Le phylloxéra arrive dans le Cognaçais en 1879, entraînant une forte hausse de la demande et des prix de l'eau-de-vie, au grand bénéfice de l'armagnac. La maladie arrive dans le Gers à partir de 1893, moment de l'apogée du vignoble d'Armagnac en termes de superficie avec 100 000 hectares (il est alors le premier département viticole ), alors essentiellement plantés avec du « piquepoût » (ou folle-blanche), du « clairet », de l'« attrape-gourmand » et de la « malvoisie » (ou « muscatelle » ou « muscat bleu »)  ; le rhum et les alcools de grain remplacent l'armagnac comme eau-de-vie courante le temps de replanter les vignes. L'encépagement change, car la folle blanche pose des problèmes pour la greffer , d'où le développement du baco blanc (dû à l'instituteur landais François Baco) et de l'ugni blanc (en provenance du Cognaçais).

XXe  siècle
En 1909, la zone de production des eaux-de-vie d'Armagnac est délimitée , ainsi que sa subdivision en trois régions, par un décret  signé par le président Armand Fallières (qui est natif de la partie du Lot-et-Garonne produisant l'eau-de-vie, d'une famille possédant des vignes). Les appellations contrôlées « armagnac », « bas-armagnac », « ténarèze » et « haut-armagnac » datent de 1936. Le Bureau national interprofessionnel de l'Armagnac (BNIA) est créé par un arrêté  de 1941 dans le cadre de la politique corporatiste du gouvernement de Vichy et surtout de la gestion de la pénurie due à l'Occupation (le Bureau assure la répartition du sulfate de cuivre, du soufre, des piquets et du fil de fer). Ces textes n'empêchent pas la réduction de la surface plantée, mis à part de légères reprises au lendemain de la Seconde Guerre mondiale et au début des années 1970 : les producteurs réagissent à la baisse de la demande en arrachant leurs vignes ou en les reconvertissant (en replantant ou bien par surgreffage) pour produire du vin de pays (aujourd'hui dénommé IGP). Les vignes disparaissent presque totalement du Haut-Armagnac.

En 1962, l'État refond sous sa tutelle le BNIA  chargé de la promotion du produit (ainsi que de l'assistance technique, l'encadrement des contrats et le contrôle), malgré l'opposition entre producteurs et négociants ) ; le siège du BNIA est à Eauze. Quelques mesures sont prises pour modifier la production et améliorer les ventes d'armagnac : un décret de 1972 autorise la production d'armagnac avec des alambics à double-chauffe , ceux utilisés pour faire le cognac. En 1981, le musée municipal de Condom est transformé en musée de l'Armagnac. En 1992, l'emploi du baco blanc est interdit  à partir de la récolte 2010 car il s'agit d'un hybride producteur direct et qu'ainsi l'encépagement se rapprocherait de celui du cognac (cette mesure est abandonnée quelques années plus tard). En 1994, l'appellation « ténarèze » prend le nom d'« armagnac-ténarèze  », commercialement plus valorisante.

XXIe siècle
Le décret de 2003 sur l'armagnac  redéfinit les aires d'appellation, réduisant l'appellation haut-armagnac en excluant les communes du Gers au sud de Marciac et de Mirande et les communes du Lot-et-Garonne à l'est de Francescas. Le décret de 2005  réforme l'intégralité de celui de 1936, avec l'augmentation des densités de plantation (qui passent à 3 000 pieds par hectare, mais avec dérogation jusqu'en 2029), le maintien du cépage baco blanc et la création d'une nouvelle appellation, la « blanche-armagnac » (l'armagnac blanc). La même année, le BNIA échoue à obtenir l'obligation d'embouteiller dans l'aire d'appellation, par un amendement proposé par un sénateur local (Aymeri de Montesquiou) finalement refusé. Un arrêté de 2007 sur le vieillissement de l'armagnac  soumet désormais les stocks d'eaux-de-vie armagnacaises à des contrôles, avec notamment le suivi des « comptes d'âge »  (avec des déclarations et des certificats) par le BNIA.

En 2010, le BNIA a organisé l'anniversaire des 700 ans du traité de Vital du Four, pris comme acte fondateur de l'eau-de-vie en Armagnac, pour faire parler de l'appellation.

Texte sous licence CC BY-SA 3.0. Contributeurs, ici. Photo : Castarede.

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