Le kyudo : l’art martial japonais issu du tir à l'arc

Le kyudo est un art martial Japonais (budo), issu du tir à l'arc guerrier (kyujutsu). Cette discipline se singularise de sa contrepartie occidentale par les influences mélangées propres à la culture japonaise: le zen, le Confucianisme, mais aussi le taoïsme et shintoisme. Le kyudo est une des voies martiales japonaises, cherchant le développement de la discipline du corps et du groupe, par la maîtrise des gestes et le respect de l'étiquette. Le pratiquant recherche un mouvement parfait, pour pouvoir transcender à la fois l'esprit et le corps... 

Le principe consiste à percer une feuille de papier servant de cible, avec un minimum de tension musculaire et un maximum d'énergie spirituelle, ki. La gestuelle esthétique résulte d'une chorégraphie codifiée. Atteindre précisément la cible est la conséquence de l'équilibre correct d'un corps et d'un esprit disciplinés et harmonisés. Le deuxième pendant de cette discipline est le développement du tir dans un comportement social entre archers, c'est-à-dire l'étiquette : un tir ne se déroule pas sans qu'un archer ne tienne compte du contexte, de l'environnement et des personnes présentes.

Étymologie
Le mot « kyudo » est composé de deux idéogrammes (kanji) signifiant kyu : arc et do : voie. « Kyudo » se traduit par « la voie de l'arc ». Comme pour tout mot composé de leur langue, les japonais se servent de vieux vocables chinois plutôt que de leurs prononciations autochtones. « kyu » (arc) est l'ancien vocable chinois, alors que « yumi » (arc) est le vocable japonais désignant l'arc en général. Son idéogramme est une clé de la composition d'autres idéogrammes (comme un préfixe) et signifie la force. La voie (do) ici est la même qui se retrouve dans judo, kendo, etc. Elle désigne une discipline et un chemin d'accomplissement.

Histoire
On a retrouvé des vestiges d'arcs vieux de deux mille ans. Utilisé autant pour la chasse que pour la guerre, l'arc était l'unique arme capable de tuer à distance et fut une des armes de prédilection des guerriers japonais (kyujutsu) avec le sabre, surtout entre le XII  siècle et le XVI  siècle. Il disparaît alors peu à peu au profit du mousquet, importé par les Portugais. Cette école de guerre nommée alors kyujutsu, s'est distinguée sous un nom d'école : heikiryu. Bien que cette technique de combat ait été perpétuée jusqu'à nos jours, en gardant ses gestes millénaires, elle a néanmoins perdu un certain sens en l'absence de combat avec des arcs.

Parallèlement au développement de celle-ci, une autre école de tir à l'arc s'est développée : l'Ogasawa-ryu. Cette dernière délaisse complètement l'aspect guerrier de l'arc pour ne retenir que son aspect symbolique, et l'utilise dans les rituels. Très proche des prêtres shintos, cette école use des pouvoirs magiques assimilés à l'arc dans la tradition japonaise. Ainsi, on baptise la construction de tout nouvel édifice au Japon par un lancé de flèches purificatrices, avant d'installer un arc sur le toit de la maison. De même, lors d'une naissance, on peut demander un tir de purification. On connaît aussi la danse de l'arc des sumos, qui a la même vocation.

Depuis la Seconde Guerre mondiale, kyudo a souvent été associé au bouddhisme zen . Mais toutes les écoles kyudo ne comprennent pas une composante religieuse ou spirituelle. Cette vue populaire est probablement le résultat d'un livre  Le Zen dans l'art chevaleresque du tir à l'arc, titre original : Zen in der Kunst des Bogenschießens, (1948) de l'auteur allemand Eugen Herrigel . Herrigel ne parlait qu'un peu japonais, en utilisant généralement un traducteur pour parler avec son professeur. Sa vue sur kyudo était en partie due à une mauvaise communication et à son exposition à une forme contemplative de kyudo. Même si, le livre de Herrigel, traduit en japonais en 1956, a eu un énorme impact sur la perception de kyudo également au Japon.

Le terme kyudo fait son apparition dans diverses écoles dès le XVII  siècle. Ce n'est qu'après la Seconde Guerre mondiale à la suite du désarmement imposé par l'occupant américain, qu'une fédération japonaise de kyudo (la Zen Nippon Kyudo Renmei ) voit le jour. Elle se donne pour objectif de normaliser les enseignements divers donnés par les différentes écoles mais aussi d'établir une pratique commune entre elles et permettre des manifestations communes. Elle définit le « Kyudo Moderne » issu des cultures traditionnelles du kyudo dans lesquels il puise les éléments essentiels de chaque écoles. Cette volonté permet au kyudo actuel de conserver sa richesse historique et de continuer à développer son raffinement. Cette normalisation est éditée sous forme de livres (volumes) : le Kyudo Kyohon, qui est traduit officiellement en anglais. Une adaptation a été faite en français : Manuel de Kyudo. Ce manuel sert aussi bien au débutant qu'au tireur avancé. Rédigé et amélioré régulièrement par les sensei de la fédération japonaise (ANKF), maîtres de la discipline, il est une source et une référence pour la pratique du kyudo. Cet ouvrage est accessible auprès des fédérations membres de la fédération internationale (IKYF).

Il existe aujourd'hui des fédérations de kyudo aux États-Unis et en Europe, les fédérations européennes sont affiliées au Japon par l'intermédiaire de la Fédération européenne de Kyudo .

2006 voit la création d'une Fédération Internationale de kyudo : IKYF (International Kyudo Federation). 17 fédérations de différents pays sont membres de l'IKYF : Le Japon, l'Autriche, la Belgique, la Finlande, la France, l'Allemagne, le Royaume-Uni, l'Islande, l'Italie, le Luxembourg, les Pays-Bas, la Norvège, le Portugal, l'Espagne, la Suisse, la Suède et les États-Unis.

La synthétisation du kyudo par la Zen Nippon Kyudo Renmei n'a pas été créée au détriment des koryu (écoles ancestrales). Les traditions des différentes koryu sont précieusement entretenues par ceux qui les pratiquent et transmises ainsi parallèlement aux objectifs de développement de la fédération japonaise. Les deux pratiques coexistent sans se nuire.

Pratiquants et enseignements
En mars 2014, il y avait 140 000 pratiquants au Japon, dont 74 000 hommes et 66 000 femmes d’après les chiffres de la fédération . Le kyudo compte de plus en plus de pratiquants en Europe (adhérents fédérés : 2 200), mais il est encore très restreint, leur nombre restant difficile à évaluer, de nombreux groupes n'étant pas fédérés. Aux États-Unis leur nombre est encore plus confidentiel (environ 250). On estime qu'il y a autant d'hommes que de femmes qui pratiquent le kyudo.

L'enseignement est bénévole, sauf dans de rares dojos privés qui perpétuent généralement une école traditionnelle particulière. Au Japon et dans le cadre de la fédération japonaise (ANKF), le kyudo est une pratique universitaire où l'on obtient une note de fin d'année. Dans la pratique courante, de nombreuses compétitions existent au Japon. Celles-ci tendent aussi à se répandre également ailleurs.

L'enseignement traditionnel s'inscrit dans la relation très asiatique du maître et de l'élève ou sensei/kohai. La transmission n'existe pas en dehors de cette relation. Le maître affermit l'élève dans la juste acquisition des gestes et postures. Il enseigne non pas en démontrant, mais en montrant le geste correct, en incarnant le modèle à suivre. Il pourra aussi le cas échéant, intervenir directement sur un pratiquant, en corrigeant sa posture. Le seul discours logique revient toujours aux hassetsu ; bien entendu, des remarques sont aussi formulées, mais jamais professées. Lorsqu’un européen découvre cet apprentissage, il est confronté à un non dit qui n'a pas de substance. Le caractère de cet apprentissage désoriente les occidentaux pour qui un apprentissage devrait être contradictoire et mentalement assimilable.

La pratique du kyudo
La fédération internationale  définit le kyudo par deux courts textes anciens  : le Raiki Shagi et le Shaho Kun. Ils traitent entre autres de l'attitude juste pour tirer, de la condition mentale du tireur, de l'archétype dans l'ouverture de l'arc, de la séparation de la flèche et du tireur. Cette définition permet de différencier le kyudo avec d'autres types de tirs qui se feraient aussi avec un arc de kyudo. Son expression la plus concrète se matérialise à travers des formes de tirs en groupes appelés « sharei ». Dans un sharei l'harmonie entre les tireurs, la justesse d'un tireur dans son tir et par rapport aux autres sont mises en évidence.

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Photo : Peter 111.


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