La hiérarchie des besoins selon la théorie de Maslow

C'est en 1970, dans la deuxième édition de son ouvrage Motivation and Personality, qu'apparaît l'exposé le plus complet de la théorie de Maslow sur la motivation : la hiérarchie des besoins. Recherchant ce qui se cache derrière ces motivations, il met à jour cinq (groupes de) besoins fondamentaux : les besoins physiologiques, les besoins de sécurité, les besoins d'appartenance et d'amour, les besoins d'estime et le besoin d'accomplissement de soi...

Cette taxinomie des besoins est, selon Maslow, universelle. En effet, le caractère particulier d'une motivation a pour origine les nombreux déterminismes tels que la culture, le milieu social ou l'éducation. Ainsi une personne peut satisfaire son estime en étant reconnue comme un bon chasseur par ses pairs et une autre en possédant du pouvoir. En conclusion, derrière chaque motivation ou chaque objet de désir se cache un besoin fondamental.

Maslow découvrit par la suite que les besoins s'inscrivaient dans le cadre d'une hiérarchie. Tous les besoins sont continuellement présents, mais certains se font plus sentir que d'autres à un moment donné. Par exemple, une personne démunie de tout est capable de mettre en péril sa vie pour se nourrir (dans ce cas, on observe que les besoins physiologiques ont plus d'importance que les besoins de sécurité). Autre exemple : le bizutage (les besoins d'estime ne se font pas sentir avant que les besoins d'appartenance ne soient relativement satisfaits). En conclusion, lorsqu'un groupe de besoins est satisfait un autre va progressivement prendre la place selon l'ordre hiérarchique suivant : besoins physiologiques > besoins de sécurité > besoins d'appartenance et d'amour > besoins d'estime > besoin d'accomplissement de soi.

Remarque : Lorsqu'un besoin précédant n'est plus satisfait, il redevient prioritaire.

Relativité et progressivité
La représentation de la hiérarchie des besoins sous la forme d'une pyramide a généré bon nombre de malentendus et, par là même, des critiques infondées. On trouve principalement parmi les méprises les plus répandues :

- L'émergence soudaine des besoins ;
- La satisfaction absolue des besoins.

Autrement dit, cette représentation a véhiculé l'idée selon laquelle un besoin doit être satisfait à 100 % avant que le besoin suivant émerge.

Cependant Maslow nuançait cette apparente fixité à deux égards.

Il notait d'abord une progressivité dans le passage d'un échelon à un autre « comme si le citoyen moyen était satisfait à 85 % dans ses besoins physiologiques, à 70 % dans ses besoins de sécurité, à 50 % dans ses besoins d’amour, à 40 % dans ses besoins d’estime, et à 10 % dans ses besoins de réalisations. »

Il remarquait ensuite une seconde progressivité dans l'apparition de l'échelon suivant : « Comme pour le concept d’émergence d’un nouveau besoin après satisfaction d’un besoin primaire, l’émergence n’est pas un phénomène soudain mais plutôt une émergence lente et graduelle à partir du néant. Par exemple, si le besoin primaire A est seulement satisfait à 10 %, alors le besoin B ne sera pas visible du tout. Pourtant, si le besoin A est satisfait à 25 %, le besoin B peut apparaître à 5 %, si le besoin A est satisfait à 75 % le besoin B peut apparaître complètement et ainsi de suite. »

Ces deux nuances oubliées avec le temps accordent davantage de flexibilité à la théorie et permettent d'y intégrer certaines différences individuelles.

Maslow a mis en lumière l'importance de la satisfaction des besoins. En effet, l'insatisfaction répétée ou à long terme peut être pathologique même si certaines personnes résistent mieux que d'autres à l'insécurité, à la solitude ou au manque de reconnaissance.

Intérêts du modèle
Cette pyramide est utile en marketing, où elle permet de positionner un produit. Son aspect logique a sans doute un effet rassurant, mais il ne s'agit pourtant que d'une ébauche de méthodologie, qu'il faut adapter à l'environnement étudié. Au-delà du premier, il s'agit, à strictement parler, plus d'aspirations que de besoins. Elle permet d'adapter les services aux clients.

La pyramide trouve également du sens dans l'apprentissage de l'économie des ménages. Elle représente un idéal de consommation et une allocation rationnelle des moyens financiers de la famille. Le budget devrait d'abord être consacré aux besoins vitaux avant d'être dépensés dans des besoins secondaires (appartenance ou estime).

Défauts et limites du modèle
La pyramide de Maslow est l'un des modèles de la motivation les plus enseignés, notamment en formation au management. Ce modèle possède l'avantage d'être immédiatement compréhensible et frappant, mais il possède de nombreuses limites qui ont conduit à sa réfutation pratiquement totale. Satisfaire un besoin inférieur avant le besoin supérieur n'est pas systématique en termes de management. Un employé peut vouloir avoir un grand besoin d'accomplissement avant le besoin d'appartenance au sein de l'entreprise. Cette hiérarchisation peut varier d'un individu à un autre, en fonction de son mode de vie, sa culture et de ses motivations. En intégrant la notion de Soft factors (culture d'entreprise, éthique...) on modifie la hiérarchie des besoins par une meilleure prise en compte individuelle qui limite la résistance aux changements et favorise la motivation.

Absence de données

La première de ces limites tient dans l'absence de données scientifiques pour supporter le modèle. En 1943, Maslow indiquait lui-même : « Beaucoup plus facile de percevoir et de critiquer les aspects de la théorie plutôt que d’y remédier, principalement à cause du grand manque de données disponibles. » Plus tard plusieurs scientifiques ont émis la même critique : Clark, 1960 ; Cofer & Appley, 1964 ; Vroom, 1964, Berkowitz, 1969 ; Hill, 1969.

Observation limitée

Abraham Maslow ne s'est pas seulement limité à étudier la population occidentale. Il semble que son observation se soit essentiellement attachée à ses collègues, et en particulier à Ruth Benedict et Max Wertheimer auquel il vouait une profonde admiration. Il en fera d'ailleurs mention dans sa publication: « Il est vrai que la plupart des gens avec lesquels nous avons travaillé ont eu l’air d’avoir ces besoins de base dans l’ordre indiqué. »

Développements et extensions du modèle

D'autres auteurs se sont penchés sur les besoins humains, notamment Frederick Herzberg (États-Unis, 1923 - 2000), qui a défini les besoins d'Adam et les besoins d'Abraham. L'étude des enfants sauvages a aussi permis d'avancer dans les constatations qui caractérisent les besoins des êtres vivants, notamment les animaux sociaux et homo sapiens.

A la lumière de ces constatations et de ces réflexions, on s'aperçoit que - loin de décrédibiliser la théorie de Maslow, elles la confirment : qui pourrait affirmer que les besoins vitaux ne sont pas hiérarchisés ? La plus élémentaire des observations expérimentales montre que le besoin de respirer est prioritaire par rapport au besoin de boire, puis de manger : quelques minutes d'arrêt respiratoire suffisent à tuer un être vivant (du moins un humain), alors qu'il peut vivre plusieurs jours sans boire et plusieurs semaines sans manger.

Critique de la validité scientifique

Le fondement du modèle de Maslow est la hiérarchisation des besoins. Pourtant une hiérarchisation stricte peut ne pas être pertinente dans certains cas :

- le besoin de reconnaissance sociale, est pour l'être humain (animal social) un besoin aussi important que les besoins physiologiques : un individu, pourtant sans faim ni soif, peut subir de nombreux traumas sociaux ou liés à l'affection, le conduisant au suicide. Il n'y a donc pas a priori de hiérarchie aussi directe entre les besoins physiologiques, sécurité du corps, relationnels et affectifs. Le besoin de reconnaissance sociale ou celui du lien social, apparaît en effet une composante à part entière de la personnalité, à satisfaire pour son développement. On peut citer l'hospitalisme, cas de bébés laissés sans contact affectif, en pouponnière, qui meurent de ne pas avoir de relations et être stimulés psychologiquement. Également le cas des « enfants sauvages », qui ont satisfait jusqu'à leur découverte leurs « besoins physiologiques » et de « sécurité du corps », mais n'ont pas pour autant développé une personnalité humaine normale ;

- l'individu cherche parfois à satisfaire des besoins d'ordre supérieur même lorsque ceux de la base de la hiérarchie demeurent insatisfaits. Cette hiérarchie impose qu'un besoin supérieur n'est atteint qu'à condition de satisfaire les autres, alors qu'un palier peut être passé. Par exemple, un travailleur précaire peut être plus motivé que ceux qui bénéficient de la sécurité de l'emploi ;

- par ailleurs, et de même que dans tous les modèles par couches, le passage à des couches supérieures remet en question la stabilité des couches de base. Par exemple, le besoin d'estime peut amener à négliger le besoin de sécurité au cours d'activités téméraires mais socialement valorisées (Ordalisme). « Malheureusement, les recherches n'ont pu valider l'ordonnance particulière des étages de la pyramide de Maslow (sauf si on les utilise de manière dynamique comme Maslow le faisait) et il a été difficile de mesurer objectivement l'actualisation de soi (Schulz, 1977 ; Haymes, Green et Quinto, 1984 ; Weiss, 1991 ; Neher, 1991). »

Distinction entre « besoin » et « désir »
Le besoin est une nécessité ressentie, d'ordre physique, social ou mental. La satisfaction ou non-satisfaction (manque) s'exprime à travers des sensations : la faim exprime le besoin de manger, la satiété signale le besoin satisfait ; la peur exprime le besoin de sécurité, le calme signale le besoin satisfait…

Le besoin est une nécessité en cela que, s'il n'est pas satisfait, il bloque le processus de vie (besoins vitaux) ou de développement de l'individu (besoins sociaux, besoins mentaux…).

Le désir est exprimé par le cerveau inconscient sous forme d'une émotion qui en signale la présence et la satisfaction ou la non satisfaction (manque). Le désir peut s'exprimer et se définir – c'est en ce sens qu'il est conscient –, mais son origine est inconsciente, un peu plus élaborée que le besoin. Le désir serait une sorte de sublimation d'un besoin précisé, imagé, que l'on peut voir, imaginer, on en rêve, et c'est ce qui fait sa force. Par exemple, tout individu a besoin de survivre en cas d'attaque, par la contre-attaque ou la fuite (actions inconscientes ou instinctives). En revanche, vouloir posséder une moto est un désir. C'est une vision comportementaliste du besoin et du désir.

La libido (le désir chez Freud) est non seulement l'expression du désir sexuel mais également la sensation de bien-être, en rapport avec la satisfaction de ce désir. C'est un processus largement inconscient; la vision freudienne du désir a largement inspiré la publicité.

La vente utilise le désir, la libido, pour combler le besoin et le désir. Le besoin est un sentiment de manque ou de privation accompagné d'un désir de le voir disparaître. L'acte inconscient d'achat est largement inspiré par le désir compulsif.

Théorie de Maslow et développement personnel dans l’entreprise
Maslow a donc proposé une hiérarchie des besoins représentée sous forme de pyramide, avec, au sommet, l’accomplissement de soi, défini comme le désir de devenir de plus en plus ce qu’on est et de devenir totalement ce qu’on est en mesure de devenir .

Maslow était persuadé que seulement une infime proportion des hommes atteignait ce seuil d’auto-accomplissement – il estima le chiffre à 1 %. Sa vision d’une hiérarchie des besoins a eu pour fâcheuse conséquence que le stade « supérieur » du développement personnel a été considéré comme réservé à ceux qui étaient en haut de la pyramide de l’organisation, tandis que les besoins de la masse d'employés semblaient ne pas dépasser le stade de la sécurité d'emploi et des bonnes conditions de travail.

Puis, alors que les organisations et les marchés du travail se globalisaient, la responsabilité de développement des personnes glisse progressivement de l’entreprise vers l’individu. Ainsi, en 1999, le penseur manager Peter Drucker constate dans le Harvard Business Review :

« Nous vivons un âge d’opportunités sans précédent : si vous avez l’ambition et l’intelligence, vous pouvez monter au sommet du métier que vous avez choisi quel que soit votre point de départ. Mais avec cette opportunité vient la responsabilité. Les entreprises, aujourd’hui, ne gèrent plus les carrières de leurs employés ; les travailleurs du savoir doivent effectivement devenir leur propre Pdg. C’est à vous de vous tailler une place, de savoir quand il est temps de changer de trajectoire, et de rester engagé et productif pendant une vie de travail qui dure une cinquantaine d’années. »

Les professeurs en management, Sumantra Ghoshal, de la London Business School, et Christopher Barlett, de la Harvard Business School, écrivent de leur côté, en 1997, que les entreprises doivent manager leurs employés individuellement et ainsi établir un nouveau contrat de travail.

- D'un côté, l’entreprise doit admettre que le développement personnel crée de la valeur : « la performance du marché ne découle pas de la sagesse omnipotente des dirigeants mais de l’initiative, de la créativité et des compétences de tous les employés. »

- D’autre part, les employés doivent reconnaître que leur travail inclut à part entière cette notion de développement personnel et ainsi « embrasse la force vive de l’apprentissage continu et du développement personnel. »

Désormais, les perspectives de carrière ont changé. Il s’agit moins de grimper dans la hiérarchie de l’entreprise que d’assurer son développement personnel en même temps que son développement professionnel. La recherche montre que les carrières des femmes suivent des étapes de développement spécifiques et valorisent différemment la réussite d’une carrière. Herminia Ibarra montre que les changements de carrière comportent un changement d’identité professionnelle.

Les programmes de développement personnel des entreprises peuvent se diviser en deux catégories : les programmes pour motiver les employés et créer des bonnes conditions de travail, d’une part, et l’investissement stratégique de développement personnel pour améliorer le capital humain d’autre part.

- Lorsqu’il s’agit de plans d’action en faveur des employés, le but est d’optimiser la satisfaction, la motivation et la fidélité de ces derniers. Les questionnaires peuvent aider les entreprises à définir les besoins en matière de développement personnel, les préférences de chacun et les problèmes récurrents pour ainsi mettre en place des programmes spécifiques. Les plus courants, dans cette catégorie, portent sur la maîtrise de l’articulation entre vie personnelle et professionnelle, sur la gestion du temps ou du stress, sur la santé ou encore la communication. Beaucoup de ces programmes proposent des activités que les employés seraient amenés à payer hors de la sphère de l’entreprise : yoga, sports, arts martiaux, PNL…

- Les programmes stratégiques de développement personnel ont pour but d’accroître le capital humain ou d’augmenter la productivité, la capacité d’innovation et les qualités individuelles. Ils n’apparaissent pas comme un coût pour motiver le personnel, mais bien comme un investissement, dont les résultats dépendent directement des objectifs stratégiques de développement de l’entreprise. L’accès à ces programmes se fait par sélection en fonction du potentiel de l’employé, le plus souvent dans le cadre d’un plan de gestion des talents, et à destination des nouveaux recrutés, des salariés à haut potentiel, des employés clés, de l’équipe de ventes, de la recherche et développement, et des futurs managers. D’autres programmes sont plus généraux et accessibles à la plupart ou même à tous les employés. On trouve là des formations concernant le développement de carrière, l’efficacité personnelle, le travail d’équipe, et le développement des compétences. Le développement personnel fait aussi partie des outils de management : création d’un plan de développement personnel avec son manager, évaluation de ses capacités en utilisant une grille de compétence, ou obtention d’un feedback à partir d’un questionnaire rempli par des collègues de différents niveaux dans l’organisation.

Texte sous licence CC BY-SA 3.0. Contributeurs, ici

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