Lumière ! L’aventure commence

En 1895, les frères Lumière inventent le Cinématographe et tournent parmi les tout-premiers films de l’histoire du cinéma. Mise en scène, travelling, trucage ou remake, ils inventent aussi l’art de filmer. Chefs-d’œuvre mondialement célèbres ou pépites méconnues, cette sélection de films restaurés offre un voyage aux origines du cinéma. Ces images inoubliables sont un regard unique sur la France et le Monde qui s’ouvrent au 20e siècle. Lumière, l’aventure du cinéma commence...

Entretien de Philippe Rouyer avec Thierry Frémaux le réalisateur

Quelle est l’origine du film ?
L’origine de Lumière !, c’est le désir que les films réalisés avec un Cinématographe retrouvent les salles de projection et le public. Au départ, une « vue Lumière », c’est cinquante secondes. La séance Lumière type, c’était une dizaine de films, soit environ une demi-heure, le temps de recharger l’appareil.

Globalement, ces films n’ont jamais été montrés ailleurs que dans les salles de Cinématographe de l’époque. Il y eut des projections événementielles, des hommages, le centenaire de 1995, mais il fallait trouver un moyen de les projeter désormais sur grand écran, et les rendre accessibles à tous. Il fallait donc fabriquer un long métrage, tel qu’on l’entend aujourd’hui, et rendre possible des projections commerciales.

Faire « un » film Lumière avec « des » films Lumière. Une centaine de films ont été choisis et, pour ce premier voyage, classés par thèmes qui disent ce qu’a été le cinéma de Lumière. Autre parti-pris : écrire un commentaire pour éviter au spectateur de passer à côté du mystère, de la technique et de la beauté de ces films. Dans les autres arts (peinture, musique, littérature, poésie), j’aime que l’on m’explique, qu’on me livre des hypothèses, des analyses. Quitte à prendre le temps d’y réfléchir après et de revenir sur les œuvres – ce qu’il faut faire absolument ! Dans la même perspective de permettre au public d’accéder aux œuvres dans les meilleures conditions, mes commentaires sont accompagnés de la musique de Camille Saint-Saëns, un contemporain des Lumière.

Car une énigme demeure : au vu de leurs films, il est difficile de penser que les Lumière ignoraient ce qui les entourait. Mais nous n’en savons rien : il n’y a aucune archive. Ce serait très beau de découvrir qu’ils connaissaient parfaitement la peinture et la photographie de leur temps ; mais ce serait encore plus fort d’apprendre que ce n’était pas le cas, qu’ils en ignoraient tout et qu’ils ont tout réinventé dans leur coin, à s’inspirer parfois de sujets similaires à ceux de Cézanne ou aux photos des frères Bisson.

A quand remonte la genèse de ce film ?
D’abord à 1982, lors de la conférence de presse qui annonçait la création de l’Institut Lumière, à Lyon, où j’ai découvert La Sortie des usines Lumière. J’étais dans la salle et j’ai vu le premier film, pour la première fois. J’en suis immédiatement tombé amoureux.

C’est très beau quand vous êtes cinéphile et que vous découvrez le premier film. C’est à partir de ce moment que je me suis demandé comment montrer ces films Lumière et que l’idée d’en faire un long métrage a germé. Bertrand Tavernier, qui est Président de l’Institut Lumière, et deux collaborateurs proches, Maelle Arnaud et Fabrice Calzettoni, m’ont incité à le faire.

Je l’ai conçu d’abord comme un événement, avec un commentaire live, et je l’ai montré beaucoup à travers le monde depuis vingt ans. Ces dernières années, nous avons décidé de penser à une sortie en salle, qui est la seule légitimité, et de repenser musique et commentaires. 

Ce qui est étonnant, c’est de prendre conscience que sur dix ans (1895-1905), Lumière essaie tout…
Oui. Le reportage de voyage comme le film familial, le film expérimental (à travers un bocal de poissons) et bien sûr la comédie dont L’Arroseur arrosé est l’exemple le plus connu. Après, il y a beaucoup de choses qu’on ignore. Comment Lumière s’adressait à ses « acteurs », à quel moment il a découvert l’intérêt du montage.

Dans les derniers films, comme celui avec l’accident d’automobile, c’est très conscient ; il colle un plan après un autre – et Méliès est déjà passé par là. Mais avant, il y  avait eu du montage involontaire quand il arrêtait la manivelle puis reprenait, réalisant ainsi un autre plan. Par ailleurs, on parle toujours de Lumière pour désigner tous les films produits par la firme.

Mais on sait que parfois c’est Louis qui filmait (jamais Auguste qui n’a réalisé qu’un seul film) et que pour les autres, c’était des opérateurs dont on peut d’ailleurs reconnaître le style et que je cite au générique : Gabriel Veyre, le plus fort d’entre eux, Alexandre Promio, qui eut une grande importance, Constant Girel, Félix Mesguich, Marius Sestier, Francesco Felicetti et Charles Moisson. Veyre a sans doute signé les plus beaux films, notamment au Vietnam et au Mexique. Louis Lumière cadrait très bien. D’autres font cela moins bien. Tout cela compose la filmographie Lumière. 

Documentaire de Thierry Frémaux. 4,2 étoiles AlloCiné.


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