Responsabilité d'une banque envers une caution

Une banque accorde à une société un prêt cautionné par une personne physique. La société étant par la suite mise en liquidation judiciaire, la banque appelle la caution en remboursement conformément à ses engagements. Cette dernière, en retour, demande en justice des dommages et intérêts car la banque, avant la liquidation de la société, n’aurait pas respecté sa convention d’autorisation de découvert en rejetant des chèques émis par la société aggravant de ce fait sa situation financière et privant ainsi la caution d’une chance de ne pas être poursuivie en paiement ou d'être poursuivie pour un plus faible montant. Les juges d’appel rejettent cette argumentation, mais la Cour de cassation censure la décision d’appel, la jugeant sans base légale : pour rejeter la demande de la caution, il aurait fallu que les juges précisent la raison pour laquelle la rupture fautive des concours consentis, qui avait causé des difficultés financières à la société cautionnée, n'avait pas aussi de ce fait fait perdre une chance à la caution de ne pas être appelée en garantie...

 

Arrêt de la Cour de cassation, civile, Chambre commerciale du 13 septembre 2016.
Pourvoi n° 14-22373.
 

« LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : 

Sur le moyen unique, pris en sa première branche : 

Vu l'article 1382 du code civil ; 

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 30 mars 2005, la Société générale (la banque) a consenti à la société Les Vignobles français (la société), qui avait ouvert un compte dans ses livres, une autorisation de découvert ; que le 8 avril 2005, M. X... (la caution) s'est rendu, dans une certaine limite, caution solidaire de tous les engagements de la société ; que les 14 avril 2007 et 20 avril 2010, la banque a accordé deux prêts à la société, le second étant garanti, dans une certaine limite, par le cautionnement solidaire de la caution ; que le 22 juillet 2010, la société a été mise en redressement judiciaire, ultérieurement converti en liquidation judiciaire ; que la banque a assigné en exécution de ses engagements la caution, qui a recherché sa responsabilité pour rupture abusive de crédit ; 

Attendu que pour rejeter la demande de dommages-intérêts de la caution et la condamner à payer à la banque diverses sommes au titre de ses engagements des 8 avril 2005 et 31 mars 2010, l'arrêt, après avoir relevé que la banque n'a pas respecté l'autorisation formelle de découvert en compte entre le 30 mars 2005 et le 31 mars 2010, des chèques ayant été rejetés entre novembre 2009 et début 2010, et que ce manquement a nécessairement fait supporter à la société des difficultés financières supplémentaires dans un contexte déjà fragilisé, retient qu'aucune circonstance ne permet de soutenir avec une totale certitude que ces agissements ont fait perdre à la caution une chance de ne pas être poursuivie ; 

Qu'en se déterminant ainsi, sans préciser la raison pour laquelle la rupture fautive des concours consentis pendant une certaine période, qui avait causé des difficultés financières à la société, n'avait pas également, de ce fait, fait perdre une chance à la caution de ne pas être appelée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ; 

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs : 

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 avril 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Metz ; 

Condamne la Société générale aux dépens ; 

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ; 

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; 

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du treize septembre deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt 

Moyen produit par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour M. X... 

Il est fait grief à l'arrêt informatif attaqué d'AVOIR débouté M. X... de sa demande de dommages et intérêts pour rupture abusive de crédit et de l'AVOIR condamné à payer à la Société Générale la somme de 46. 127, 21 euros au titre de son engagement de caution du 8 avril 2005 et la somme de 17. 038, 27 euros au titre de son engagement de caution du 31 mars 2010 ; 

AUX MOTIFS QUE sur la prétendue responsabilité de la Société Générale pour rupture abusive de crédit ; que la Société Générale fait grief aux premiers juges d'avoir fait droit à la réclamation de la partie adverse sur ce point, en observant :- qu'elle n'a nullement dénoncé ses concours, à telle enseigne que pour permettre à la société LVF d'apurer le découvert qu'elle entretenait anormalement en dehors de la limite autorisée, elle lui a consenti un prêt de 30. 000 euros remboursable sur trois ans puis lui a proposé d'échelonner sur six mois l'apurement du découvert subsistant de 7. 962, 23 euros ;- que les rejets de chèques survenus entre le 6 octobre 2009 et le 1er février 2010 résultant d'un dysfonctionnement de ses services, le plafond de 38. 000 euros ayant été rétabli début février 2010 ;- que quoi qu'il en soit, ces rejets ont nécessairement aucun rapport avec les faits dont l'épouse de la caution a été victime les 2 et 4 mars 2010 et n'ont en aucun cas pu être à l'origine de l'ouverture de la procédure collective ;- que la procédure de redressement judiciaire a été ouverte le 22 juillet 2010 et converti en liquidation juridique le 6 octobre 2011 avant de faire l'objet d'un plan de cession avant le 30 novembre suivant ;- qu'il n'est nullement démontré que sans ces rejets de chèques, la société LVF n'aurait pas été défaillante ;- qu'elle n'est absolument pas responsable du fait que les cuves de la société LVF se sont retrouvées vide le 25 mars 2010 puisqu'elle a bien procédé en temps utile aux virements demandés par cette société les 11 et 20 mars précédents en faveur des vignerons de Montfrin d'une part et des Transport Veynat, d'autre part ; que M. Michel X... réplique :- que la Société Générale est responsable des conséquences matérielles, faisant suite aux agissements de son personnel ;- que la société LVF s'est ainsi trouvée dans l'impossibilité d'assurer les prestations régulières alors qu'elles faisait l'objet de commandes importantes de la part des clients référencés de longue date dans l'entreprise et représentant la majorité de son activité annuelle ;- que le tribunal a considéré à juste titre qu'il y avait rupture abusive de crédit et que la Banque devait être condamnée à lui régler des dommages et intérêts à hauteur des sommes dues, ayant par surcroît à se compenser avec celles-ci ; qu'il ressort des éléments produits aux débats que la société LVF était bénéficiaire d'une autorisation formelle de découvert en compte de 38 000 euros entre le 30 mars 2005 et le 31 mars 2010 ; que par ailleurs, en ne contestant pas qu'à la suite d'une dysfonctionnement de ses services des chèques ont été rejetés entre novembre 2009 et début 2010, il est constant que cette autorisation n'a pas été respectée ; que ce manquement avéré de la banque a nécessairement fait supporter à la société LVH des difficultés financières dans un contexte déjà fragilisé ; que cependant, aucune circonstance ne permettant de soutenir avec une totale certitude que ces agissements ont fait perte à M. Michel X... une chance de ne pas être poursuivi en paiement en tant que caution, la Cour n'entend pas faire droit à ce chef de réclamation ; 

1°) ALORS QUE la banque qui rompt brutalement ses concours et aggrave la situation de la société cautionnée prive la caution d'une chance de ne pas être poursuivie en paiement ou d'être poursuivie pour un plus faible montant ; qu'en déboutant la caution de sa demande de dommages et intérêts dirigée contre la Société Générale cependant qu'elle constatait elle-même que la banque n'avait pas respecté l'autorisation de découvert consentie à la société LVH et que « ce manquement avéré de la banque à ses obligations a [vait] nécessairement fait supporter à la société LVH des difficultés financières dans un contexte fragilisé » (arrêt, p. 5, § 3) ce dont il résultait que la banque avait, à tout le moins, fait perdre une chance à la caution ne pas être poursuivie en paiement ou d'être poursuivie pour un plus faible montant, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a ainsi violé 1147 du Code civil ; 

2°) ALORS QUE la chance implique un aléa ; qu'en jugeant, après avoir relevé que « manquement avéré de la banque à ses obligations a [vait] nécessairement fait supporter à la société LVH des difficultés financières dans un contexte fragilisé », qu'« aucune circonstance ne permettant de soutenir avec une totale certitude que ces agissements avait fait perdre à M. Michel X... une chance de ne pas être poursuivi en tant que caution » (arrêt, p. 5, § 3), cependant que la chance de ne pas être poursuivie en paiement perdue par la caution était nécessairement affectée d'un aléa de sorte que le seul accroissement du risque de ne plus pouvoir faire face à ses obligations en raison de difficultés financières causées par la faute de la banque subi par le débiteur établissait la chance perdue, la Cour d'appel a exigé la preuve de la certitude d'un évènement par nature affecté d'un aléa et a ainsi violé l'article 1147 du Code civil ; 

3°) ALORS QU'en toute hypothèse, la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu'en relevant, d'une part, que le « manquement avéré de la banque à ses obligations a [vait] nécessairement fait supporter à la société LVH des difficultés financières dans un contexte fragilisé » et d'autre part qu'« aucune circonstance ne permettant de soutenir avec une totale certitude que ces agissements avait fait perdre à M. Michel X... une chance de ne pas être poursuivi en tant que caution » (arrêt, p. 5, § 3), la Cour d'appel s'est contredite et a ainsi violé l'article 455 du Code de procédure civile.»

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