Les combattants

Entre ses potes et l’entreprise familiale, l’été d'Arnaud s’annonce tranquille… Tranquille jusqu'à sa rencontre avec Madeleine, aussi belle que cassante, bloc de muscles tendus et de prophéties catastrophiques. Il ne s’attend à rien ; elle se prépare au pire. Jusqu'où la suivre alors qu'elle ne lui a rien demandé ? C’est une histoire d’amour. Ou une histoire de survie. Ou les deux...

Entretien avec le réalisateur Thomas Cailley 

Ce qui s’impose quand on voit Les Combattants, c’est l’interaction entre les décors et les personnages. On a l’impression que la nature a été votre première inspiration.
J’ai grandi en Aquitaine, et cela faisait longtemps que je voulais filmer les Landes, ses forêts et ses lacs immenses. Des terres plates et sans horizon car il y a toujours quelque chose pour venir le couper : une dune, une ligne d’arbres, des habitations...

Ces paysages tranquilles sont régulièrement secoués par des cataclysmes : l’hiver ce sont les tempêtes ; l’été les incendies. Ça a été le point de départ : un paysage tranquille, un lac placide, qui est brutalement percuté par un typhon. Arnaud et Madeleine c’est une collision, la rencontre brutale entre deux éléments contraires. À partir de là, j’ai imaginé le trajet de deux personnages que tout oppose, et qui ensemble vont repousser l’horizon plus loin.

Vos personnages évoluent tout au long du film, on a l’impression de les voir grandir.
Oui, car ce sont des personnages qui agissent. Quand nous écrivions le scénario avec Claude Le Pape, nous voulions à tout prix éviter de présenter des personnages « malades » que le film essaierait de guérir.

Le mouvement du film n’a rien de psychologique. Arnaud et Madeleine ne cessent jamais d’agir, d’avancer, d’inventer. Ils sont toujours en mouvement. D’où le titre, Les Combattants. Par exemple au début du film, le deuil ne met pas Arnaud dans une position passive : il se lève et agit, il trouve des solutions.

Madeleine, c’est pareil, elle cherche toujours quelque chose à faire : sa préparation physique, ce qu’elle impose à son corps c’est ça. Quand elle est paumée, elle demande simplement à Arnaud « Qu’est-ce qu’on fait ? » Il lui répond « On s’adapte. On survit. »

C’est ça leur système, et c’est au fond là-dessus qu’ils se retrouvent : sur cette capacité à agir, se relever, inventer des mondes.

Toutes les expériences qu’ils traversent ont une valeur initiatique qui les fait grandir : se battre, s’engager dans l’armée ou manger un renard. Mais elles ont aussi une valeur de partage. Cette logique d’action est un jeu entre eux, c’est ce qui fait la force et la singularité de leur couple.

La façon dont vous abordez l’armée est très singulière, une comédie sans stéréotype ni caricature…
L’armée n’est pas le sujet du film, c’est davantage une toile de fond. Ce qui m’intéressait surtout, c’est la promesse d’aventure, d’action, de dépassement de soi qui attire les jeunes candidats et dessine en creux leur crise existentielle (« Deviens toi-même », « sengager.fr » etc.). J’ai suivi des jeunes lors d’une préparation militaire pendant l’écriture du film.

Elle a inspiré directement la plupart des scènes et des personnages. Ce qui était saisissant et souvent drôle, c’est le décalage entre les attentes des jeunes, leurs fantasmes guerriers, et la réalité de l’armée. Le lieutenant Schliefer, par exemple, est un personnage pour lequel j’ai beaucoup d’empathie. C’est un officier très investi. Il croit en sa mission, mais les jeunes qu’on lui envoie en stage le consternent par leur radicalité et leur individualisme. Schliefer va de désillusion en désillusion, c’est une vraie tragédie pour lui.

On rit beaucoup dans votre film. La comédie permet systématiquement de réduire la distance entre le spectateur et les personnages, malgré l’absurdité de certaines situations et dialogues.
La comédie suggère souvent une distance entre le spectateur et ce qu’il regarde. Je n’aime pas cette définition, ça suppose qu’on peut rire des personnages en restant au-dessus. Je crois au contraire que la comédie peut être un moyen de réduire cette distance et de partager quelque chose avec les personnages.

Dans la séquence de la barque, Arnaud et Madeleine sont des micro-silhouettes au milieu d’un lac immense. Pourtant on comprend parfaitement ce qu’ils font. La caméra est à 500 mètres mais on est avec eux dans la barque. C’est cette sensation que j’aime, quand la comédie permet cette immersion dans le récit, cette intimité avec les personnages : on partage leurs rites, leurs fantasmes, leurs croyances.

Et si certaines situations sont drôles en elles-mêmes, elles le deviennent aussi grâce à une logique de « résonances » entre les scènes du film. Prises individuellement, ces séquences peuvent sembler étranges, ou absurdes... Dans la continuité elles se répondent, participent à la construction des personnages...et à la comédie. Ce système d'écho, que nous avons poussé avec Lilian Corbeille, le monteur du film, permet d'entrer pas à pas dans la logique d'Arnaud et Madeleine. Un lien poétique se tisse, on participe à l’action à leur hauteur.

Romance de Thomas Cailley. Quinzaine des réalisateurs, Cannes 2014.


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