Haussmann : la transformation de Paris

Les transformations de Paris sous le Second Empire ou travaux haussmanniens constituent une modernisation d'ensemble de la capitale française menée à bien de 1852 à 1870 par Napoléon III et le préfet Haussmann. Le projet a couvert tous les domaines de l'urbanisme, aussi bien au cœur de Paris que dans ses quartiers extérieurs : rues et boulevards, réglementation des façades, espaces verts, mobilier urbain, égouts et réseaux d'adduction d'eau, équipements et monuments publics. Violemment critiquée par certains de ses contemporains pour son coût faramineux et pour avoir réduit la mixité sociale, oubliée pendant une partie du XXe siècle puis réhabilitée par le discrédit de l'urbanisme d'après-guerre, cette œuvre conditionne toujours l'usage quotidien de la ville par ses habitants. Elle a posé le fondement de la représentation populaire de la capitale française à travers le monde en superposant au vieux Paris et à ses ruelles pittoresques un Paris moderne fait de grands boulevards et de places dégagées...

Napoléon III
Président de la République depuis 1848, le neveu de Napoléon Ier devient empereur le 2 décembre 1852 après le coup d'État de l'année précédente.

Napoléon III a la volonté de moderniser Paris. Ayant vécu à Londres de 1846 à 1848, il y a vu une grande capitale pourvue de grands parcs et de réseaux d'assainissements et un pays transformé par la Révolution industrielle. Il reprend les idées de Rambuteau. Sensible aux questions sociales, il veut améliorer les conditions de logement des classes pauvres : en 1860, la densité moyenne de population de Paris avant son agrandissement est d'environ 36 400 personnes au kilomètre carré, tandis que dix ans plus tôt celle du quartier des Halles approchait déjà les 100 000 personnes au kilomètre carré, dans des conditions d'hygiène très précaires.

Cependant, s'il n'est pas toujours prévu de solution pour accueillir les familles délogées par les grands travaux, qui doivent aller habiter la périphérie de la ville, Louis-Napoléon est à l'origine de la construction des 86 premiers logements sociaux de Paris à la cité Rochechouart en 1851 qu'il fait financer par le sous-comptoir du commerce et de l'industrie pour le bâtiment afin de pallier la défaillance du conseil municipal de Paris. Suivant ces mêmes principes inspirés par les phalanstères de Charles Fourier et par l’Icarie d’Étienne Cabet, il dessine lui-même le plan d’un ensemble de 41 pavillons destinés à l’usage des classes ouvrières situés avenue Daumesnil et qui seront présentés à l’Exposition Universelle de 1867. Enfin, il s'agit pour l'autorité publique de mieux contrôler une capitale dont les soulèvements populaires ont renversé plusieurs régimes depuis 1789. Des propriétaires eux-mêmes, soucieux aussi de la mise en valeur de leurs propriétés et de leur quartier, réclament des voies larges et droites afin de faciliter les déplacements de troupes.

Pour mettre en œuvre ces ambitions, le nouvel empereur dispose d'un pouvoir fort, capable de passer outre toutes les résistances, ce qui manquait à ses prédécesseurs.

Il reste à Napoléon III à trouver un homme capable de diriger des opérations de grande ampleur. C'est le rôle que va remplir Georges Eugène Haussmann, homme d'action rigoureux et organisé, qu'il nomme préfet de la Seine en juin 1853 avec pour mission « d'aérer, unifier et embellir la ville ». Les deux hommes formeront un tandem efficace. L'empereur soutiendra le préfet contre ses adversaires jusqu'en 1870. Haussmann, quant à lui, se montrera fidèle en toute circonstance, tout en sachant faire avancer ses propres idées, comme le projet du boulevard Saint-Germain.

Une œuvre aussi considérable demande l'intervention de nombreux acteurs. Victor de Persigny, ministre de l'Intérieur, qui a présenté Haussmann à Napoléon, s'occupe des montages financiers avec l'aide des frères Pereire.Jean-Charles Alphand s'occupe des parcs et des plantations avec le jardinier Jean-Pierre Barillet-Deschamps. Haussmann souligne le rôle fondamental du service du Plan de Paris, dirigé par l'architecte Deschamps, qui trace les nouvelles voies et contrôle le respect des règles de construction : dans ce domaine, « la géométrie et le dessin graphique jouent un rôle plus important que l'architecture proprement dite », note Haussmann. D'autres architectes participent aux travaux : Victor Baltard aux Halles, Théodore Ballu pour l'église de la Sainte-Trinité, Gabriel Davioud pour les théâtres de la place du Châtelet, le vétéran Hittorff pour la gare du Nord et la place de l'Etoile.

La coopération entre la normalisation publique et l'initiative privée
Influencés par le saint-simonisme, Napoléon III et des ingénieurs comme Michel Chevalier ou des entrepreneurs comme les frères Pereire croient au volontarisme économique, qui peut transformer la société et résorber la pauvreté. C'est à un pouvoir fort, voire autoritaire, d'encourager les capitalistes à lancer de grands travaux qui bénéficieront à l'ensemble de la société et en particulier aux plus pauvres. Le pivot du système économique est la banque, qui se développe considérablement. Ces principes trouvent un champ d'application idéal dans les projets de rénovation de Paris. Les travaux d'Haussmann seront donc décidés et encadrés par l'État, mis en œuvre par les entrepreneurs privés et financés par l'emprunt.

Le système haussmannien
Dans un premier temps, l'État exproprie les propriétaires des terrains concernés par les plans de rénovation. Puis il détruit les immeubles et construit de nouveaux axes avec tous leurs équipements (eau, gaz, égouts). Haussmann, contrairement à Rambuteau, a recours à des emprunts massifs pour trouver l'argent nécessaire à ces opérations, soit de 50 à 80 millions de francs par an. À partir de 1858, la Caisse des travaux de Paris est l'outil privilégié du financement. L'État récupère l'argent emprunté en revendant le nouveau terrain sous forme de lots séparés à des promoteurs qui doivent construire de nouveaux immeubles en se conformant à un cahier des charges précis. Ce système permet de consacrer chaque année aux travaux une somme deux fois plus élevée que le budget municipal.

Or le système se fissure peu à peu. Les emprunts massifs de la Caisse creusent une dette qui s'élève à 1,5 milliard de francs en 1870 et contribue à discréditer les grands travaux. Jules Ferry dénoncera le trou financier dans un pamphlet paru en 1867 : Les comptes fantastiques d'Haussmann16.

La régulation publique
Haussmann bénéficie d’un cadre législatif et réglementaire aménagé pour faciliter les travaux et assurer l’homogénéité des nouvelles artères.

Le décret du 26 mars 1852 relatif aux rues de Paris, adopté un an avant la nomination d’Haussmann, met en place les principaux outils juridiques :

- disposition essentielle : l'administration décide seule du périmètre des expropriations. Il devenait donc possible de tailler large dans le vieux tissu urbain, les parcelles non utilisées par la voie publique, bénéficiant d'une très forte plus-value, restaient la propriété de la ville, et échappaient aux anciens propriétaires. Cependant, il n'était pas question de réduire les indemnités dues à ces derniers. Ce sont sur ces dispositions qu'Haussmann allait surtout s'appuyer pour mener sa politique de grands travaux, très dispendieuse mais très efficace. Cet outil permit de raser une bonne partie de l’Île de la Cité ou encore tout le quartier, extrêmement peuplé, situé entre le Châtelet et l'Hôtel-de-Ville (le quartier des Arcis). Après 1860, toutefois, le Conseil d'État réduisit le pouvoir discrétionnaire de l'administration, rendant plus difficiles les expropriations.

- obligation pour les propriétaires à nettoyer leurs façades et à les rafraîchir tous les dix ans.

- règlementation du nivellement des voies de Paris, de l’alignement des immeubles, du raccordement à l’égout.

Les pouvoirs publics interviennent à la fois sur le gabarit des immeubles par la voie réglementaire, et sur l’aspect esthétique même des façades par le moyen des servitudes :

- le règlement de 1859 permet de faire monter les façades jusqu’à 20 mètres de hauteur dans les rues de 20 mètres de largeur qu’Haussmann est en train de percer, alors que la hauteur maximale était de 17,55 mètres auparavant. Les toits doivent toujours s’inscrire sous une diagonale à 45 degrés.

- la construction d’immeubles le long des nouvelles voies est soumise à des conditions particulières sur l’aspect des façades. Les maisons mitoyennes doivent avoir « les mêmes hauteurs d’étage et les mêmes lignes principales de façade ». L’utilisation de la pierre de taille est obligatoire sur les nouveaux boulevards.

Le rôle capital joué par les architectes voyers, chargés de la gestion de la voirie, marque l’importance prise par les ingénieurs au sein des grands corps de l’État.

Les critiques de la politique urbaine de Napoléon III et le départ d’Haussmann

Des artistes et des architectes (Charles Garnier) dénoncent la monotonie étouffante de cette architecture monumentale. Des hommes politiques et des écrivains mettent en cause l’étendue des spéculations et de la corruption (La Curée de Zola) et certains accusent à tort Haussmann d’enrichissement personnel. De nombreuses critiques portent toutefois sur des motifs de fond et vont finir par faire tomber le préfet.

L’élargissement des rues comme arme d’un régime autoritaire ?
Des contemporains de Napoléon III l’ont accusé d’avoir caché sous des préoccupations sociales et hygiénistes un projet essentiellement policier : la construction de voies larges aurait eu pour objectif principal de faciliter les mouvements de troupe et l’établissement de rues droites aurait permis de tirer au canon sur une foule en émeute et ses barricades.

L’ampleur même des travaux montre que les visées de Napoléon ne pouvaient se limiter à l’aspect sécuritaire : au-delà du percement des boulevards qui en forme la partie la plus spectaculaire, la transformation porte sur l’établissement de réseaux modernes en sous-sol, l’installation d’un mobilier urbain efficace en surface et l’harmonisation de l’architecture le long des rues nouvelles. Il est toutefois vrai que Napoléon est soucieux d’établir un ordre strict. Haussmann n’hésite pas à expliquer que ses percements faciliteront le maintien de l’ordre pour promouvoir ses projets auprès du Conseil de Paris ou des propriétaires locaux. La dimension stratégique est donc présente, mais elle ne constitue qu’un élément parmi d’autres. Elle est peut-être plus importante lorsqu’il s’agit de relier les principales casernes entre elles.

Haussmann n’est pas chargé de la police. Son mandat correspond au contraire à un affaiblissement du préfet de police au profit du préfet de Paris, qui récupère des attributions telles que les problèmes liés à l’insalubrité, l’éclairage et le nettoyage des rues.

La rupture d’un équilibre social
Malgré les idéaux sociaux qui sont en partie à l’origine des transformations de Paris dans l’esprit de Napoléon III, de nombreux observateurs contemporains dénoncent les effets démographiques et sociaux des opérations d’urbanisme menées par Haussmann.

Louis Lazare, auteur sous le préfet Rambuteau d’un important dictionnaire des voies parisiennes, estime en 1861 dans la Revue municipale que les travaux haussmanniens contribuent à faire croître démesurément la population assistée en attirant à Paris une population pauvre. De fait, Haussmann lui-même a ralenti dans une certaine mesure les travaux afin d’éviter un afflux trop massif d’ouvriers à Paris.

D’autre part les critiques dénoncent, dès les années 1850, les effets des rénovations sur la composition sociale de Paris. D’une manière un peu schématique, on trace un portrait de l’immeuble parisien pré-haussmannien comme synthèse de la hiérarchie sociale parisienne : bourgeois au deuxième étage, fonctionnaires et employés aux troisième et quatrième, petits employés au cinquième, gens de maison, étudiants et pauvres sous les combles. Toutes les classes sociales se côtoyaient ainsi dans le même immeuble. Cette cohabitation, qui doit bien entendu être nuancée selon les quartiers, a disparu en grande partie après les travaux d’Haussmann. Ceux-ci ont eu deux effets sur le plan de la répartition de l’habitat dans Paris :

- les rénovations du centre-ville ont entraîné une hausse des loyers qui a contraint les familles pauvres à partir vers les arrondissements périphériques... 

- certains choix d'urbanisme ont contribué à déséquilibrer la composition sociale de Paris entre l’ouest, riche, et l’est, défavorisé. Ainsi aucun quartier de l’est parisien n’a bénéficié de réalisations comparables aux larges avenues entourant la place de l'Étoile dans les 16e et 17e arrondissements. Les pauvres se concentrent alors dans les quartiers laissés de côté par les rénovations.

En réponse, Haussmann met en avant la création, très complexe, du bois de Vincennes, destinée à fournir aux populations d’ouvriers une promenade comparable au bois de Boulogne. Par ailleurs, les quartiers insalubres « nettoyés » par Haussmann n’abritaient guère de bourgeois.

Ainsi s’est mise en place une forme de zonage qui domine toujours la distribution de l’habitat et des activités dans Paris et sa proche banlieue : au centre et à l’ouest les bureaux et les quartiers bourgeois, à l’est et à la périphérie les habitats les plus pauvres et les activités industrielles.

La crise du système de financement
À la fin des années 1860, le système de financement connait des dysfonctionnements. L’annexion des communes environnantes en 1860 a coûté cher : les travaux à réaliser dans ces quartiers suburbains sont plus importants que dans le centre-ville, déjà pourvu de certains équipements. Les budgets prévus au départ sont largement insuffisants. D’autre part, l’assouplissement du régime rend plus difficiles les expropriations, la jurisprudence du Conseil d’État et de la Cour de cassation intervenant en faveur des propriétaires.

D’autre part les Parisiens supportent mal les travaux qui paralysent la ville depuis près de vingt ans. Les réseaux de boulevards qui encombrent les arrondissements extérieurs de travaux n’ont pas une utilité aussi évidente que le percement du boulevard de Sébastopol ou du boulevard Saint-Germain.

Jules Ferry se fait un nom à travers une série d’articles de presse regroupés sous le titre Les Comptes fantastiques d’Haussmann. Il dénonce l’ambition exagérée des derniers projets et leur financement incertain. Ces projets sont en effet financés, non par l’emprunt, mais par des bons de délégation émis par la Caisse des travaux de Paris, hors du contrôle du Parlement.

Haussmann est finalement renvoyé au début de 1870, quelques mois avant la fin du Second Empire qu’il a accompagné pendant toute sa durée. Les dettes contractées seront finalement résorbées assez rapidement sous la Troisième République.

Texte sous licence CC BY-SA 3.0. Contributeurs, iciPhoto : Fotolia.com.

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