Refuser un changement de ses conditions de travail peut aboutir à un licenciement pour faute grave

Un standardiste, employée administrative, est promue secrétaire et assistante commerciale. Quelques année plus tard, elle est affectée sur le poste de standardiste et assistante véhicule d’occasion. Nouvellement désignée comme déléguée syndicale elle refuse cette affectation. Une première procédure de licenciement est engagée mais n’abouti pas après refus de l’inspecteur du travail. La salariée perd peu de temps après son mandat de déléguée syndicale et une nouvelle procédure de licenciement est engagée contre elle au motif d’insubordination constituant une faute grave car elle persiste à refuser sa nouvelle affectation. Elle conteste ce licenciement mais la Cour d’appel puis la Cour de cassation lui donne tort. Selon elles, l’insubordination est caractérisée et le changement d’affectation ne représentait qu’un simple changement de ses conditions de travail...

Arrêt de la Cour de cassation, civile, Chambre sociale du 6 janvier 2016.
Pourvoi n° 14-20109.

« LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 27 novembre 2013), que Mme X..., engagée le 3 avril 2006 par la société Riondel VI, aux droits de laquelle se trouve la société Gap VI, en qualité de standardiste, employée administrative, échelon 3, a été promue par avenant du 1er février 2007 au poste de secrétaire et assistante commerciale, statut employée, échelon 6 ; que l'employeur l'a informée le 19 mars 2010 qu'elle serait affectée sur le poste de standardiste et assistante véhicule d'occasion ; que, le 30 mars 2010, le syndicat CGT a désigné Mme X... en qualité de délégué syndical ; que la salariée ayant refusé sa nouvelle affectation, l'employeur l'a convoquée le 14 avril 2010 à un entretien préalable fixé au 26 avril 2010, avec mise à pied conservatoire, puis a sollicité de l'autorité administrative le 30 avril 2010 l'autorisation de procéder à son licenciement ; que la décision de refus d'autorisation du 1er juillet 2010 a été annulée par le ministre du travail le 17 décembre 2010, au motif que l'autorité administrative n'était pas compétente pour statuer sur la demande, la salariée ayant perdu en juin 2010 la qualité de délégué syndical; que la salariée a été licenciée pour faute grave le 7 janvier 2011, en raison de son refus d'accepter sa nouvelle affectation ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale ;

Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de dire son licenciement justement prononcé pour faute grave et de la débouter de ses demandes, alors selon le moyen :

1°/ que la lettre de licenciement fixe les limites du litige ; que la lettre de licenciement ne faisait état d'aucun fait postérieur à avril 2010 ; que, partant, en retenant des faits non visés par la lettre de licenciement, postérieurs au mois d'avril 2010, pour dire fondé le licenciement pour faute grave de Mme X..., la cour d'appel a violé l'article L. 1232-6 du code du travail ;


2°/ qu'en outre, aucune modification de son contrat de travail ou changement de ses conditions de travail ne peut être imposé à un salarié protégé ; que la cour d'appel a relevé que Mme X... avait été désignée déléguée syndicale le 30 mars 2010, qu'elle avait été licenciée pour avoir refusé au mois d'avril 2010 de rejoindre le nouveau poste auquel elle avait été affectée, le dernier refus visé par la lettre de licenciement datant du jour de l'entretien préalable, soit le 26 avril 2010, et qu'elle avait perdu la qualité de salariée protégée après les élections professionnelles du 16 juin 2010 ; qu'en disant néanmoins fautif le refus opposé par Mme X... à un changement de ses conditions de travail alors qu'elle avait la qualité de salariée protégée, et fondé le licenciement pour grave subséquent, la cour d'appel a violé les articles L. 2411-1, L. 1235-3, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;

3°/ que, en tout état de cause, le refus par un salarié d'un changement de ses conditions de travail, s'il caractérise un manquement à ses obligations contractuelles, ne constitue pas à lui seul une faute grave ; que cependant, pour dire que le licenciement de Mme X... « avait justement été prononcé pour faute grave », la cour d'appel a expressément retenu que « le licenciement pour faute grave est justifié dès lors que le fait de refuser une affectation sur un poste qui ne constituait pas une modification de son contrat de travail mais une modification de ses conditions de travail relevant du pouvoir de direction de l'employeur, qui était fondé à refuser de rédiger un avenant, constituait un acte d'insubordination caractérisé ne permettant pas son maintien dans l'entreprise », se bornant à mettre en exergue le refus par Mme X... d'un changement de ses conditions de travail pour caractériser l'existence d'une faute grave ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-1 et L. 1234-9 du code du travail ;

Mais attendu qu'ayant relevé que l'affectation de la salariée au poste de secrétaire standardiste précédemment occupé par une autre salariée, à statut et rémunération égaux, constituait un simple changement de ses conditions de travail, la cour d'appel, qui a constaté que la salariée avait déjà fait l'objet en mars 2009 d'un avertissement, a pu décider que son refus réitéré de ce changement constituait un acte d'insubordination rendant impossible son maintien dans l'entreprise ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six janvier deux mille seize.

 

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour Mme X....

Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de Madame X... avait justement été prononcé pour faute grave, d'AVOIR par conséquent débouté Madame X... de ses demandes tendant au en paiement d'une indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés afférents, et d'une indemnité de licenciement, ainsi qu'à la remise de documents de fin de contrat rectifiés, d'AVOIR dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile et d'AVOIR condamné Madame X... aux dépens de première instance et d'appel ;

AUX MOTIFS QUE sur le licenciement, lorsque la procédure de licenciement a été engagée par la convocation à entretien préalable le 14 avril 2010, Mme X... avait la qualité de salariée protégée pour avoir été opportunément désignée déléguée syndicale CGT le 30 mars précédent ; que cette qualité impliquait l'autorisation de l'inspection du travail pour son licenciement et l'employeur a sollicité cette autorisation le 30 avril 2010; que Mme X... a perdu la qualité de salariée protégée après les élections professionnelles du 16 juin 2010 auxquelles elle n'a pas été élue, n'étant pas à nouveau désignée déléguée syndicale, et ne pouvant se prévaloir de la prolongation de la protection pendant une durée de six mois, dans la mesure où elle n'avait pas eu la qualité de salariée protégée pendant une durée au moins égale à un an; que de ce fait, à la date à laquelle l'inspection du travail a statué, le 1er juillet 2010, l'inspection du travail n'était pas compétente pour donner cette autorisation, comme l'a justement constaté le ministère du travail par décision du 17 décembre 2010 sur recours hiérarchique de l'employeur contre la décision de refus de licenciement du 1er juillet 2010 ; que la juridiction judiciaire est tenue en vertu de la séparation des pouvoirs par la décision administrative, au demeurant non contestée devant le juge administratif par Mme X..., étant rappelé que l'employeur a pris la précaution de s'assurer auprès de l'administration de la possibilité de finaliser la procédure de licenciement après cette décision; qu'il importe peu que les faits objet du licenciement se soient produits initialement en avril 2010 à une date où Mme X... avait la qualité de salariée protégée, étant au surplus mentionné que les faits se sont poursuivis par la suite, puisque Mme X... n'a pas rejoint le poste auquel elle avait été affectée ; qu'il convient en conséquence d'apprécier le bien fondé du licenciement pour faute grave, au regard des griefs imputés à Mme X...; que celle-ci ne peut utilement se prévaloir de la prescription de deux mois applicable en matière de faute grave, dès lors d'une part que la procédure de licenciement a été engagée par la convocation à entretien préalable du 14 avril 2010, soit immédiatement après qu'elle a refusé de reprendre le poste de Mme Y..., et que la procédure de demande d'autorisation de licenciement suspend la prescription, sauf à interdire tout licenciement pour faute grave d'un salarié protégé si l'autorisation de licencier n'est pas donnée par l'inspection du travail avant l'expiration de ce délai, ou en cas de recours hiérarchique ou judiciaire, et d'autre part, que Mme X... a repris le travail sur son ancien poste après l'annulation de la mise à pied conservatoire par l'inspection du travail à l'occasion de sa décision du 1er juillet 2010, et n'a pas pris à cette occasion le poste de Mme Y..., de sorte que le grief reproché subsistait et se poursuivait ; qu'en outre, le licenciement a été prononcé dès le 7 janvier 2011, soit dans le mois de la décision du ministère du travail du 17 décembre 2010 notifiée le 27 décembre 2010 ; que sur le fond, le licenciement pour faute grave est justifié dès lors que le fait de refuser une affectation sur un poste qui ne constituait pas une modification de son contrat de travail mais une modification de ses conditions de travail relevant du pouvoir de direction de l'employeur, qui était fondé à refuser de rédiger un avenant, constituait un acte d'insubordination caractérisé ne permettant pas son maintien dans l'entreprise ; qu'en effet, le changement se faisait à statut égal d'employée échelon 6, à rémunération égale, de sorte que Mme X... ne peut faire état d'une rétrogradation au poste qu'elle avait avant l'avenant du 1er 2007, qui est venu consacrer ses qualités professionnelles, et cette modification se faisait sans détournement de pouvoir ou intention de nuire, un poste étant devenu vacant par l'effet d'une démission et la réorganisation permettant d'optimiser les ressources en période de diminution de l'activité ; que la définition du poste de secrétaire par la convention collective prévoit que ce poste implique la tenue du standard téléphonique ainsi que la gestion et le suivi de dossiers spécifiques à un secteur d'activité : vente de véhicules, après-vente, marketing, et Mme X... restait affectée à un poste de secrétaire affectée à un secteur d'activité, et ne pouvait refuser toute tâche de tenue du standard; qu'il est d'ailleurs observé qu'en l'absence de Mme X..., la société Riondel VI a recruté des intérimaires sur un poste "Secrétaire assistante commerciale" impliquant notamment des fonctions de standard et d'accueil de la clientèle; que la comparaison des tâches visées par les contrats de travail respectifs de Mme X... et de Mme Y... permet de constater qu'ils comportent essentiellement des similitudes, notamment sur la tenue des dossiers des véhicules, la facturation, l'établissement des cartes grises, le suivi de la correspondance avec les clients, la tenue du livre de police, les différences en ce que le contrat de travail de Mme Y... mentionnait l'accueil client et la tenue du standard ne portant pas atteinte en soi à la fonction de secrétaire telle que définie par la convention collective, et aucune tâche n'étant enlevée à Mme X... ; que l'enquête effectuée par l'inspection du travail avant sa décision du 1er juillet 2010 mentionne en outre que le poste de Mme X... comportait des tâches d'accueil téléphonique et de clientèle ; que par ailleurs, le contrat de travail initial de Mme X... prévoyait expressément que "en fonction des nécessités du service, elle pouvait être amenée à remplacer Melle Z... (Mme Y...), quel qu'en soit le motif et sous réserve d'en avoir été prévenue auparavant", et que "ces objectifs n'étaient pas limitatifs et pouvaient donner lieu à des modifications" ; qu'au vu de ces éléments, l'employeur était habilité à affecter Mme X... au poste de secrétaire standardiste auparavant occupé par Mme Y..., au même coefficient de rémunération et au niveau 6 ; que les attestations produites par Mme X... pour souligner la qualité de son travail, qui n'est pas en cause, sont inopérantes, étant précisé que l'un des témoins (Mme A...) est revenu sur son attestation; qu'il résulte de ces considérations que le jugement sera réformé, la requalification du licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse opérée par le conseil des prud'hommes n'étant pas justifiée ; qu'il est à cet égard rappelé que Mme X... avait fait l'objet le 13 mars 2009 d'un avertissement non contesté pour avoir refusé toute remarque de sa hiérarchie sur son travail et avoir quitté le bureau de son directeur malgré les explications en cours ; que Mme X... sera en conséquence déboutée de l'intégralité de ses demandes ;

ALORS QUE la lettre de licenciement fixe les limites du litige ; que la lettre de licenciement ne faisait état d'aucun fait postérieur à avril 2010 : que, partant, en retenant des faits non visés par la lettre de licenciement, postérieurs au mois d'avril 2010, pour dire fondé le licenciement pour faute grave de Madame X..., la Cour d'appel a violé l'article L.1232-6 du code du travail ;

ALORS en outre QU'aucune modification de son contrat de travail ou changement de ses conditions de travail ne peut être imposé à un salarié protégé ; que la Cour d'appel a relevé que Madame X... avait été désignée déléguée syndicale le 30 mars 2010, qu'elle avait été licenciée pour avoir refusé au mois d'avril 2010 de rejoindre le nouveau poste auquel elle avait été affectée, le dernier refus visé par la lettre de licenciement datant du jour de l'entretien préalable, soit le 26 avril 2010, et qu'elle avait perdu la qualité de salariée protégée après les élections professionnelles du 16 juin 2010 ; qu'en disant néanmoins fautif le refus opposé par Madame X... à un changement de ses conditions de travail alors qu'elle avait la qualité de salariée protégée, et fondé le licenciement pour grave subséquent, la Cour d'appel a violé les articles L.2411-1, L. 1235-3, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;

ALORS encore et en tout état de cause QUE le refus par un salarié d'un changement de ses conditions de travail, s'il caractérise un manquement à ses obligations contractuelles, ne constitue pas à lui seul une faute grave ; que cependant, pour dire que le licenciement de Madame X... « avait justement été prononcé pour faute grave », la Cour d'appel a expressément retenu que « le licenciement pour faute grave est justifié dès lors que le fait de refuser une affectation sur un poste qui ne constituait pas une modification de son contrat de travail mais une modification de ses conditions de travail relevant du pouvoir de direction de l'employeur, qui était fondé à refuser de rédiger un avenant, constituait un acte d'insubordination caractérisé ne permettant pas son maintien dans l'entreprise », se bornant à mettre en exergue le refus par Madame X... d'un changement de ses conditions de travail pour caractériser l'existence d'une faute grave ; qu'en statuant de la sorte, la Cour d'appel a violé les articles L.1234-1 et L.1234-9 du code du travail ; »

Photo : Texelart - Fotolia.com.

Pour vous accompagner en droit social, des avocats :

75007 - ALBERT ASSOCIES AVOCATS http://www.avocat-immobilier.eu
75008 - MARTINET-LONGEANIE LAURENCE http://www.avocat-recouvrement-paris.com
75017 - MASCRE HEGUY ASSOCIES http://www.avocat-paris-17.com
78000 - BVK VERSAILLES 78 AVOCATS ASSOCIES AVOCAT http://www.avocat-versailles.com


Voir toutes les newsletters :
www.haoui.com
Pour les professionnels : HaOui.fr