Le protectionnisme : les différents points de vue

Les résultats des élections européennes risquent de projeter le protectionnisme au cœur des mutations dont l’Europe ne saurait se passer. La semaine dernière nous vous présentions les points de vue libéral et mercantiliste sur le protectionnisme. Cette semaine nous vous exposons d’autres visions : paneuropéenne, nationaliste, localiste ou encore altermondialiste. De cette diversité d’opinions, émergera peut-être un modèle raisonnable sachant combiner ouverture et protection. Un modèle susceptible de faire adhérer les peuples européens ?…

Lien vers l'article sur les points de vue libéral et mercantiliste du protectionnisme

Le point de vue du protectionnisme européen
L'Europe économique issue des traités successifs depuis la création de la CEE à Rome en 1957 a permis de faire aujourd'hui de la zone des 27 un espace économiquement unifié, très intégré, reposant sur une libre circulation des capitaux, des biens, des services et des personnes. La question est maintenant de savoir si un protectionnisme « extérieur » est possible, afin de protéger un marché intérieur de 500 millions de consommateurs.

Les défenseurs de ce projet mettent en avant le taux d'ouverture de 12 % de la zone régionale (88 % du commerce européen se fait avec un membre de l’Union), taux assez faible pour permettre des politiques économiques communes ainsi que des tarifs extérieurs plus protecteurs pour les secteurs en difficultés (délocalisations). Les États-Unis sont paradoxalement l'un des pays le plus protecteur du monde.

Les adversaires d'un tel projet mettent en avant les méfaits du protectionnisme, la remise en cause de la concurrence, le risque de repli des États sur eux-mêmes. Ainsi les États-Unis ont accusé l'Union européenne de renier la signature qu'elle a donnée au General Agreement on Tariffs and Trade (GATT) en créant un marché commun entre les États membres.

Selon eux, le marché auto-élimine les entreprises les moins rentables (cas du textile) qui se délocalisent vers des pays où la main-d'œuvre est moins chère ; les pays dits « développés » sont quant à eux voués à se spécialiser dans des secteurs innovants, à forte « matière grise », et non concurrençables - pour le moment - par les pays émergents.

Une critique plus profonde a été faite par Maurice Allais : pour réussir, une union douanière doit être cohérente, ce qui n'est pas le cas : la crise grecque et la réaction allemande montrent l'écart considérable entre ces économies. Les PECO (pays d'Europe centre et orientale), ex-démocraties populaires, ont importé dans ce qui est devenu l'Union européenne, des économies peu différentes de celles du Tiers-monde, des pratiques gouvernementales incompatibles avec la rigueur morale (un ministre radié pour avoir présentée une thèse faite de copier/coller pris sur Internet, un autre pour n'avoir pas sanctionné les militaires responsable du bombardement de civils en Afghanistan) et financière allemande. Le laisser-emprunter français est déjà hérétique face à ces rigueurs. Le libre échange que condamnent les auteurs français, est l'un des piliers du prétendu "miracle allemand", un autre étant l'implication des syndicats dans la marche des entreprises (à partir de 2000 salariés, la moitié des administrateurs sont élus par les salariés, disposant des mêmes pouvoirs que ceux qui sont élus par les actionnaires ; on est loin de la monarchie absolue française). L'ordolibéralisme issu de la pensée de Walter Eucken, mis en œuvre depuis plus de quarante ans (initialement, par Franz Josef Strauss), n'est pas même enseigné en France. Le protectionnisme de Friedrich List est lui aussi envisageable : le financement des projets de recherche ou la mise en place de branches considérées comme naissantes et donc fragiles pourrait être étudiés. Les secteurs clés (énergie, sécurité, agriculture, écologie) ne peuvent pas être considérés comme de simples secteurs vendables au plus offrant. Peut-être faudrait-il réinsérer l'idée de protection dans certains cas précis. Aujourd'hui, le mot protectionnisme n'est plus en vogue. Il est opposé au libre-échange et par extension au terme libéralisme.

Selon les défenseurs du protectionnisme européen, ce dernier serait une voie pour créer un espace fermé où les entreprises auraient la possibilité de prendre conscience que

- les salaires ne sont pas seulement un coût, mais aussi la source du pouvoir d'achat et donc du chiffre d'affaires,

- la forte productivité des salariés européens compense fortement leur cout horaire.

Il en résulterait une réindustrialisation, et une baisse du chômage. Cette dernière serait alors à l'origine d'une hausse des salaires par le jeu de l'offre et de la demande. Ce type de théorie est défendue par plusieurs auteurs, dont Emmanuel Todd (qui a depuis abandonné l'idée et penche désormais pour un protectionnisme au niveau national). Ce raisonnement s'applique à la France, non à l'Allemagne qui ne subit que peu les délocalisations. cette dernière bénéficie à l'exportation d'une image qu'elle s'est créée depuis un siècle et demi, la «qualité allemande». C'est ainsi que pour étendre la pénétration de ses appareils photos et caméscope, Sony les dote d'optiques Zeiss ; lorsque Toyota veut mesurer l'image de fiabilité de ses voitures, il les compare avec celles de Mercedes et de BMW ; lorsque Ssangyong lance sa Musso (4x4 haut de gamme), elle la dote d'un moteur Mercedes ; le modèle de luxe Chairman est décliné en trois motorisations Mercedes.

Le point de vue nationaliste
D'autres, proche du nationalisme anti-mondialiste, avancent que les pays développés seraient menacés par les pays émergents et devraient s'en protéger vu que ceux-ci auraient de meilleurs coûts de production dans certains types d'activités. De fait, ces mouvements sont l'expression d'un même mal généré par un libre-échangisme dérégulé, ou loi de la jungle, qui met en concurrence frontale, sans protection, les riches avec les pauvres, les pays développés (qui ont capitalisé une avance technologique et financière) avec les pays émergents (qui profitent de l'ouverture des frontières pour envahir les marchés et plus discrètement les pays en situation de dépendance qui malgré un déficit de leurs échanges peuvent causer du mal à certaines branches agricoles notamment des premiers).

Le point de vue localiste
Pour les partisans de la relocalisation des activités humaines, le protectionnisme doit se penser de la famille à l'unité civilisationnelle : l'Europe. Le protectionnisme n'est pas conçu comme un moyen de protéger un niveau d'organisation humaine en particulier (nation, région, etc.) mais comme un moyen de recentrer l'activité économique sur son objectif premier« satisfaire au besoin de la communauté ». Les localistes proposent d'appliquer le principe de façon souple et progressive en organisant la taxation concentrique des embauches et des ventes de biens et services. Le parti localiste Maison Commune de Laurent Ozon, seule offre politique clairement positionnée comme localiste et protectionniste, se réclame d'un protectionnisme localiste et pragmatique. Notons que le localisme se différencie du protectionnisme par la volonté de ne pas définir de frontière mais plutôt des échelles géographiques.

Les points de vue altermondialistes
Le mouvement altermondialiste s'oppose à la concurrence internationale entre les travailleurs qu'induit la baisse des tarifs douaniers entre les États (« libre échange »). C'est en ce sens que le mouvement altermondialiste a organisé la protestation contre la conférence ministérielle de l'Organisation Mondiale du Commerce à Seattle le 30 novembre 1999. À la suite de manifestations parfois violentes contre les forces de police, le sommet n'a pu se dérouler normalement. Reste que le mouvement altermondialiste est aujourd'hui traversé d'un débat entre partisans de ce que l'ancien président d'Attac Bernard Cassen a nommé des formes de « protectionnisme altruiste » et des économistes critiques du protectionnisme.

Certains altermondialistes reprennent les théories de l'économiste Friedrich List : les pays développés ont d'abord construit leur industrie en utilisant le protectionnisme, puis une fois leurs économies devenues largement supérieures à celles des pays du tiers monde, ils ont ouvert leurs frontières afin de bénéficier de la réciprocité, qui leur permet de prévenir l'émergence de concurrents et d'acquérir des matières premières à moindre coût. Puisque le tiers monde ne peut pas bénéficier du protectionnisme qui a permis l'émergence des économies puissantes, il est condamné à rester sous-développé.

D'autres altermondialistes préconisent le commerce équitable. Le commerce international n'est alors justifié qu'à la condition de satisfaire les travailleurs des pays en développement et les consommateurs des pays riches. Le commerce équitable préconise l'organisation de la production et du commerce en coopératives.

Plusieurs altermondialistes considèrent que le protectionnisme des pays riches empêche les pays pauvres de rattraper rapidement leur retard. Ainsi, si toutes les mesures protectionnistes étaient abandonnées, la très grande majorité des industries seraient délocalisées vers les pays pauvres ce qui diminuerait fortement leur taux de chômage et leur permettrait donc d'avoir plus d'argent pour leurs systèmes d'éducation et de santé. D'ailleurs, même si la fin des mesures protectionnistes induisait temporairement une hausse du chômage dans les pays riches à cause du départ de leurs industries, il descendrait par la suite puisque la baisse des prix des produits manufacturés entrainerait une hausse du pouvoir d'achat et donc de la consommation dans le secteur des services, qui lui resterait évidemment local.

Ce raisonnement  montre ses limites car de nombreux pays en voie de développement (telle la Côte d'Ivoire) s'entourent de hautes barrières douanières derrière lesquelles végètent quelques maigres industries de substitution. Dans ces pays les recettes publiques propres proviennent principalement de la douane, ce qui évite tout débat sur la nature et la pertinence des dépenses publiques.

Controverse sur le rôle du protectionnisme lors de la Grande Dépression de 1929
Pour discréditer les mesures protectionnistes, des partisans du libre-échange proclament que les mesures protectionnistes instaurées après la Grande Dépression de 1929 auraient aggravé la crise économique. Par conséquent, certains prétendent même que ces mesures protectionnistes auraient conduit à la Seconde Guerre mondiale, ainsi qu'à la montée dunazisme et du fascisme. Ce parallèle fallacieux entre protectionnisme et xénophobie étant très souvent repris dans les médias.

Jacques Sapir réfute ces hypothèses en expliquant que « la chute du commerce international a d'autres causes que le protectionnisme ». Il fait remarquer que « la production intérieure des grands pays industrialisés régresse [...] plus vite que le commerce international ne se contracte. Si cette baisse avait été la cause de la dépression que les pays ont connue, on aurait dû voir l'inverse. » De plus, « si la part des exportations de marchandises dans le produit intérieur brut (PIB) passe de 9,8 % à 6,2 % pour les grands pays industrialisés occidentaux de 1929 à 1938, elle était loin, à la veille de la crise, de se trouver à son plus haut niveau, soit les 12,9 % de 1913. »

« Enfin, la chronologie des faits ne correspond pas à la thèse des libres-échangistes […] L'essentiel de la contraction du commerce se joue entre janvier 1930 et juillet 1932, soit avant la mise en place des mesures protectionnistes, voire autarciques, dans certains pays, à l'exception de celles appliquées aux États-Unis dès l'été 1930, mais aux effets très limités. En fait, ce sont les liquidités internationales qui sont la cause de la contraction du commerce. Ces liquidités s'effondrent en 1930 (-35,7 %) et 1931 (-26,7 %). Or, on voit la proportion du tonnage maritime inemployé augmenter rapidement jusqu'à la fin du premier trimestre 1932, puis baisser et se stabiliser. »

Jacques Sapir relève que « la contraction des crédits est une cause majeure de la contraction du commerce ». Une étude du National Bureau of Economic Research met en évidence l'influence prédominante de l'instabilité monétaire (qui entraîna la crise des liquidités internationales) et de la hausse soudaine des coûts de transport dans la diminution du commerce durant les années 1930.

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