Caution avertie : les compétences qui le justifie doivent être précisées

Une femme, en tant que caution solidaire de son mari gérant de société, est appelée, suite à liquidation judiciaire, à rembourser à la banque les sommes que la société lui devait. En appel, la femme est condamnée à rembourser mais la Cour de cassation casse le jugement. En effet, les juges d'appel n'ont pas précisé les compétences qui faisaient de la femme une caution avertie...

Extrait de l’arrêt de la Cour de cassation, civile, Chambre commerciale du 13 septembre 2017.
Pourvoi  n° : 15-20294. 

« LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : 

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par un acte du 29 novembre 2005, Mme X..., compagne de M. Y..., gérant de la société Alpes Auto Moto (la société), s'est rendue caution solidaire des sommes pouvant être dues par celle-ci à la société BNP Paribas (la banque), dans la limite de 480 000 euros en principal, pénalités et intérêts de retard ; que la société ayant été mise en redressement puis liquidation judiciaires, la banque a déclaré sa créance et a assigné en paiement la caution, qui a invoqué la disproportion de son engagement et recherché la responsabilité de la banque pour manquement à son devoir de mise en garde ; 

Sur le premier moyen : 

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de déclarer son engagement de caution valable et de la condamner à payer à la banque la somme principale de 120 102,94 euros alors, selon le moyen : 

1°/ que la banque qui ne s'est pas enquise auprès de la caution elle-même de sa situation patrimoniale ne peut ensuite reprocher à celle-ci de ne pas démontrer que son engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus ; d'où il suit qu'en statuant comme elle l'a fait quand la banque ne justifiait pas avoir demandé à Mme X... de souscrire une déclaration de revenus et de patrimoine préalablement à la signature du cautionnement du 29 novembre 2005, la cour d'appel a violé l'article L. 341-4 du code de la consommation, ensemble l'article 1134, alinéa 3, du code civil ; 

2°/ que les concubins ne se représentent pas mutuellement ; qu'en se fondant dès lors exclusivement sur la fiche de renseignements remplie par M. Y..., concubin de Mme X..., pour en déduire que l'engagement souscrit par cette dernière à hauteur de 480 000 euros n'était pas manifestement disproportionné aux biens et revenus de la caution, la cour d'appel a violé les articles 515-9 et 1984 du code civil ; 

Mais attendu, en premier lieu, que si l'article L. 341-4, devenu L. 332-1 et L. 343-3, du code de la consommation, interdit à un créancier professionnel de se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation, ce texte ne lui impose pas de vérifier la situation financière de la caution lors de son engagement, laquelle supporte, lorsqu'elle l'invoque, la charge de la preuve de démontrer que son engagement de caution était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus ; 

Attendu, en second lieu, que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de preuve produits que la cour d'appel, après avoir relevé que Mme X... ne verse aux débats aucune pièce relative à sa situation financière et patrimoniale en 2005, a retenu l'existence et l'importance des biens et revenus de cette dernière au jour de son engagement en se fondant sur la fiche de renseignement préalablement remplie par M. Y... et en a déduit que son engagement de caution n'était manifestement pas disproportionné par rapport à ses biens et revenus ; 

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ; 

Mais sur le second moyen, pris en sa première branche : 

Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ; 

Attendu que pour condamner Mme X... à payer à la banque la somme de 120 102,94 euros, outre intérêts, et rejeter ses demandes de dommages-intérêts fondées sur le manquement de la banque à son devoir de mise en garde, et de compensation, l'arrêt retient, par motifs adoptés, que Mme X..., attachée de direction, devait, au regard de ses compétences professionnelles, être considérée comme une caution avertie et qu'elle ne pouvait se méprendre sur ses obligations ; 

Qu'en se déterminant par ces motifs qui, faute de préciser de quelles compétences il s'agit, sont impropres à établir que la caution était avertie, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ; 

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs : 

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne Mme X... à payer à la société BNP Paribas la somme de 120 102,94 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 18 juin 2009, et rejette ses demandes de dommages-intérêts fondées sur le manquement de la banque à son devoir de mise en garde, et de compensation, l'arrêt rendu le 7 avril 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ; 

Condamne la société BNP Paribas aux dépens ; 

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros ; 

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; 

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du treize septembre deux mille dix-sept. »

Photo : Kzenon - Fotolia.com.

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