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François Hollande : pourquoi, selon lui, la courbe du chômage va s’inverser Depuis son élection le Président Hollande maintien que la courbe du chômage va s’inverser pour la fin de l’année. Pourtant les indicateurs économiques ne sont pas bons : investissements en berne, creusement du déficit commercial et entrée du pays dans la récession avec deux trimestres consécutifs de décroissance du PIB. Le bon sens nous fait percevoir que ce ne sont pas les contrats aidés tels que les emplois d’avenir (qui ont d’ailleurs du mal à se mettre en place) qui permettront une reprise perceptible et durable de l’emploi. Alors pourquoi le Président persiste-t-il dans cette voie ? Il semble que François Hollande et les membres de son cabinet soient de fervents adeptes des théories des cycles économiques. Ces théories, qui lorsqu’elles sont portées par les politiques, conduisent le plus souvent à l’attentisme ponctué de mesures symboliques pour faire patienter… Les cycles économiques Les théories économiques dominantes évoquent fréquemment quatre cycles, plus ou moins coexistants selon les théories, et chacun d'une récurrence différente : le cycle Kitchin (3 à 4 ans) ; le cycle Juglar (8 à 10 ans) ; le cycle Kuznets (15 à 25 ans) ; le cycle Kondratieff (40 à 60 ans). L'hypothèse et l'étude de ces cycles répond à une volonté prospective de comprendre et prévenir les crises économiques ou d'en minimiser les effets ou de se prémunir de certains effets. Au XIXe siècle, la répétition de telles crises (entraînant à grande échelle faillites et licenciements, chute de l'investissement, blocage du crédit et des échanges internationaux, et privant les États de ressources fiscales) ainsi que la proximité de leur scénario conduisent à des études systématiques, comme celle de Clément Juglar. La crise de 1929, brutale et durable, conduira à une explosion des recherches sur les causes de ces phénomènes répétitifs. Les économistes travaillant sur les cycles n'ont pas tous considéré qu'ils mettaient à jour des phénomènes relevant d'un déterminisme de type mécanique (tels par exemple les marées liées au mouvement de la lune), mais ils pensaient que des effets similaires pouvaient découler de causes similaires : ils émirent l'hypothèse que les crises générales pouvaient être dues à des mécanismes sous-jacents endogènes. L'objectif était notamment d'isoler les mécanismes pro-cycliques ou contra-cycliques dans les attitudes, règlements et politiques menées. Après la Seconde Guerre mondiale, le succès des thèses de John Maynard Keynes — qui privilégie la réflexion et l'intervention active — fait passer au second rang l'étude analytique des cycles. Celle-ci est revenue sur le devant de la scène dans les années 1970, notamment avec la théorie des cycles réels développée par les nouveaux économistes classiques. Les cycles courts Le cycle court d'une dizaine d'années (ou de Juglar) La survenue régulière de crises générales tous les huit à dix ans est observée depuis environ 200 ans. Les auteurs de ces théories postulent qu'elles auraient été déjà présentes bien avant, mais le caractère presque totalement agricole des économies en rendait l'explication différente. Pour la France la séquence est la suivante : 1810, 1818, 1825, 1830, 1837, 1847, 1857, 1867, 1882, 1891, 1907, guerre de 1914, 1921, 1931-32, guerre de 1940, 1952, 1963, 1974, 1983, 1993, 2002, 2008. Pour les États-Unis, Hansen dans Business cycles and national income évoque les pics de dépression suivants : 1876, 1885, 1896 1908, 1921, 1932, 1938. Pour l'après-guerre les grands creux sont aux États-Unis : 1952, 1958, 1972, 1982, 1992, 2001, 2008-2010. À partir du début du XXe siècle, la périodicité est ajustée avec celle de l'Europe. En général la crise commence aux États-Unis et se propage dans les 18 mois suivants à l'Europe. On trouve des références innombrables au cycle dans les textes du XIXe siècle. Willard Philips écrivait, en 1828 : « Comme les affaires vont connaître flux et reflux, le plus rapidement une crise qui s'approche pourra être détectée, moindres seront les souffrances de la population ». Dans « le manifeste communiste » de Marx et Engels, on évoque le retour périodique des crises commerciales qui met en cause à chaque fois de façon plus menaçante l'ensemble de la société bourgeoise » Pour Marx, la périodicité d'une dizaine d'années correspond au cycle de renouvellement du capital fixe. John Stuart Mill dans ses principes d'économie politique de 1848 parle aussi des « crises commerciales » et leur caractère « presque périodique ». Clément Juglar postule le premier l'existence d'un cycle court, en répondant à une question mise au concours public par l'académie des sciences morales et politiques. Son livre, les crises commerciales et leur retour périodique en France en Angleterre et aux États-Unis (1862), fait date. Il a étudié en détail les premières crises du XIXe siècle et notamment celles de 1810, 1818, 1825, 1830, 1837, 1847, 1857, 1867, 1882, 1891. Exploitant les courbes des prix et l'évolution du crédit, l'auteur montre que la crise décennale est due principalement aux dérèglements périodiques du crédit. Il met les banques au centre de l'explication des crises dites alors « commerciales ». Pour lui, la spéculation et le crédit tendent les ressorts économiques à l'extrême. La période d'euphorie finale provoque des anticipations excessives qui ne trouvent pas de réalité. Le renversement commence. Le crédit s'arrête. L'investissement également. Les entreprises se retrouvent avec des capitaux sans rentabilité et des excès de stocks. La production ralentit. Le chômage augmente. Les prix baissent, entraînant des anticipations négatives qui aggravent la crise. Certaines banques trop engagées font faillite. Puis la situation est assainie. La reprise se produit progressivement. L'optimisme revient et l'investissement reprend puis s'accélère. L'analyse de C. Juglar se fait dans un contexte de grande flexibilité des prix et dans un cadre monétaire d'étalon bi-métallique or et argent, ce qui explique que ses deux principaux indicateurs étaient la courbe des prix et celle des taux d'intérêt. Appliquant une grande rigueur formelle à ses analyses, il pensait pouvoir prévoir les crises de façon presque certaine. Un autre économiste, l'anglais W. Stanley Jevons a aussi cherché à expliquer cette périodicité décennale. Contrairement à Juglar, en 1866, il pensait que les récessions étaient corrélées à l'apparition des tâches solaires. Cette constatation a laissé perplexes les économistes qui ne l'ont pas reprise. Un économiste comme Costas Azariadis est ainsi célèbre pour avoir construit des modèles de prophéties auto-réalisatrices, dont l'équilibre est ironiquement désigné par l'expression "équilibre à tâches solaires". Dans ces modèles, la croyance de tous les agents en une causalité d'un phénomène externe à l'économie conduit à sa réalisation effective du simple fait de la coordination des anticipations des agents. Clément Juglar a ensuite été confronté à des prévisions ratées, qui ont porté atteinte à son crédit. L'orthodoxie financière dominante à la fin du XIXe siècle n'était pas prête à admettre que la profession bancaire, en pleine expansion, puisse être soupçonnée le moins du monde d'une responsabilité dans l'horreur des récessions ! La crise de 1921 remet d'actualité l'étude du « cycle de dix ans », car précédée en 1907 d'une crise bancaire et boursière particulièrement dure. Wesley Mitchell en 1927 publie, Business cycles the problem and its setting. Il définit le cycle comme une fluctuation de l'agrégat global d'activité économique (on dirait le PIB aujourd'hui). En 1927, A.C Pigou, le père du fameux effet Pigou, voit plus les variations économiques comme des réponses à des chocs qui ébranlent l'économie et provoquent son déséquilibre. Toute la question est la récurrence de ces chocs : sont-ils exogènes ou en partie endogènes ? Après la crise de 1929, l'analyse des forces cycliques reprend avec vigueur. J. A. Schumpeter publie en 1939 Business cycles, une étude du cycle simplifiée en quatre phases ; « prosperity, recession, depression, recovery ». Son idée est que l'investissement commande le cycle et qu'il est largement dépendant de facteurs d'entraînement psychologiques qui peuvent pousser à l'euphorie pendant les périodes de succès et inversement à la morosité lors d'une retournement. La récession serait le fruit naturel de l'expansion rapide qui la précède. Il reprend une part notable de l'apport du Russe Togan-Baranowsky qui déjà avait lié les phases d'expansion et de repli aux mouvements de l'investissement. C'est le livre majeur de J.M. Keynes qui renouvelle toute la théorie de la crise économique, analysé comme une rupture de la demande globale. L'étude du cycle proprement dit sera après guerre le fait des économistes keynésien qui partent des fluctuations de la demande globale et des moyens de la contrôler, notamment Alvin Hansen. On entre ensuite dans une période économétrique, qui est aussi celle de la réflexion économique et la production de modèles macro-économiques et prospectifs. - Puisque l'activité peut être pilotée et la demande globale contrôlée, le cycle peut être atténué. Il est vrai que les grandes récessions quasi-décennales qui voyaient l'activité se contracter de 20 à 30 % disparaissent après guerre au profit de ralentissements de bien moindre envergure. Les théories du cycle quittent progressivement les préoccupations de la recherche économique. - Le FMI par la voix de son économiste en chef, Kenneth Rogoff, annonce même en 1999 la quasi fin des crises. Elles seraient de moins en moins graves. Peu après la bourse s'effondrait et la crise de 2001-2002 commençait. - En vérité, la crise de 1974 a été sévère dans le monde entier, celle de 1982, sévère aux États-Unis et en Grande Bretagne, celle de 1992-1993 sévère partout et celle de2001-2002 fut significative. Elles débouchent aujourd'hui (2008-2010) sur une crise encore plus sévère dont on craint qu'elle soit de la même magnitude que celle dite « de 1929 ». Les cycles mineurs (ou de Kitchin) Kitchin a repris les travaux de Juglar et a cru discerner un cycle intermédiaire dont la cause serait le cycle des stocks ; on déstocke trop en période de crise et on surstocke en période d'optimisme. Le mouvement des stocks interagit avec celui des taux d'intérêt et des prix. Souvent repris sous forme de l' « analyse de la chaudière » ou des décalages de temps (« time lags »), on retrouve ce mécanisme dans de nombreux cours d'économie qui sans aller jusqu'à justifier la rigueur cyclique postulée par Juglar et Kitchin admettent des phénomènes récurrents. Une métaphore est la circulation sur autoroute qui montre qu'un coup de frein en aval et quelques réactions en chaine peuvent provoquer un fort ralentissement, voire un arrêt, en amont, donnant son profil de « stop and go » à la circulation routière dès qu'il y a un peu de trafic. L'analogie de la chaudière est également expressive ; on met du bois dans la chaudière tant qu'il ne fait pas chaud. On dépasse la température visée. Du coup on cesse d'alimenter la chaudière. Au bout d'un moment le froid revient et le cycle se réamorce. À la fin des années 1990, la montée de l'économie de service, de l'économie de l'immatériel puis d'une économie largement immatérielle a conduit certains à annoncer « la fin du cycle » et l'avènement d'une « croissance perpétuelle » pendant le boom des valeurs informatiques et télématiques : il n'y avait plus de stock, donc plus de cycle...
La crise actuelle d’endettement des états européens nous montre que nous sommes loin d’une croissance perpétuelle. Nous semblons tendre au contraire vers une croissance atone voire une décroissance qui risque d’être « perpétuelle » si nous ne trouvons pas un modèle économique et social capable de générer de la croissance sans s’appuyer excessivement sur la dette. Un nouveau modèle pour démarrer un nouveau cycle ? Si c’est le futur que nous voulons, il parait urgent d’agir plutôt que d’attendre benoitement la remontée d’un cycle obsolète. « Frère François, ne vois-tu rien venir ? » Texte sous licence CC BY-SA 3.0. Contributeurs, ici. Photo : J.M Ayrault. Flickr Pour accompagner votre entreprise à définir un modèle économique performant, des experts-comptables : 60520 - PATRICK GAUTIER EXPERTISE http://www.expert-comptable-senlis-60.com Voir toutes les newsletters : www.haoui.com Pour les professionnels : HaOui.fr |