Loi travail adoptée : les principales mesures

La loi Travail, définitivement adoptée le 21 juillet par le Parlement, assure une  promotion sensible de la négociation d’entreprise pour adapter les règles au plus près du  terrain. C’est avec cet objectif que le gouvernement a réécrit toute la partie du Code du  travail relative à la durée du travail et aux congés. Maître Noémie Birnbaum, avocat à la Cour à Paris, nous décrypte les principales mesures de ce nouveau texte…

Ce texte porté depuis près de six mois par Myriam El Khomri, et en particulier son très  polémique article 2 (renuméroté 8), instaure la primauté des accords d’entreprise sur ceux de  branche en matière de temps de travail. La durée légale du travail effectif reste fixée à  35 heures par semaine.

Mais la loi introduit de nombreuses mesures d’assouplissement.  Consécration de la primauté de l’accord d’entreprise sur l’accord de branche  En matière de durée du travail, les accords d’entreprise/établissement priment sur les accords  de branche (sauf exceptions prévues par la loi), en vertu de l’article 2 (renuméroté 8) de la loi.  Cette primauté s’applique entre autres pour la fixation de la majoration des heures  supplémentaires (v. ci-dessous), le dépassement de la durée maximale quotidienne de travail  (dans la limite de 12 heures), une dérogation à la durée minimale de repos quotidien, la  détermination de la durée des pauses (20 minutes au moins), celle des jours fériés chômés (à  l’exception du 1er Mai), la mise en place des astreintes, ou encore le recours au travail  intermittent. 

Heures sup’ : le taux de majoration fixé par accord d’entreprise s’impose
Selon la loi, le taux de la majoration des heures supplémentaires est désormais fixé par accord  d’entreprise/établissement ou, à défaut, convention/accord de branche, sans pourvoir être  inférieur à 10 %. L’accord d’entreprise/établissement n’a donc plus à respecter, comme c’était  le cas, le taux fixé par la branche. À défaut d’accord, c’est le taux légal de majoration qui  s’applique (25 % pour les huit premières heures supplémentaires et 50 % pour les suivantes).  Les heures supplémentaires se décomptent par semaine. Une période correspondante de sept  jours consécutifs peut être fixée par convention ou accord collectif d’entreprise/établissement  ou, à défaut, ce que ne prévoyait pas le droit antérieur, par une convention ou un accord de  branche. À défaut d’accord collectif, la semaine reste la semaine civile, débutant le lundi à 0 h  00 et se terminant le dimanche à 24 h 00. 

Temps partiel : le monopole de la branche plutôt conservé
Concernant le temps partiel, la loi fait primer la convention ou l’accord  d’entreprise/établissement sur celui de branche étendu pour la mise en place d’horaires à  temps partiel, pour porter la limite dans laquelle peuvent être accomplies des heures  complémentaires jusqu’au tiers de la durée hebdomadaire ou mensuelle, ou encore concernant  la répartition de la durée du travail.  En revanche, le monopole de la convention ou de l’accord de branche étendu est maintenu  s’agissant :

– de la possibilité de proposer au salarié à temps partiel un emploi à temps complet ne  ressortissant pas à sa catégorie professionnelle ou non équivalent. Une nouvelle option peut  désormais être prévue, celle de proposer au salarié à temps complet un emploi à temps partiel  ne ressortissant pas à sa catégorie professionnelle ou non équivalent ;

– de la détermination de la durée minimale de travail ; 

– de la majoration de chacune des heures complémentaires ;

– du complément d’heures par avenant. 

Nouvelle dérogation à la durée maximale hebdomadaire de travail
La loi ne revient pas sur la double limite de 48 heures au cours d’une même semaine et de  44 heures sur une période quelconque de 12 semaines consécutives mais prévoit la  modification suivante. Actuellement, une dérogation à la durée maximale de 44 heures (dans  la limite de 46 heures en moyenne sur 12 semaines) peut résulter de la conclusion d’un accord  de branche validé par un décret. La loi ouvre la possibilité de déroger à cette durée, avec les  mêmes limites, par accord d’entreprise/établissement, ou, à défaut, par accord de branche.  En outre, il n’est plus nécessaire de faire « valider » l’accord de branche par décret. Notons  qu’en vue de favoriser le dialogue social, la loi supprime de façon générale la validation par  décret d’une convention ou d’un accord de branche (v. les équivalences ci-après). À défaut  d’accord collectif, le dépassement de la limite de 44 heures peut, comme c’est déjà le cas, être  autorisé par l’autorité administrative, dans la limite de 46 heures, après avis des IRP (avis  transmis à l’inspecteur du travail). 

Possibilité d’aménager le temps de travail sur trois ans
Actuellement, la répartition de la durée du travail peut être organisée par accord (entreprise,  établissement ou branche) sur une période supérieure à la semaine et au plus égale à l’année.  La loi permet à un accord de branche de porter à trois ans la durée maximale de la période de  référence pouvant être négociée. À défaut d’accord, l’employeur continue de pouvoir  aménager unilatéralement le temps de travail sur une période ne pouvant excéder quatre  semaines. Cette période est portée, par la loi Travail, à neuf semaines pour les entreprises  employant moins de 50 salariés. 

Temps d’habillage/déshabillage, de trajet, etc. : les nouveautés
Les contreparties aux temps d’habillage ou déshabillage demeurent fixées par voie  conventionnelle (convention ou accord d’entreprise/établissement ou, à défaut, de branche)  ou, à défaut, contractuellement.

Ce qui est nouveau, c’est que l’accord collectif ou le contrat  de travail peut opter, à la place de ces contreparties, pour l’assimilation des temps d’habillage  et de déshabillage à du temps de travail effectif. Autre nouveauté : l’employeur peut accorder  une contrepartie en repos si le temps de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail est  majoré du fait d’un handicap.

Concernant le régime des équivalences, sa mise en place demeure du ressort de la négociation  branche. Si l’accord de branche doit désormais être étendu, en revanche, il n’a plus à être  avalisé par décret. À défaut d’accord de branche, le régime peut toujours être institué par  décret en Conseil d’État. 

Horaires individualisés et récupération des heures perdues
L’employeur conserve la possibilité, à la demande de certains salariés, de mettre en place un  dispositif d’horaires individualisés permettant un report d’heures d’une semaine à l’autre.  Dans les entreprises pourvues d’IRP, l’employeur n’a plus à informer l’inspecteur du travail  du projet de sa mise en place.

En revanche, il doit toujours obtenir l’aval du CE ou, à défaut,  des DP. Dans les entreprises dépourvues de représentant du personnel, l’inspecteur du travail  continue de devoir autoriser cette mise en place. 

Sécurisation des forfaits-jours
Le recours au forfait annuel (en heures ou en jours) reste subordonné à l’existence d’un  accord d’entreprise/établissement ou, à défaut, de branche dont le contenu est étoffé par la loi  Travail. 

• Les accords collectifs mettant en place des forfaits annuels (en heures ou en jours) doivent  désormais fixer :

 – la période de référence du forfait (année civile/autre période de 12 mois consécutifs) ; 

– les conditions de prise en compte, pour la rémunération des salariés, des absences ainsi que  des arrivées et départs en cours de période. Ces nouvelles clauses ne s’imposent pas aux  accords collectifs conclus avant la publication de la loi. 

• Les accords collectifs de forfaits en jours doivent aussi déterminer les modalités : 

– du droit à la déconnexion du salarié ; 

– d’évaluation et de suivi régulier, par l’employeur, de la charge de travail ; 

– selon lesquelles l’employeur et le salarié communiquent périodiquement sur la charge de  travail, sur l’articulation activité professionnelle/vie personnelle, sur sa rémunération et sur  l’organisation du travail dans l’entreprise.  Si l’accord collectif ne comporte pas les deux dernières dispositions, l’employeur peut  conclure valablement une convention individuelle (ou sécuriser celles préexistantes), sous  réserve : 

– d’établir un document de contrôle listant le nombre et la date des jours travaillés (document  pouvant être rempli par le salarié mais sous la responsabilité de l’employeur) ; 

– de s’assurer que la charge de travail est compatible avec le respect des temps de repos  quotidiens et hebdomadaires ; 

– d’organiser un entretien annuel avec le salarié.  Si l’accord collectif n’aborde pas le droit à la déconnexion, il revient à l’employeur de définir  ses modalités et de les communiquer par tout moyen aux salariés concernés. Dans les  entreprises d’au moins 50 salariés, ces modalités doivent être conformes à la charte  d’utilisation des outils numériques.

Pour les accords existants qui sont révisés pour inclure les  nouvelles clauses obligatoires (listées ci-avant), l’employeur n’a pas à requérir l’accord du  salarié pour poursuivre la convention individuelle de forfait. Enfin, le salarié en forfait-jours  continue de pouvoir, par avenant, renoncer à une partie de ses jours de repos en contrepartie  d’une majoration de salaire. Cet avenant, précise désormais la loi, est valable pour l’année en  cours. Il ne peut être reconduit de manière tacite. 

Jour férié, travail dominical, de nuit
En cas de chômage d’un jour férié, le salarié saisonnier cumulant une ancienneté de trois mois  (contrats successifs ou non dans l’entreprise) ne doit désormais subir aucune perte de salaire.  Concernant le travail dominical, la liste des dimanches du maire continue d’être arrêtée avant  le 31 décembre, pour l’année suivante. Mais la loi prévoit une nouveauté : cette liste peut être  modifiée en cours d’année, au moins deux fois avant le premier dimanche concerné par cette  modification. 

Dans les commerces de détail situés dans des zones touristiques internationales, la définition  du travail de nuit est modifiée. Selon l’article L. 3122-4 issu de la loi, la période de nuit est  définie comme la période d’au moins sept heures consécutives comprenant l’intervalle entre  minuit et 7 h 00, dans le cas où le début de la période de nuit est fixé après 22 h 00. Avant la  loi Travail, le début de la période de nuit pouvait être reporté jusqu’à minuit et s’il était fixé  au-delà de 22 h 00, la période de nuit se terminait à 7 h 00. 

Congés payés
Les règles en matière de durée du congé sont principalement d’ordre public, et ne peuvent  donc pas être modifiées par voie d’accord. Parmi les dispositions relevant de la négociation, la  loi prévoit la possibilité de fixer le début de la période de référence et celle de majorer la  durée du congé en raison de l’âge ou de l’ancienneté. 

Nouveau cas de majoration prévu par la loi : le handicap. Les congés supplémentaires  attribués aux femmes salariées d’au plus 21 ans en cas d’enfant à charge sont étendus aux  hommes et aux salariés ayant à charge un enfant en situation de handicap (sans condition  d’âge) et vivant au foyer. 

Les congés peuvent être pris dès l’embauche et non plus dès l’ouverture des droits. La loi  renvoie à la négociation collective la détermination de la période de prise de congés  (comprenant obligatoirement celle allant du 1er mai au 31 octobre), de l’ordre des départs, des  modalités de fractionnement et de report des congés. Pour fixer l’ordre des départs, à défaut  d’accord collectif en définissant les critères, l’employeur doit tenir compte, en plus de ceux  listés par l’actuel article L. 3141-14 du Code du travail, de la présence au foyer d’un enfant ou  d’un adulte handicapé ou d’une personne âgée en perte d’autonomie. Cette circonstance  permet également au salarié de poser plus de 24 jours ouvrables de congés consécutifs.

Congés spéciaux
S’agissant des congés spéciaux (congés pour événements familiaux, de solidarité familiale,  sabbatique, etc.), à l’exclusion du congé de formation économique, sociale et syndicale dont  le régime demeure inchangé, la loi renvoie à la négociation collective (d’entreprise ou, à  défaut, de branche) la plupart de leurs conditions de mise en œuvre (durée du congé, nombre  de renouvellements, conditions éventuelles d’ancienneté, délais de prévenance, maintien du  lien avec l’entreprise).

Ce n’est qu’à défaut d’accord collectif que s’appliquent, à titre  supplétif, les dispositions légales régissant actuellement ces différents points à quelques  différences près. Par exception, pour les congés pour événements familiaux, la durée fixée par  accord collectif ne peut être inférieure à celle prévue par la loi. Celle-ci reprend les durées  actuellement applicables en cas de mariage ou Pacs du salarié (quatre jours), en cas de  mariage d’un enfant (un jour), en cas de naissance ou d’adoption (trois jours). 

En revanche, le congé passe de deux à cinq jours pour le décès d’un enfant ; deux à trois jours  pour le décès du conjoint ou du partenaire lié par un Pacs. Ce congé de trois jours est  désormais ouvert en cas de décès du concubin ; d’un à trois jours en cas du décès du père, de  la mère, du beau-père, de la belle-mère, d’un frère ou d’une sœur. Un nouveau congé de deux  jours est créé pour l’annonce de la survenance d’un handicap chez un enfant. 

Congé de maternité
La durée légale de protection pour les mères à l’issue de leur congé maternité passe de quatre  à dix semaines. L’extension de cette période de protection s’applique aussi au second parent à  compter de la naissance de l’enfant. Le point de départ de cette protection est reporté à  l’expiration des congés payés, quand ces derniers sont pris directement après le congé de  maternité.

La loi Travail reprend les dispositions de la proposition de loi sur ce thème votée  par les députés le 10 mars denier à l’unanimité qui consacraient une jurisprudence de la Cour  de cassation, celle du 30 avril 2014. 

Article rédigé et remis par Maître Noémie Birnbaum, avocat à la Cour. Photo : Webdata - Fotolia.com.

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